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Lait de montagne : comment stopper la déprise ?

Hors AOP, les revenus des producteurs sont faibles. Face à l'urgence, les propositions de deux parlementaires appuient le travail des filières lait de montagne pour relancer une dynamique.

Tout le lait de montagne doit être mieux payé, et s'approcher des valorisations en AOP.
Tout le lait de montagne doit être mieux payé, et s'approcher des valorisations en AOP.
© B. Griffoul

Cet été, deux parlementaires – Jean-Pierre Vigier et Pascale Boyer – ont présenté, suite à un travail d'enquête sur le lait de montagne, treize propositions pour sortir la tête de l'eau certaines filières lait de montagne hors AOP. Sont concernés environ deux tiers du lait de montagne, insuffisamment valorisés. Puisse ce rapport inspirer des évolutions législatives et des décisions politiques structurantes.

C'est qu'il y a urgence. Il y a deux ans déjà, la commission Montagne du Cniel tirait la sonnette d'alarme et appelait à « se mobiliser collectivement tant au niveau des acteurs de la filière que des pouvoirs publics », pour compenser le surcoût de production et de collecte, et pour créer de la valeur sur le lait de montagne. Deux ans après, il reste beaucoup à faire pour enrayer la déprise.

« L'avenir du lait en montagne concerne toute la France. Car il est synonyme de paysages ouverts et entretenus, d'emplois (environ 39 200 emplois indirects et indirects) et donc de vitalité. Les élevages de montagne répondent aux attentes sociétales, avec des fermes familiales de petite taille, basées sur l'herbe, participant à la biodiversité avec des races de montagne, des prairies permanentes... », résume Michel Lacoste, président de la commission Montagne du Cniel.

Hors AOP, des surcoûts non compensés

Le problème est que hors AOP, vente directe et quelques initiatives locales, les filières lait de montagne sont soumises à la concurrence des filières de plaine de l'Ouest, alors qu'elles ont des contraintes avec des coûts associés : relief, climat, isolement géographique. En élevage, le surcoût est estimé à 140 €/1 000 l (source Cniel), partiellement compensé par l'aide ICHN. Mais il reste 50 à 60 €/1 000 l de surcoût qui devrait être couvert par le prix du lait. Or celui-ci, au niveau du prix de la plaine, ne valorise pas les atouts de la montagne. Les revenus des éleveurs sont en moyenne très faibles, hors signes de qualité. Même en bio (7 % du lait du Massif central), les produits laitiers ne valorisent pas l'aspect montagne. Côté laiteries, le surcoût moyen de collecte par rapport à la plaine est estimé à 14 €/1 000 l, auxquel s'ajoutent des surcoûts logistiques en aval, non compensés.

Aider à compenser les surcoûts

Plusieurs propositions des députés visent à compenser les surcoûts liés aux handicaps naturels : un dispositif d'exonérations fiscales et sociales et d'aides à l'investissement ; une mesure d'aide à la collecte en zone de montagne ; demander que la règle des minimis ne s'applique pas à la montagne pour permettre aux grands groupes d'investir en montagne.

Du côté de la PAC, le maintien du montant de l’ICHN, centré sur l’élevage, a été acté. La convergence des aides sera favorable au lait de montagne et une grande majorité des élevages pourront entrer dans les écorégimes. « Par contre, pour l'aide à la vache, il n'y a pas de distinction montagne », regrette Christophe Léger, représentant à l'APCA. Au global, « l'élevage laitier de montagne devrait s'en sortir avec une stabilité des aides ».

Une marque ombrelle « au lait de montagne »

Pour améliorer la valorisation du lait, les parlementaires n'évoquent pas l'idée de faire plus d'AOP : les filières travaillent déjà à développer leurs marchés et trop de volumes sont en jeu. Ils proposent plutôt d'inclure les produits de montagne dans la liste des 50 % de produits durables et de qualité devant être servis dans la restauration collective à compter du 1er janvier 2022.

Autre piste : accélérer le travail engagé pour créer une marque ombrelle destinée à valoriser les produits laitiers de montagne. « Nous sommes en train de créer une association qui regroupe producteurs et transformateurs, et qui pourrait intégrer les distributeurs. Le projet est d'adosser cette marque à un cahier des charges qui garantira des éléments de biodiversité, la place de l'herbe dans le système fourrager, le chargement animal... Cette marque permettra de communiquer vers le consommateur, les élus... sur les atouts du lait de montagne », développe Jean-Michel Javelle, président du Criel Aura.

Communiquer, améliorer l'attractivité

« Pour convaincre le consommateur, il faudra lui prouver qu'il y a un meilleur prix au producteur, comme dans les démarches équitables », estime Didier Thuaire, de la Société fromagère du Livradois. 

Les acteurs de la filière et les députés insistent sur la nécessité d'un budget de communication important pour améliorer la valorisation du lait de montagne. « Cette communication doit être nationale, relayée par tous les acteurs. Elle doit s'adresser aux consommateurs, aux élus, et améliorer l'attractivité des métiers autour du lait de montagne », résume Didier Thuaire. 

Une déprise plus ou moins forte selon les massifs

Lait de montagne : comment stopper la déprise ?

Dans le Massif central, il n'y avait plus que 7 619 exploitations au 1er janvier 2020 (-22 %/2014). Seuls 20 à 25 % du lait sont en AOP. Le massif est hétérogène, avec des zones où il y a des AOP dynamiques comme le saint nectaire, le laguiole avec la coopérative Jeune montagne... Et d'autres où il n'y a pas d'AOP, comme en Haute-Loire, et où seules des initiatives locales peuvent enrayer la déprise. « L'érosion semble faiblir, l'élevage allaitant offrant moins d'alternative qu'à une époque », note Christophe Perrot, de l'Institut de l'élevage.

Dans les Savoies et le Jura, plus de 80 % du lait est en AOP. Certaines zones hors AOP des Alpes ont souffert. Une situation qui semble s'atténuer. 

Des revenus faibles en Massif central

Les systèmes des Montagnes et piémont du sud (Massif central et Pyrénées) sortent des résultats courants bien inférieurs à ceux des systèmes Montagnes de l'Est, selon le réseau Inosys, comme en 2020 : 13 300 € contre 29 000 €/UMO exploitant.

Lait de montagne : comment stopper la déprise ?

Graphique 1 : Hors AOP et hors bio, le revenu disponible est relativement stable entre 2016 et 2020, la hausse du prix du lait étant effacée par la hausse des charges, notamment celles liées aux achats de fourrages, conséquence de sécheresses successives.

Graphique 2 (Toutes AOP confondues) : Les données du Cerfrance Alliance Massif central montrent que l’augmentation du prix du lait entre 2017 et 2020 a été gommée par la hausse des charges, et que la hausse des annuités fait baisser le revenu disponible.

Note : le revenu disponible est calculé à partir de l’EBE, duquel sont retranchées les annuités et ajoutés les produits financiers.

Chiffres clés

Plus de 4 milliards de litres de lait de vache sont produits en montagne 

Massif central : 62 % des élevages bovin lait de montagne et 44 % des volumes livrés

Jura et Vosges : 18 % des élevages et 38 % des volumes

Alpes : 16 % des élevages et 12 % des volumes

Pyrénées : 6 % de la collecte de lait de montagne.

Source : Cniel

Même en AOP, il y a du chemin à parcourir

Dans le Massif central, seuls 40 % du lait produit sous cahier des charges sont valorisés par les AOP. Pour augmenter le prix du lait produit sous cahier des charges, les filières AOP travaillent collectivement sur l'amélioration de la qualité des fromages et la communication. Il reste des marges de progrès pour développer les AOP. « En inventant de nouvelles offres en GMS pour des usages en snaking, ingrédient pour la cuisine », cite Jean-Michel Javelle, président du Criel Aura. « Développer l'export, des présentations pour la RHF », ajoute Didier Thuaire, de la Société fromagère du Livradois. La filière doit aussi valoriser à leur juste valeur les autres produits fabriqués à partir de ce lait.

Trois types d'indicateurs pouvant servir à établir le prix du lait ont été homologués par Bruxelles ce printemps, et concernent le cantal, la fourme d'Ambert, le bleu d'Auvergne et le saint nectaire. Ces indicateurs sont basés sur les prix de vente sortie usine en AOP, le prix de la matière grasse et le prix du lactosérum. Ces indicateurs pourront aider à faire passer des hausses de prix lors des négociations commerciales avec la distribution.

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