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L'arbre fourrager, un complément alimentaire intéressant pour les bovins

Les teneurs en MAT, énergie, tanins et minéraux permettent d'envisager les feuilles d'arbre, arbuste et liane comme un complément alimentaire pour les vaches.

L'apport des ligneux dans l'alimentation estivale des vaches, même en lactation, semble prometteur. En effet, les valeurs nutritives des arbres sont intéressantes. Inrae a fait analyser les feuilles de 31 espèces d'arbres, 14 espèces d'arbustes et 7 espèces de lianes, prélevées en août entre 2014 et 2017 dans toute la France. « Les analyses des feuilles montrent que les teneurs en azote, énergie et minéraux sont pour certaines espèces de ligneux supérieures à celle des fourrages classiques », explique Sandra Novak, responsable scientifique du projet Oasys(1) de l'unité Ferlus d'Inrae, à Lusignan dans la Vienne.

Les contextes pédoclimatiques et la conduite de l'arbre peuvent faire varier les valeurs de façon significative. « On ne sait pas encore comment ces facteurs jouent. Par contre, on sait que plus les feuilles sont jeunes, meilleure est la qualité, comme avec l'herbe. La taille en têtard permet d'obtenir des feuilles plus grandes et des brindilles qui restent vertes. »

Un apport de minéraux intéressant

La majorité des ligneux comportent des teneurs en phosphore du même ordre de grandeur que celles observées pour les espèces fourragères herbacées classiques. Les valeurs élevées (plus de 4 g/kg MS) de certaines espèces sont intéressantes car les teneurs des fourrages classiques ne suffisent pas à couvrir les besoins des ruminants. L'utilisation de feuilles de figuier, mûrier blanc et tilleul avec des teneurs en calcium supérieure à 30 g/kg MS pourrait permettre de réduire le recours à des compléments minéraux calciques.

Les valeurs de magnésium sont souvent plus élevées que dans les fourrages classiques, sans atteindre le seuil de toxicité (14 g/kgMS). La richesse en manganèse des feuilles pourrait compléter les rations largement déficitaires comme celles à base d'ensilage de maïs. La teneur élevée en zinc de certaines espèces (aulne blanc, érable champêtre...) pourrait contribuer à pallier des carences chez les bovins, sans risques d'excès.

Des tanins, juste ce qu'il faut

Les tanins condensés sont intéressants à teneur modérée dans les fourrages, pour leur capacité à réduire la dégradation des protéines dans le rumen et diminuer les pertes d'azote dans les urines. Ils possèdent également des propriétés anthelminthiques et antiméthanogènes. La référence est de moins de 50 g/kg MS ingérée, à l'échelle de la ration. Au-delà, les tanins ont des propriétés antinutritionnelles, d'autant plus quand la teneur en MAT est faible. La consommation de ligneux n'étant qu'une complémentation, il y a peu de risque. Et la majorité des ligneux a des teneurs médianes en tanins condensés inférieures à 50 g/kg MS.

Les valeurs UF, PDI des feuilles, et des brindilles et des fruits que consomment aussi les vaches restent encore à déterminer. Tout comme les teneurs en huiles essentielles ou saponines pour savoir s'il existe des risques antinutritionnels, voire toxiques. Enfin, l'ingestibilité et l'appétence des ligneux et leur capacité à produire de la biomasse au fil des « pâturages » est à caractériser.

Costie Pruilh

(1) L'expérimentation système Oasys teste un système bovin laitier bioclimatique qui vise à tirer le meilleur parti des ressources du milieu. Et à vivre de la production laitière dans un contexte de contraintes et d’aléas climatiques en économisant les ressources en eau et en énergie fossile.

L'orme Lutèce et le mûrier blanc appréciés

L'année 2021 a été la première où l'unité Ferlus d'Inrae a réalisé des observations sur les vaches « pâturant » des feuilles d'arbres et d'arbustes de son système agroforestier planté en 2014. Le suivi, réalisé par Geoffrey Mesbahi, post-doctorant, a eu lieu en juillet. Pendant dix jours, douze vaches en lactation ont eu accès aux arbres, taillés en têtard (50 à 80 cm de hauteur) ou en taillis(1) pour que les vaches puissent prélever elles-mêmes les feuilles. En dehors du pâturage, ces arbres sont protégés du bétail par une clôture électrique. Ces alignements sont dédiées exclusivement aux animaux.

La bonne pousse de l'herbe de l'été dernier a un peu contrarié l'expérimentation. « Les vaches ont préféré l'herbe encore bien verte aux feuilles d'arbre. Elles n'ont pâturé les arbres que dans un second temps », souligne Sandra Novak. Elles ont néanmoins consommé des feuilles et petites branches. « Nous avons été surpris qu'elles préfèrent nettement l'orme Lutèce, puis le mûrier blanc, car ce dernier est réputé très appétent. Elles ont nettement moins apprécié le frêne commun et l'aulne de Corse. Ce sera à confirmer avec les observations qui auront lieu en 2022. »

Les vaches auraient pu pâturer plus longtemps, car il y avait encore de la biomasse. Mais le pâturage n’a pas dépassé dix jours pour des raisons expérimentales. « Dans quelques années, on pourra les laisser plus longtemps et observer l'effet sur la production laitière et leur état », indique Sandra Novak.

(1) La taille en taillis se fait très près du sol. La taille en têtard consiste à ététer régulièrement l'arbre toujours à la même hauteur.
 

Différentes techniques d'affouragement

Adrien Messéan, éleveur de limousines et intervenant auprès de l'Association française d'agroforesterie (Afaf), a expérimenté plusieurs techniques.

L'affouragement sur pied. « La plus simple et économique est de laisser les animaux « pâturer » directement la haie. La surface accessible peut être optimisée avec une taille des arbres en têtard ou en taillis. »

La rame au sol. Chez lui, les arbres sont conduits en têtard, avec la trogne à deux mètres de haut. Sur cette photo, les repousses n'ont que trois mois.

 

 
Ces frênes émondés d'Adrien Messéan, dans l'Aisne, ont des repousses de trois mois, qui ne seront pas coupées avant deux ans pour affourager les vaches.
Ces frênes émondés d'Adrien Messéan, dans l'Aisne, ont des repousses de trois mois, qui ne seront pas coupées avant deux ans pour affourager les vaches. © A. Messéan

 

Ils font plus d'ombre que des trognes à un mètre. « Je coupe les branches et les laisse au sol pour les animaux. C'est ce qu'on appelle la rame au sol. Je coupe tous les trois ans. Par rapport à une coupe annuelle, la quantité de fourrage est plus importante et le bois peut être valorisé en litière, amendement du sol (BRF - bois raméal fragmenté) ou énergie. » La taille en têtard peut être rapide si elle est mécanisée.

L'affouragement en vert. Il récolte des rameaux dans des zones non accessibles pour les bovins. « Je les distribue au nourrisseur au pré, ou à l'auge en bâtiment. Il n'y a pas de perte par rapport à la rame au sol (feuilles piétinées). »

Le foin de branches. Aussi appelé affouragement en sec, il donne de bons résultats : la conservation (séchage naturel à l'abri) est très bonne et les feuilles restent appétentes. « Ceci permet de faire un apport nutritionnel complémentaire (minéraux, oligoéléments) au fourrage sec classique - luzerne et foin d'herbe chez moi. C'est beaucoup de travail, mais à mettre en balance avec l'apport alimentaire et l'effet médicamenteux pour les animaux. »

Combien d'arbres par UGB ?

Des études sont en cours pour évaluer la quantité de fourrage que pourraient produire des arbres à vocation fourragère. Adrien Messéan, éleveur de limousines et intervenant auprès de l'Association française d'agroforesterie (Afaf), estime qu'en moyenne, « 1 UGB peut être nourri avec les repousses de trois ans d'un têtard de 15-20 ans d'âge durant un mois, si les rames feuillées correspondent à 10 % de la ration annuelle. C'est un ordre de grandeur. La croissance de l'arbre est très variable selon le contexte pédoclimatique, l'essence, la météo de l'année. »

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