« Il faut se créer des marges de manoeuvre »
Pour être compétitive
durablement, une exploitation
devra être adaptable, ou flexible,
selon Jean-Marie Séronie,
du CER France Manche.
Lors du Cerel(1) de juillet dernier, Jean-Marie Séronie, du CER France Manche, a démarré sa présentation par un retour sur les deux dernières campagnes, et les enseignements qu’il en a tirés :
Coûts maîtrisés, trésorerie anticipée pour avoir des marges de manoeuvre
Prix d’équilibre et de revient, coût marginal
■ la hausse du prix du lait en 2008 a masqué la crise des coûts. Le coût de revient est resté élevé par la suite (plus de 340 €/1000 l sur 2009, aides PAC déduites) ;
■ les coûts alimentaires dérapent depuis 2006: +23 % pour les charges liées à la SFP et +35 % pour le prix des aliments ;
■ les écarts se creusent entre exploitations, et vont encore se creuser, entre le quart le plus performant économiquement et le quart inférieur. « Quand les difficultés viennent des charges, les écarts se creusent entre ceux qui parviennent à les maîtriser et les autres. La maîtrise des charges met en jeu les compétences individuelles. Contrairement aux différences sur le prix du lait. » ;
■ les situations financières se sont fortement dégradées. « Une partie des exploitations ne s’en sortira probablement pas. Nous alertons les pouvoirs publics pour qu’il y ait un plan d’accompagnement de ces exploitations. »;
■ les situations sont de plus en plus individuelles, « car les conséquences de la compétence des éleveurs sont de plus en plus cruciales », résume Jean- Marie Séronie.
Toutefois, « le volume de lait produit par UTH est un critère déterminant pour le revenu disponible. Et la capacité à réagir par rapport à un renversement de marché est liée à la taille. Ceux qui ont produit les +10 % en 2008 étaient souvent des grosses exploitations ».
La deuxième partie de la présentation concernait les outils de gestion utiles pour piloter son exploitation dans la durée. « La production laitière est soumise à une triple variabilité : du prix du lait, du coût des intrants, et des volumes de lait à produire. Pour être compétitif dans ce contexte, une des clés est d’avoir une exploitation adaptable, ou flexible, pouvoir faire varier sa production laitière, et saisir des opportunités. »
Le conseiller estime qu’il faudra réduire ses coûts de production, pour supporter les périodes de vaches maigres. Parmi les leviers: la maîtrise de l’herbe, la saturation des facteurs de production (bâtiment, main-d’oeuvre), la rotation des capitaux et la rapidité d’amortissement des investissements, par exemple grâce à des alliances (achat partagé, Cuma).
Coûts maîtrisés, trésorerie anticipée pour avoir des marges de manoeuvre
Il insiste sur l’importance de raisonner sa trésorerie; « pendant les périodes fastes, on prépare l’exploitation à passer de futurs mauvais moments ». Enfin, il faut savoir bénéficier des hausses, c’est-à-dire savoir faire varier sa production laitière, tout en restant rentable.
Pour piloter son exploitation, Jean-Marie Séronie explique qu’il faut regarder plusieurs critères : le prix de revient, le prix équilibre et le coût marginal. « Pour l’analyse sur le long terme, je pars de la valeur ajoutée sans les aides : c’est avec ça que je fais mes remboursements et mes prélèvements, et que je dispose de marges de manoeuvre. Les aides sont un ‘plus’ pour accompagner l’entreprise dans son évolution. »
Prix d’équilibre et de revient, coût marginal
Pour l’analyse sur le moyen terme, « je regarde le prix de revient de l’atelier lait, c’est-à-dire les charges opérationnelles, les charges fixes, les frais financiers, les amortissements, la rémunération des capitaux et du travail, desquels on enlève les aides et le produit viande ». Pour l’analyse sur le court terme: « On regarde la trésorerie et on détermine son prix d’équilibre : les charges opérationnelles, les charges fixes, les annuités, les prélèvements privés, desquels on retire les aides, les autres produits, les marges des autres productions. » Enfin, le coût marginal sert à répondre à la question : ai-je intérêt à produire plus ? C’est le coût de production d’un volume supplémentaire. ■ Costie Pruilh (1) Cerel : Centre européen de recherche et d’enseignement sur le lait. Il organise chaque année un colloque.