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Le teff grass doit encore être apprivoisé

De bonne valeur alimentaire, multicoupe et aimant la chaleur : le teff grass est prometteur. Mais l'implantation est très délicate.

Le teff grass - Eragrostis tef - est une graminée annuelle, originaire d'Éthiopie, multicoupe. Elle a une bonne capacité de pousse quand il fait chaud, jusqu'à 35 °C. Elle se développe très mal en dessous de 12 °C. Elle est détruite dès 0 °C ou -1 °C. Sa graine est très petite (PMG de 0,4 g) ce qui demande des conditions d'implantation très soignées.

L'enrobage améliore la précision du semis

Le teff grass forme une grande famille, avec des types grain, et des types fourrage plus récemment sélectionnés. « Steffanie et Moxie sont des fourragères. Elles montent moins vite à graine. SA Brown fait plus de grains, et même en deuxième cycle, elle remonte un épi », expose Olivier Coutreau, de Barenbrug - qui propose Moxie. Moxie a la particularité d'avoir un enrobage de sa graine. « La graine est très petite, et l'enrobage est essentiellement destiné à améliorer la précision du semis, à faire que la graine reste bien en surface. Il a aussi un effet rétenteur d'eau. »

La difficulté est de semer ni trop tôt (trop froid), ni trop tard (trop sec). Il faut semer sur un sol bien réchauffé : au moins 13 °C, idéalement 15 °C. Dans l'idéal, un semis à partir de mi-mai, quand il y a encore de l'humidité dans le sol. Il est alors semé après un méteil ou une vieille prairie. « Les éleveurs qui sèment du teff grass cette année le mettent derrière de vieilles prairies à refaire près des stabulations. Puis ils sèmeront à l'automne soit une prairie, soit un seigle forestier », indique Samuel Bouchier, d'Adice conseil dans le Vercors.

Un semis à partir de mi-mai

Le teff grass demande un minimum d'eau pour lever et s'implanter. « Si le printemps a été bien pluvieux, qu'il fait chaud au semis et à la levée, la plante s'enracinera bien et pourra par la suite très bien résister à une longue période sèche. Elle sera même capable de continuer de pousser, contrairement à un sorgho qui s'arrête en attendant la pluie. Si on sème sur sol sec, il faut vraiment une pluie juste après le semis », détaille Olivier Coutreau.

En bonnes conditions, la première exploitation se fait en 6 à 8 semaines, et les exploitations suivantes reviennent toutes les 4 semaines. Il est possible de réaliser trois à quatre coupes avant l'hiver. Il ne faut pas couper trop ras (à 10 cm) pour ne pas pénaliser les repousses.

Des rendements jusqu'à 12 tMS

En conditions défavorables, le rendement peut être proche de zéro. Cela peut arriver à cause d'un coup de froid au démarrage, de conditions trop séchantes au démarrage, ou d'un semis trop profond (> 1 cm). En conditions favorables, teff grass a déjà fait des rendements de 10 à 12 tMS/ha en France, avec un semis fin mai et quatre cycles d'exploitation.

En 2020, dans un essai situé à la ferme expérimentale des Bordes (Indre), deux bandes de teff grass Steffanie ont été semées fin mai : une dans la partie la moins séchante de la parcelle et l'autre dans la partie la plus séchante. Les conditions étaient sèches : 260 mm de pluie du semis au 19 octobre, date de la dernière récolte du teff grass. Dans la première bande, le rendement a atteint plus de 5 tMS/ha en trois coupes. Dans l'autre bande, le rendement était de 3 tMS en trois coupes.

Dans un essai de 2020 à l'Inrae de Nouzilly (Indre-et-Loire), le semis a eu lieu fin mai. Le rendement était de 4 tMS/ha en un cycle de pâturage (ovins) et une fauche enrubannée. « Soit mieux que le lot moha, cowpea et lablab (1,3 tMS/ha). »

Une plante agressive

Quand le teff grass a réussi à bien s'implanter, les éleveurs remarquent que la parcelle est propre même après sa disparition en hiver. « Cela vient-il uniquement du fait que la plante couvre bien et forme une masse végétale dense ? Ou y a t-il un effet allélopathique ? C'est en cours d'étude », indique Olivier Coutreau. Samuel Bouchier, d'Adice conseil dans le Vercors, souligne l'agressivité de la plante : « Les éleveurs la sèment plutôt à 15-17 kg/ha et le fait est qu'il n'y a plus d'adventices tant que la culture est en place. Après, le rumex revient. Par erreur, un éleveur a fait tomber du teff grass avec du sorgho à un endroit de sa parcelle ; à cet endroit, le teff grass a étouffé le sorgho. »

Pour l'instant, le teff grass est le plus souvent semé en pur. Heritage seed propose une association avec un trèfle de Perse et un trèfle d'Alexandrie. Barenbrug propose une association avec un sorgho multicoupe. Reste à voir s'ils feront leurs preuves.

De bonnes valeurs alimentaires

Le teff grass est utilisable en foin, enrubannage et pâturage. Les conseillers et les éleveurs préconisent de faucher le premier, voire le deuxième cycle de pousse, puis de faire pâturer. « Si on pâture dès le départ, les animaux arrachent les plantes. »

La valeur alimentaire est bonne, supérieure au moha, similaire à un foin de fléole. Selon les retours d'éleveurs et de semenciers, les analyses de teff grass donnent entre 0,7 et 0,9 UFL et 16 à 21,5 % de MAT. Le stade, avant épiaison, est évidemment primordial pour espérer une bonne qualité.

L'analyse de l'Inrae donne 0,9 UFL et 18,2 MAT pour leur enrubannage sur le premier cycle. Carole Gigot, de la ferme expérimentale des Bordes, indique « qu'il valorise bien la fertilisation azotée. En 2020, avec un apport de 50 unités d'azote quinze jours après le semis, il y a eu un gain de 4 points de MAT par rapport à la modalité sans fertilisation, pour atteindre 17 points de MAT. Et un gain de 0,06 UFL, pour atteindre 0,85 UFL ».

Les atouts et inconvénients en bref

Les atouts :

Bonne valeur alimentaire, meilleure qu'un moha, à condition de faucher au bon stade

Appétente

Bonne résilience au stress hydrique

Coût d'implantation ramené à la tMS produite similaire à celui du moha, environ 50 €/ha

Multicoupe, jusqu'à quatre cycles

Plus souple d'utilisation que le sorgho multicoupe : pas de problème de toxicité

Réduit le salissement de la parcelle

Les inconvénients :

Graines encore plus petites que le moha et le millet perlé : la qualité d'implantation est encore plus cruciale

Le teff grass pousse très vite et peut épier très rapidement en cas de stress hydrique

Système racinaire très fragile les deux premiers mois. Mieux vaut ne pas pâturer au premier cycle, sinon les animaux arrachent des pieds

N'aime vraiment pas le froid

Quatre éleveurs témoignent

Emmanuel Tixier, éleveur de bovins viande dans l'Indre :

 

 
Emmanuel Tixier, éleveur dans l'Indre © E. Tixier
Emmanuel Tixier, éleveur dans l'Indre © E. Tixier

 

« Avec d'autres éleveurs, on teste cette plante. Je l'aime beaucoup. Très fine, elle est agréable à récolter et enrubanner. J'en ai semé environ 10 hectares en 2019 et 2020. Il faut pouvoir semer la graine à 1 cm maximum de profondeur. En 2019, je l'ai semée un peu trop tôt ; il faisait trop froid, donc elle a peiné à démarrer. Elle doit pouvoir s'installer vite, pour être plus résistante par la suite et bien se développer. Avec d'autres éleveurs, on déconseille de semer à la volée avec un épandeur d'antilimace, car le vent peut disperser les graines très facilement. Je sème 8 kg/ha avec un semoir à céréales. En bonnes conditions, on peut faire deux coupes d'enrubannage et un tour de pâturage. »

Yves Domergue, éleveur de bovins viande dans le Lot :

« Chez moi, ça marche bien. J'ai des sols très superficiels sableux, sur schiste. Je peux irriguer. Je sème le teff grass (Steffanie) à 10 kg/ha avec un engrais starter. En 2020, avec trois tours d'irrigation de 30 mm, j'ai sorti 15 bottes de 600 kg sur 1,40 ha, soit environ 6,4 tMB/ha. Après le teff grass, la parcelle est propre. Quand je mets un blé après, j'économise un désherbage. »

Jean-Pierre Detroyat, éleveur de bovins laitiers, dans l'Isère :

 

 

 

« J'ai semé Steffanie dans le cadre d'un essai, après l'orge, début juillet. Un déchaumage a été fait après la récolte. Trois jours après, le semis, à 11 kg/ha, a été réalisé au combiné (herse rotative, rouleau, semis), puis un rouleau compacteur a été passé. Le teff grass a végété pendant longtemps car il n'y a pas eu du tout de pluie jusque mi-août, où un orage a suffi pour qu'il démarre franchement. J'ai fauché tôt, en septembre, en enrubannage, car il y avait des adventices. Il a bien repoussé après. J'aurais pu le faire pâturer fin octobre si la parcelle avait été proche des animaux ; il a été laissé au sol comme engrais vert. Sur 3 ha, il y a eu 15 bottes de récoltées, d'environ 570 kg, soit environ 2,8 t MB/ha (MS évaluée à 65 %). Si la parcelle avait été moins sale, on aurait pu faucher 10 à 15 jours plus tard et récolter plus de biomasse. Le teff grass a été donné aux génisses. Cela a permis d'économiser un peu de foin. »

M. Fuzeau, éleveur caprin dans les Deux-Sèvres :

« Je préfère le moha ; c'est plus sûr. Car avec le teff grass, il faut être encore plus sûr de semer dans de bonnes conditions. »

Une bonne valorisation de l'eau

Des suivis de plateformes des chambres d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine sur la valorisation de l'eau ont comparé différentes fourragères. Ces suivis sur deux ans montrent que, ramenés à l'eau disponible, les rendements du teff grass sont assez stables (27 à 32 kgMS/mm d'eau utilisable). C'est donc une plante qui valorise très bien l'eau quand il y en a ; aussi bien qu'un sorgho multicoupe.

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