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Elevage laitier : « L’alimentation du troupeau, c’est la clé de la réussite »

Au Gaec Le Sorbier, en Vendée, les associés s’attachent avant tout à produire du lait par les fourrages. Leurs 87 hautes productrices reçoivent la même ration toute l’année. Leur système simple et efficace a fait ses preuves, avec l’irrigation en gage de sécurité.

« Nous avons tout à gagner à travailler à fond la ration de base de nos vaches en produisant des fourrages de qualité, martèle Vincent Durand, installé en 1981 et aujourd’hui à la tête d’un troupeau de 87 prim’Holstein produisant 11 400 kg de lait standard, dans le nord de la Vendée. Un leitmotiv qui l’a guidé durant toute sa carrière et qu’il a à cœur de transmettre à Élie Sire, son ancien salarié devenu aujourd’hui son associé. « Quand la ration va, tout va !, poursuit l’éleveur un sourire aux lèvres. De la conduite alimentaire découle la santé des animaux. Mieux ils se portent, moins nous avons de souci et de temps à passer. » Et plus l’élevage a des chances d’être rentable, comme en témoignent les résultats économiques du Gaec Le Sorbier.

Le troupeau, de haute valeur génétique, reçoit sensiblement la même ration toute l’année. Hormis au tarissement où elles peuvent se dégourdir les pattes dehors, les vaches ne sortent pas du bâtiment. « Notre parcellaire groupé permettrait de faire du pâturage, mais je ne préfère pas, dans un souci de simplicité, justifie Vincent. De toute façon, dans la région, sa durée resterait assez limitée. Alors, autant éviter de multiplier les changements alimentaires et miser sur la stabilité du régime. »

L’irrigation est un atout mais elle n’explique pas tout

 

 
Les vaches reçoivent une ration complète maïs-sorgho-méteil avec du tourteau de soja et des minéraux, dans une auge creuse.
Les vaches reçoivent une ration complète maïs-sorgho-méteil avec du tourteau de soja et des minéraux, dans une auge creuse. © E. Bignon
La volonté de produire du lait par les fourrages est le fer de lance de l’exploitation. En assurant une forte productivité de la surface fourragère – pas moins de 18 t MS/ha en moyenne en maïs et 14 tMS/ha en sorgho –, l’irrigation joue un rôle essentiel dans la sécurisation des stocks. « La mise en place de l’irrigation s’est faite progressivement, à partir de 1977, dépeint Vincent. Aujourd’hui, l’intégralité du maïs est irriguée (4 passages) ainsi que la moitié des surfaces en sorgho (2 passages). » L’exploitation détient un plan d’eau privé (retenue collinaire) de 30 000 m3, et bénéficie de 21 000 m3 supplémentaires depuis 2019 avec la reprise de 30 hectares irrigués issus d’une ferme voisine. « Sur ce second réseau, nous avons un accès à l’eau une semaine sur deux, en partage avec un autre voisin. C’est une opportunité qui s’est présentée et qu’il aurait été dommage de rater vu le contexte de dérèglement climatique. »

 

Maïs et sorgho constituent un cocktail gagnant

Toutefois, si l’irrigation constitue un sérieux atout, elle n’explique pas tout. L’un des points qui contribue à la réussite du système tient à la complémentarité entre le maïs ensilage et le sorgho. « L’introduction du sorgho BMR sur la ferme, il y a une douzaine d’années, a en effet marqué un tournant décisif, décrit Vincent. Son incorporation dans la ration a aidé à augmenter les ingestions des vaches mais aussi à améliorer la santé du troupeau. » Car si, aujourd’hui, les voyants apparaissent tous au vert en termes de reproduction et de santé, avec des taux également au rendez-vous (TB à plus de 46 g/l), cela n’a pas toujours été le cas. « Quand nous tournions en régime maïs plat unique, les vaches étaient tout le temps sur le fil du rasoir, avec une fécondité très dégradée et un TB qui ne décollait pas », se souvient l’éleveur. Le sorgho, en apportant un fourrage sans amidon mais bien pourvu en cellulose digestible, a réglé les difficultés liées à la ration acidogène, tout en affichant un rendement supérieur à l’ensilage d’herbe.

Pas d’ajout de concentré énergétique du commerce

Le sorgho monte désormais à hauteur de 20 % dans la ration de base. « Il faut en distribuer au moins 3 kilos pour avoir un impact. J’ai déjà essayé de monter à 5 ou 6 kilos, mais cela n’apporte rien de plus », glisse Vincent. Les laitières reçoivent une ration complète mélangée à base de 14 kg MS de maïs ensilage, 3,8 kg MS d’ensilage de sorgho, 2,4 kg MS de méteil, complémentée avec 4 kg de tourteau de soja, et du CMV. Il n’y a pas de complémentation énergétique, sauf exceptionnellement si la qualité des fourrages le nécessite. « Dans ce cas, il nous arrive d’ajouter un peu de céréales fermières (moins d’un kilo) mais c’est rare, une année sur cinq environ », précise Vincent. Et Élie d’ajouter : « Nous ne poussons pas les vaches, nous apportons juste ce qu’il faut pour que leur potentiel s’exprime. » Les quantités de concentrés se limitent à 152 g/l.

L’efficience alimentaire (quantité de lait/kg MS ingérée) supérieure à 1,4 s’explique par une synergie de facteurs. « L’alliance entre le maïs ensilage, coupé à 50 cm et donc plus concentré et fermentescible, et le sorgho appétent et riche en sucres, en fait partie, considère François Battais, de Seenovia. Mais le bilan génétique du troupeau y contribue certainement aussi, avec un index lait de 414 (contre 147 pour la moyenne de groupe Seenovia prim’holstein) et un index morphologie de 1, soit le double de la moyenne du groupe. » Sur le Gaec, les vaches ont vraiment du coffre, d’où une grande capacité d’ingestion. « Et puis, il y a un effet éleveur indéniable. Tout est tiré au cordeau. » De la préparation au vêlage à la gestion du post-partum en passant par les transitions de silos, la rigueur et le respect des fondamentaux de la nutrition sont de mise.

Expérimenter pour trouver le mélange le plus adapté

 

 
Les méteils à base de vesce velue, RGI et trèfle incarnat titrent à 19-20 % de MAT. Cette année, pour la première partie des semis intervenus le 5 septembre, la vesce a gelé.
Les méteils à base de vesce velue, RGI et trèfle incarnat titrent à 19-20 % de MAT. Cette année, pour la première partie des semis intervenus le 5 septembre, la vesce a gelé. © F. Battais
Après le sorgho, une seconde évolution du système fourrager a été bénéfique pour améliorer les résultats technico-économiques de l’élevage : la mise en place de méteils en dérobée. « Nous avons démarré il y a dix ans avec du trèfle incarnat en remplacement de la moutarde, se souvient Vincent. Puis au fil des ans, nous avons cherché à tester différentes espèces, différentes associations pour parvenir aujourd’hui au mélange qui répond assez bien à notre contexte et à nos objectifs. » Il se compose de 12,5 kg de vesce velue (Villana, une variété tardive résistante au gel), 2 kg de RGI non alternatif et 6,5 kg de trèfle incarnat. « Nous avons arrêté le seigle car il disparaissait », signale l’éleveur. Le méteil est semé début septembre après un blé. « Nous préférons réaliser le mélange nous-mêmes pour vraiment choisir les variétés et proportions souhaitées. » Le Gaec récolte 3 à 4 t MS/ha fin mars-début avril ; la valeur du fourrage oscille entre 17 et 25 % de MAT pour une valeur moyenne de 19-20 %. « Par rapport à un RGI, ce méteil nous permet d’économiser 1 kg/VL de tourteau de soja », précise Élie.

 

Les bons rendements, liés à l’irrigation permettent au Gaec de tirer son épingle du jeu en limitant le coût de production ramené à la tonne. Le coût du mélange (mécanisation, distribution et foncier inclus) s’élève à 152 €/t MS. En comparaison, le maïs ensilage est revenu à 120 €/t MS et le sorgho 189 €/t MS sur l’exercice comptable 2021-2022. « Des résultats mieux placés que la moyenne du groupe d’élevages irrigants du secteur », note François Battais. Côté marge sur coût alimentaire, la performance économique n’est pas en reste non plus. Elle s’élève à 6,50 € par jour et par vache présente, soit presque un euro de mieux que la moyenne des élevages de la zone Seenovia et dotés de systèmes comparables, sur la même campagne culturale.

La relève est assurée avec deux jeunes

 

 
La stabulation dispose de seulement 71 logettes pour 87 vaches en moyenne. Le couloir est large car elles ne sortent pas. Le Gaec dispose de six silos (deux par fourrage).
La stabulation dispose de seulement 71 logettes pour 87 vaches en moyenne. Le couloir est large car elles ne sortent pas. Le Gaec dispose de six silos (deux par fourrage). © E. Bignon
Et la suite alors ? Âgé de 62 ans, Vincent se prépare peu à peu à lâcher les commandes de l’exploitation et se réjouit que la relève soit assurée. Du haut de ses 23 ans, Élie trouve sa place sur l’exploitation, il s’investit et se nourrit de l’expérience de son aîné. « J’essaie de lui faire profiter des réussites et des échecs rencontrés sur la ferme », relate Vincent avec bienveillance. D’ici deux ans, Élie sera rejoint par Antonin, le fils de Vincent, actuellement en BTS Acse. « Nous avons travaillé un an ensemble pendant son alternance de Bac Pro, indique Élie. J’ai toujours su qu’il allait s’installer ici. Notre prochain challenge sera de poser les bases de notre association en calant bien nos objectifs et stratégies. Nous avons la même vision des choses, donc j’ai confiance. »

 

Le sorgho, une culture délicate à conduire

 

 
Le sorgho est récolté à 23-24 % MS en moyenne. Il doit être haché grossier (25 mm). Au silo, la densité de tassage s’élève à 180 kg/m3.
Le sorgho est récolté à 23-24 % MS en moyenne. Il doit être haché grossier (25 mm). Au silo, la densité de tassage s’élève à 180 kg/m3. © F. Battais
« La culture du sorgho se révèle nettement plus délicate que celle du maïs, pointe Vincent Durand. Nous avons pas mal tâtonné au début pour caler l’itinéraire technique. » L’itinéraire comporte deux points critiques : sa lenteur de démarrage, qui contraint à attendre que le sol soit bien réchauffé (12 °C), et sa sensibilité à la verse, qui implique un semis suffisamment profond (3 cm) avec un lit de semence très fin. « Nous couplons deux variétés : la moitié en mâle stérile (Gold X) dotée d’une bonne valeur alimentaire et l’autre moitié en photopériodique sensible (Big Dragoon ou Big Kahuna), davantage productive et résistante à la verse. » Parmi les différents modes de semis testés, le semoir à maïs à 75 cm est le meilleur compromis. « Même si les besoins en eau sont moins élevés que ceux d’un maïs, on voit nettement la différence (4 t MS/ha) entre un sorgho irrigué et un qui ne l’est pas. »

 

Chiffres clés

SAU 110 ha dont 45 de blé, 32,5 ha de maïs, 13,5 ha de sorgho, 17 ha de prairies, 35 ha de méteil
Cheptel 87 vaches à 10 400 kg de lait brut
Lait livré 842 550 l
Chargement 2 UGB/ha SFP 
Main-d’œuvre 2 UMO

Avis d’expert : François Battais, conseiller à Seenovia

« Rien n’est laissé au hasard »

 

 
François Battais, conseiller à Seenovia.
François Battais, conseiller à Seenovia. © E. Bignon
« Les associés du Gaec Le Sorbier sont des éleveurs très pointus, rigoureux sur le plan technique et visant un niveau de productivité élevé. La génétique du troupeau est très bonne avec de gros gabarit de vaches. Tout est maîtrisé ; tous les mois, les coûts alimentaires sont calculés, les pesées des génisses sont faites quatre fois par an, l’inséminateur assure un suivi repro. L’un des atouts des éleveurs tient aussi à leur ouverture et leur envie de progresser. Ils n’hésitent pas à se faire accompagner par différents conseillers, experts en génétique, alimentation, semences fourragères... pour conforter leurs choix. Ils sont curieux d’apprendre et ont envie de partager leurs expériences. Aujourd’hui, l’élevage de Vincent et Élie figure parmi les plus performants économiquement des groupes que je suis, avec une empreinte carbone à 0,83 éq. CO2/l parmi les plus faibles malgré le recours au tourteau de soja. »

 

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