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Les éleveurs laitiers doivent-ils avoir peur des accords de libre-échange ?

Les pays tiers valorisent mieux les produits laitiers français que nos voisins européens. Les accords de libre-échange peuvent donc être source d’opportunités pour la filière laitière française. Un bémol : l’accord commercial avec la compétitive Nouvelle-Zélande.

carte des accords de libre échange européens en vigueur ou en cours de négociation pour les produits laitiers
Parmi les accords commerciaux en cours de négociation ou finalisés entre l’Union européenne et des pays tiers, seul celui avec la Nouvelle-Zélande fait craindre un risque pour la filière laitière française. Les négociations avec l’Australie sont au point mort. Pour les autres destinations, la position est plutôt offensive.
© Les Marchés by Réussir

Le rejet du Ceta par le Sénat, fin mars, a ravivé le débat sur les risques que les accords de libre-échange font peser sur l’agriculture française. Déjà appliqué, le bilan de cet accord commercial entre l’Union européenne et le Canada est positif pour la filière laitière française.

« Pour le Ceta, c’est un fait, nous sommes gagnants », admet Alessandra Kirsch, directrice du think tank Agriculture stratégies qui se définit pourtant comme « pas pro-accord de libre-échange ». « L’ouverture de ces quotas s’est traduite par une augmentation de 57 % des exportations de fromages européens entre 2016 et 2022 », confirme la direction générale du trésor dans une note de mars 2024.

Cas isolé ou véritable opportunité ? Côté face, en s’en tenant aux statistiques du commerce extérieur, le grand export a ses atouts : il valorise mieux les produits laitiers français que nos voisins européens. Côté pile, certains accords, et tout particulièrement avec la Nouvelle-Zélande font craindre une concurrence accrue sur le marché intérieur.

Vocation exportatrice du lait français

« Nous exportons 40 % de notre lait. Cette proportion se maintient depuis très longtemps », illustre Jean-Marc Chaumet, économiste au Cniel. Ensuite, 60 % du lait exporté en volume est expédié vers l’Union européenne ; 40 % vers les pays tiers. En valeur, les proportions changent : 55 % pour l’UE, 45 % pour les pays tiers. « Les produits laitiers français sont globalement mieux valorisés dans les pays tiers que vers l’UE », décrypte l’économiste.

« La balance commerciale est positive avec les pays tiers pour les produits laitiers. Hors UE, nous sommes gagnants et avons intérêt aux échanges commerciaux », confirme Alessandra Kirsch.

Graphique : Les exportations françaises de produits laitiers vers pays tiers progressent davantage que les exportations vers l’UE 27

« La facilitation du commerce, par le biais d’accords de libre-échange, permettrait sûrement d’exporter plus, s’attend Jean-Marc Chaumet. Aujourd’hui le grand export, au-delà du Royaume-Uni, de la Chine et des États-Unis, est constitué de nombreuses destinations avec lesquelles nous n’avons pas toujours d’accord de libre-échange. Les petits ruisseaux font les grandes rivières. »

L’UE, marché de dégagement pour la Nouvelle-Zélande ?

L’argument vaut aussi dans l’autre sens. L’accord commercial avec la Nouvelle-Zélande est entré en vigueur ce 1er mai. Le secteur laitier néozélandais est extrêmement dépendant de la demande chinoise. « Nous avons un problème quand la Chine en a un. Nous sommes trop dépendants d’eux. La moitié de notre lait y est exportée », reconnaît Nick Martin, de la filiale néozélandaise de la Rabobank.

« La collecte laitière chinoise augmente et la consommation se tourne vers la production locale, témoigne Jean-Marc Chaumet. Le risque est que l’Europe serve de marché de dégagement pour des commodités néozélandaises. Même si leur prix du lait tend à se rapprocher des prix européens et français, les néozélandais peuvent être compétitifs à certains moments. »

Des craintes que confirme un rapport du centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture. « Accorder des accès à droits nuls ou très réduits, pour les produits laitiers, signifierait faire entrer l’Union européenne dans le portefeuille des clients facilement accessibles de la Nouvelle-Zélande, peut-on lire. Il y aurait à la fois un risque d’envois réguliers et conséquents, pour certains ingrédients sur lesquels elle est très compétitive, et un risque d’envois opportunistes d’autres ingrédients laitiers, en cas de hausse des prix européens ou de saturation du marché mondial. » Conséquences : « ceci conduirait à gommer les pics de prix européens et à accentuer la baisse des cours en période de crise laitière ».

« Cela ne va pas inciter à augmenter le prix du beurre, alors que nous sommes déficitaires en matière grasse », conclut Alessandra Kirsch.

 
 
Tableau : Les vingt principaux importateurs de produits laitiers français en valeur
Tableau : Le grand export est composé d’une multitude de pays- Les vingt principaux importateurs de produits laitiers français en valeur © Source : Cniel
 

Le saviez-vous ?

Les accords de libre-échange ne se résument pas à supprimer les droits de douane. Ils incluent également la protection des indications géographiques protégées (AOP, AOC, IGP). Outre les vins et spiritueux, la Nouvelle-Zélande a accepté de protéger 163 appellations. Dans le cadre du Ceta avec le Canada, 173 IGP européennes sont désormais protégées dont 42 françaises (reblochon, saint-nectaire, cantal…).

 

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