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La filière laitière des États-Unis malmenée par le Covid-19

La crise du Covid-19 est venue stopper la filière laitière des États-Unis en plein élan. Le prix du lait a plongé à 315 $/t, mais la production a continué à augmenter, entraînant une très forte hausse des stocks. La production poursuivra-t-elle sur sa lancée?

 15 % du lait des États-Unis est exporté, soit un litre sur sept.  © P. Arzul
15 % du lait des États-Unis est exporté, soit un litre sur sept.
© P. Arzul

En 2019, la filière laitière des États-Unis avait retrouvé le sourire après une longue période de prix bas et de restructuration. La production était repartie, flirtant avec les 100 millions de tonnes. Le prix du lait avait bondi de 380 $/t à plus de 450 $/t. L’export avait gagné 9 points en valeur, malgré la guerre commerciale avec la Chine et la fièvre porcine africaine qui avaient fait chuter les volumes. Mais « l’éclaircie a été vite assombrie par l’épidémie de Covid-19. La crise a touché de plein fouet la filière laitière des États-Unis où 10 à 14 000  tonnes de lait ont été jetées chaque jour, soit 2 à 3 % de lait non collecté », résume Benoît Baron, de l’Institut de l’élevage.

Un prix du lait descendu au niveau de 2009

Une ferme de 1 000 vaches dans le Wisconsin, l'un des deux gros états laitiers des USA. © P. Arzul

Le confinement appliqué de façon stricte par une trentaine d’États a assommé la demande et causé un déséquilibre brutal. « Le marché de la restauration hors domicile s’est effondré. Il représente une part de marché beaucoup plus importante qu’en France : 55 % du fromage est consommé dans la RHD », souligne-t-il. La hausse des ventes en grande surface (jusqu’à +25 %) ne l’a pas compensé. À la crise du Covid-19 est venu s’ajouter l’impact de la forte dépréciation du peso mexicain sur l’export des produits laitiers : le Mexique est le premier débouché des États-Unis avec un quart des exportations de produits laitiers.

Conséquence : les cours se sont rapidement dégradés, avec -1 000 €/t pour le beurre entre mars et avril et même -2 000€/t par rapport à décembre ; le cheddar qui était à 4 500 € en fin d’année est tombé autour de 3 000 €. La chute été un peu moins forte pour la poudre de lait écrémé (-700 €/t par rapport à décembre). Le prix du lait a plongé à 315 $/t. « Il faut remonter à 2009 pour retrouver un niveau aussi bas », affirme Benoît Baron.

Un rapide déblocage d’aides par le Congrès

« L’État fédéral a massivement et rapidement réagi », souligne Jean-Christophe Debar, d’Agri US Analyse. Des aides exceptionnelles (Coronavirus Food Aid Program) ont été votées par le Congrès américain (voir encadré). Au final, « le revenu agricole (toutes productions) devrait être maintenu en 2020 », estime-t-il. La baisse du chiffre d’affaires lait en 2020 serait à peu près compensée par les aides exceptionnelles versées au titre du Covid-19 et de la guerre commerciale avec la Chine. 

L’augmentation de la production amorcée en 2019 a poursuivi sur sa lancée : +1,5 % en février 2020 par rapport à février 2019, +2,8 % en mars, +1,4 % en avril. « Début mai, les stocks se sont retrouvés au plus haut, à des niveaux jamais atteints sur les quinze dernières années » : +27 % de hausse pour le beurre (170 000 t) par rapport à mai 2019, et +43 % pour la poudre de lait écrémé (180 000 t) alors que fin 2019, les USA étaient en phase de déstockage importante suite à un retour des achats chinois. Et +6 %  pour les fromages (675 000 t) qui étaient déjà sur une tendance haussière.

Des stocks à des niveaux record

« Cette situation déséquilibrée va perdurer, la plus critique étant pour le fromage », affirme Rémi Valençot, du Gira, une société de conseil et d’étude de marché en agroalimentaire. « D’après nos simulations, il est très probable qu’on soit à 200 000 tonnes de surplus de stocks de fromage en décembre 2020 par rapport à décembre 2019. » Pour le beurre, il prévoit de l’ordre de 45 000 tonnes de surplus  et pour la poudre maigre 100 000 tonnes de surplus. Et ces stocks vont avoir un impact sur les marchés.

Dans un élevage du Midwest. © Idele

 

La production devrait continuer à augmenter. « Il est difficile de freiner en pleine course : les vaches sont là, les producteurs sont prêts à appuyer sur l’accélérateur », argumente Rémi Valençot, qui table sur une hausse de 1,5 % en 2020. Même si beaucoup de coopératives incitent les producteurs à ne livrer que 90 % de leur volume : « les 10 % sont acceptés, mais à un prix dérisoire ».

Le Gira table aussi sur une diminution des exportations. En avril, l’export fromages, un des rares segments en croissance en volume en 2019, a diminué fortement car les deux destinations clés que sont le Mexique et la Corée ont réduit leurs importations. Il prévoit en 2020 pour les fromages une baisse de volume à l’export de 14 % par rapport à 2019 et de 13 % pour la poudre maigre. « Les pays du Sud-Est asiatique, qui avaient pris le relais de la Chine quand les prix étaient très concurrentiels par rapport à l’Europe, vont se retirer du marché dès que les prix vont se redresser », affirme-t-il.

Au final, face à l’offre qui continue à augmenter, et à la consommation qui reprend progressivement, l’accumulation des stocks et surtout la volatilité des prix vont continuer. « L’annonce des aides a créé un rebond très spectaculaire sur les prix, mais c’est une erreur de penser qu’elles vont redresser totalement le marché. » Malgré les mesures du gouvernement, le Gira ne compte pas sur un rééquilibrage des marchés avant 2021.

« En six mois, le prix du lait est descendu de 450 $/t à 315 $/t » - Benoît Baron, Idele

Des aides considérables pour les éleveurs des États-Unis

° Au titre de la guerre commerciale avec la Chine :

Des aides directes : pour le lait 2,65 $/t en 2018 et 4,41$/t en 2019.

Des enveloppes accrues pour les achats publics et les aides à la promotion des produits agricoles.

° Coronavirus Food Aid Program :

Des aides directes : pour le lait 136,68 $/t sur la production de janvier, février et mars, soit une enveloppe de 2 900 millions de dollars. À comparer aux prévisions de prix de l’USDA pour 2020 à 360$/t.

Des achats publics sous forme de paniers alimentaires donnés par les banques alimentaires : 317 millions pour le lait. 

° La garantie de marge brute : ce système de soutien est en place depuis décembre 2018. En 2020, 40 % des producteurs y ont souscrit. En fonction du montant de la cotisation, la garantie peut aller de 88,2 $/t (cotisation quasi-gratuite) à 209,4 $/t.
Source : Agri US Analyse
 

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