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« Je contrôle la gestion des vaches taries avec quatre indicateurs »

En Meurthe-et-Moselle, Sébastien Munier produit près d’un million de litres de lait avec des vaches à 10 900 kg. Il a mis en place une gestion très pointue des taries. L’investissement sur les taries est largement rentabilisé au vêlage.

La gestion des taries, ce n’est pas nouveau sur l’exploitation de Sébastien Munier. « Mais depuis trois à quatre ans, je la peaufine », explique cet éleveur installé sur l’EARL du Giron, à Bauzemont en Meurthe-et-Moselle. Ces trois dernières années, l’élevage a connu un développement important avec une progression du volume de lait de 100 000 à 120 000 litres par an. Il livre aujourd’hui à Eurial près d’un million de litres avec l’aide d’un apprentis qui sera bientôt salarié. Sa femme, qui travaille par ailleurs, assure juste la traite du matin. Il cherche à produire le maximum de lait par vache : le niveau d’étable est de 10 900 kg de lait à 32,5 TP et 42 TB.

La ration mélangée booste l’ingestion

 

 
 © A. Conté
© A. Conté

 

« C’est plus facile de bien gérer deux lots de taries avec 100 vaches qu’avec 60 », reconnaît-il. Les vêlages ayant lieu quasiment toute l’année, il a en moyenne une dizaine de vaches taries qui sont logées, à côté des génisses, dans un bâtiment dédié. Elles disposent de deux boxes paillés, un pour chaque lot ; tous deux ont accès à 80 ares de pâture. « Je lâche d’abord le premier lot de taries en avril pendant une dizaine de jours ; quand elles ont rasé l’herbe, je lâche le lot de préparation au vêlage. Cet accès à l’extérieur leur fait du bien. Les trois quarts d’entre elles vont d’ailleurs s’isoler dehors pour vêler. »

 

 
 © A. Conté
© A. Conté

 

Les taries reçoivent une ration complète distribuée avec une mélangeuse automotrice de 14 m3. « Le fait qu’elle soit mélangée et homogène avec une structure maîtrisée booste l’ingestion : elles ingèrent 13-13,5 kg MS. Les mêmes ingrédients non mélangés n’auraient pas le même effet », souligne Jérôme Larcelet, de Seenorest. La base de la ration est commune aux deux lots. Elle contient de l’ensilage de maïs, de l’ensilage d’herbe et de la paille. « L’ensilage d’herbe, à cause de sa Baca (1) élevée, est déconseillé, mais dans cette région il y a de l’herbe à valoriser. Maintenir la même base fourragère que pour les vaches en lactation facilite les transitions alimentaires. »

Une acidification totale de la ration

 

 
 © A. Conté
© A. Conté

 

Sébastien Munier arrive malgré tout à obtenir une Baca négative et une acidification totale de la ration pour le lot de préparation au vêlage. Ceci grâce à l’apport de 250 g d’un minéral pour taries à -4 000 mEq/kg additionné à 150 g de chlorure de calcium, Baca de -16 000 mEq/kg. Celui-ci est préféré au chlorure de magnésium, qui a une Baca de -9 800 mEq/kg, car il permet d’acidifier tout en apportant le calcium nécessaire. Pour Jérôme Larcelet, on peut sans problème donner jusqu’à 150 g de chlorure de calcium sans pénaliser l’ingestion. Mais attention à la gestion de l’acidification : « il est indispensable de contrôler le pH urinaire des vaches : il doit être entre 5,5 et 6 en acidification totale et le calcium apporté doit être de 150 g/j/VL. Si le pH est supérieur à 7,5, il faut limiter l’apport de calcium à 30 g/j/VL ».

En acidifiant la ration et en apportant du calcium, l’objectif est d’éviter l’hypocalcémie clinique mais surtout subclinique. « Les vaches démarrent mieux, délivrent mieux, et font moins de métrites. Elles vêlent toutes seules, elles sont plus toniques. Je n’ai pas eu une seule fièvre de lait depuis deux ans, et pas de retournement de caillette », constate Sébastien Munier. Le minéral pour vaches taries utilisé est équilibré en oligoéléments et vitamines pour répondre aux besoins des vaches en préparation au vêlage ; il est enrichi en levures vivantes pour favoriser l’ingestion et l’équilibre ruminal, et en méthionine et choline ruminoprotégée pour leur rôle hépatoprotecteur. « Les quinze euros investis dans le minéral pendant les trois semaines de préparation au vêlage ne sont rien comparés au coût potentiel des maladies métaboliques », souligne Jérôme Larcelet.

Qualité du colostrum, pH urinaire…

 

 
Les deux box paillés dédiés aux taries ont un accès à 80 ares de pâture « promenade ». © A. Conté
Les deux box paillés dédiés aux taries ont un accès à 80 ares de pâture « promenade ». © A. Conté

 

Pour contrôler la gestion de ses taries, Sébastien utilise plusieurs indicateurs.

- Le pH urinaire est contrôlé au moins une fois par mois sur 3 ou 4 taries. « Il faut faire attention à prendre des bandelettes qui couvrent le pH sur une plage large de 4 à 8. Je les achète par boîte de 100 pour quelques euros. »

- Il contrôle en même temps la glycémie, un indicateur du niveau énergétique de la ration. « Je fais une prise de sang sous la queue. Il suffit de déposer une goutte de sang sur une bandelette et de lire le résultat sur un lecteur de glycémie (une cinquantaine d’euros). » Elle doit se situer entre 2,8 et 4,2 mmol/l au tarissement.

- Il mesure aussi les corps cétoniques (BHB) avec une bandelette en utilisant le même appareil. L’objectif BHB avant vêlage est à 0,3-0,7 mmol/l. « Cela me permet de savoir si la vache est déjà en train de mobiliser ses réserves corporelles, si elle est en cétose subclinique. Cela arrive sur des vaches qui arrivent trop grasses au tarissement. Dans ce cas, je leur mets soit un bolus Kexxtone, soit 300 ml/j de propylène glycol pendant huit à dix jours. L’effet est plus efficace qu’après vêlage. »

- « La qualité du colostrum est un très bon indicateur. Je la mesure au réfractomètre. Elle se situe toujours entre 24 et 30 % de brix avec une moyenne de 27-28 % de brix », affirme-t-il. « Les trois kilos de tourteau de colza dans la ration de préparation au vêlage jouent beaucoup sur la qualité du colostrum, insiste Jérôme Larcelet. On a trop tendance à sous-estimer les besoins en protéines sur les trois dernières semaines. Il ne faut pas oublier que les IgG que l’on recherche sont des protéines. Il faut viser 1 100 g de PDI (Inra 2018). » Les veaux reçoivent 4 litres de colostrum à la sonde au vêlage puis de nouveau 4 litres, huit à dix heures après.

Sébastien Munier est convaincu de l’intérêt d’investir sur les taries en préventif. « C’est un gain de temps et d’argent. Quand elles vêlent, on n’a pas de problème. Et on est gagnant aussi sur la repro. » Toutes les vaches reviennent rapidement en chaleur, ce qui permet d’inséminer entre 40 et 50 jours et d’avoir un IVV de 380 jours. Sur les veaux, il estime l’effet de cette conduite des taries encore « plus impressionnant ». Il n’a pas perdu un seul veau de 8 à 10 jours en deux ans, et utilise à peine 20 sachets repas pour 100 veaux.

(1) Balance alimentaire cations-anions.

Quatre leviers pour faciliter la préparation des rations

1-La base de la ration est commune aux deux lots de taries. Le mélange correspond à la ration du premier lot. Sébastien complète à la main la ration du lot de préparation au vêlage.

2-Le mélange de base est préparé pour deux jours.

3-La ration est préparée avec une automotrice de 14 m3. « C’est beaucoup plus facile avec un petit volume pour les taries et les génisses ; pour les vaches en lactation, je fais deux bols. »

4-La paille (2,8 kg) est broyée à la récolte. « Je n’ai pas besoin de faire tourner le bol mélangeur pendant 5 à 10 minutes : je charge et je distribue. La paille est mieux coupée : les vaches en mangent 1 kilo de plus et ne trient pas. »

Des vêlages à 24 mois et du traitement sélectif

° Les génisses rejoignent les taries plus d’un mois avant la mise bas. Sébastien cherche à les faire vêler le plus tôt possible. « Il y a deux ans, l’âge moyen était de 25 mois ; je suis descendu à 24 mois, et je serai à 23-23,5 mois dans un an. Les plus jeunes vêlent à 20,5 mois, sans problème. » Les veaux sont élevés avec une poudre de lait à 26 % de protéines, à raison de 8 à 10 litres par jour.

° Les vaches à moins de 100 000 cellules sur les trois ou quatre derniers contrôles n’ont pas de traitement antibiotique au tarissement, juste un obturateur de trayon.

 

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