[Evaluation génétique] L’indexation des femelles croisées laitières est à l’étude
Les femelles issues de croisements laitiers sont de plus en plus nombreuses dans les troupeaux, mais ne bénéficient pas d’évaluation génétique. Le projet Evagenoc(1) tente de relever le défi.
Les femelles issues de croisements laitiers sont de plus en plus nombreuses dans les troupeaux, mais ne bénéficient pas d’évaluation génétique. Le projet Evagenoc(1) tente de relever le défi.
Bien qu’encore anecdotique, le croisement laitier a connu un réel engouement en France ces dernières années. Plus de 113 000 vaches croisées étaient au contrôle laitier en 2018, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2010, selon Pascale Le Mézec, de l’Institut de l’élevage. Mais leur évaluation génétique par génotypage n’est pas possible actuellement. Des travaux de recherche en cours depuis mai 2018 pourraient cependant combler cette lacune. « Notre objectif est de mettre en place une évaluation génétique pour permettre aux éleveurs de piloter le renouvellement de leurs femelles croisées », explique Lola Croué, ingénieure R&D chez Allice-Inrae. La tâche s’avère complexe.
Dans un premier temps, il a fallu faire un point sur les données disponibles (nombres d’animaux et leurs performances, type de croisement…). Le tri des informations est d’autant plus compliqué à réaliser qu’en France tous les animaux issus de croisement, laitier ou avec une race à viande, sont répertoriés sous un seul code d’identification raciale, à savoir le numéro 39.
Des évaluations sur quatre types de croisements
Pour compliquer le tout, contrairement à la Nouvelle-Zélande où la Kiwi (« race » issue du croisement Holstein x Jersiaise) est « La » référence quasi unique, en France, les modalités de croisement sont multiples : deux ou trois voies, rotation, plusieurs races… Cette étape préliminaire a permis de faire le tri pour ne conserver que les populations de croisées les plus pertinentes. « Nous avons retenu les animaux issus du croisement trois voies Procross (Holstein x Montbéliarde x Rouge scandinave), deux voies Montbéliarde x Holstein mais aussi des croisements Holstein avec de la Normande ou de la Brune. Ce sont en effet les seules populations ayant assez de données pour tenter de mettre en place une évaluation génétique. »
L’étape suivante a consisté à repérer les élevages où il y avait le plus de femelles croisées issues de ces populations pour réaliser les premiers génotypages. « Grâce à la gestion sur le terrain des techniciens d’entreprises de sélection et de coopératives de mises en place, nous avons réalisé 6 000 typages (analyses d’ADN sur un échantillon prélevé sur les animaux) en deux ans. Cette étape a bénéficié d’un financement d’Apis-Gènes. »
Des premières évaluations pilotes en 2021
La complexité monte d’un cran lors de l’étape suivante. L’objectif ici est d’évaluer l’impact des allèles identifiés lors des typages sur les performances des animaux. Concrètement, chez un individu, un gène « A » a deux versions (deux allèles) que nous appellerons A1 et A2. L’une est héritée de la mère et l’autre du père. « En race pure, les versions A1 et A2 proviennent d’une même race alors qu’en croisement elles peuvent provenir de races différentes. Or l’impact d’un allèle (A1 ou A2) varie selon son origine raciale. »
Pour réaliser une évaluation génomique des croisées, il faudra également développer de nouveaux outils informatiques. « Nous devrions en avoir pour un an », indique Iola Croué. Des premières évaluations pilotes seront réalisées par l’UMT e-BIS fin 2021. En concertation avec les organismes et les entreprises de sélection ainsi que GenEval, les possibilités de mise en place en routine de ces évaluations seront alors discutées, si les précisions des index obtenus sont satisfaisantes. Le laboratoire GenEval aura alors la responsabilité de sortir des index génomiques à partir de toutes les données et outils développés.
Sur la bonne voie, mais...
« On pourra très bien se rendre compte que cela ne marche pas, mais c’est peu probable. L’évaluation des bovins croisés marche en Nouvelle-Zélande et chez d’autres espèces comme les porcs et volailles. En revanche, on se rendra peut-être compte que nous n’avons pas assez de données (6 000 typages pour trois populations de croisées) pour obtenir des index fiables », indique Iola Croué. Croisons les doigts pour que ce ne soit pas le cas !