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« En bio, nous faisons le pari de vivre à trois avec 80 hectares, 50 vaches et 3 hectares de légumes »

En Vendée, le Gaec La Niro vient d'installer un troisième associé, et d'investir dans un séchoir en grange thermosolaire. Son objectif : faire le maximum de lait avec les fourrages disponibles sur l'exploitation. 

Nicolas Blanchard, 39 ans, Vincent Arnaud, 35 ans, et son frère Olivier, 40 ans, sont de ces éleveurs entreprenants qui veulent produire mieux avec moins, avoir un revenu correct, des week-ends et des vacances, travailler en groupe et être le plus autonomes possible pour l’alimentation du troupeau, leurs débouchés et leurs décisions. « Notre objectif n’est pas de faire du volume, mais de produire assez de lait à partir de nos fourrages pour en tirer un revenu », soulignent les trois associés du Gaec La Niro, au Boupère.

Avec l’installation en 2005 de Nicolas, puis celles de Vincent en 2016 et d’Olivier en 2020, l’exploitation a beaucoup évolué en quinze ans et est toujours en transition. Mais si elle dispose aujourd’hui de 80 hectares pour 51 vaches laitières montbéliardes, la disponibilité en terre reste un facteur limitant. « La ferme a toujours été limitée en surface, mais les sols sont profonds, drainés et donnent 14 tMS/ha en maïs sans irrigation » précise Nicolas. À l’origine, l’exploitation était une ferme classique de Vendée. « Mon père s’est installé en 1981 avec mon oncle, à la suite de son père. La ferme comptait 40 hectares et 40 vaches Maine-Anjou, qui ont ensuite été croisées avec des montbéliardes. Les mâles étaient engraissés. Il y avait du maïs, du blé, du ray-grass italien, mais déjà du pâturage de printemps en paddocks avec fil avant. Jusqu’à mon installation en 2005, l’exploitation a peu évolué. »

Réduire les achats de concentrés

Diplômé d’un BTS Acse en 1999, Nicolas Blanchard a d’abord été footballeur semi-professionnel. « Mais je n’avais pas le rythme de vie que je souhaitais. À la retraite de mon oncle, j’ai décidé de m’installer. Nous avons récupéré un peu de terre et 100 000 litres de lait, ce qui a porté le contrat à 320 000 litres. Il n’y avait pas de surface ni de bâtiment pour en faire plus et l’objectif était de produire avec les fourrages disponibles. »

 

 
Les méteils récoltés en grain donnent un rendement moyen de 45 q/ha. © V. Bargain
Les méteils récoltés en grain donnent un rendement moyen de 45 q/ha. © V. Bargain

 

De 2005 à 2015, Nicolas a fait évoluer l’exploitation. Il a arrêté le blé et les taurillons, qui mangeaient le maïs mais n’étaient pas rentables. En même temps que la mise aux normes, il a construit une stabulation avec cornadis et aire paillée. Et il a développé le pâturage et changé l’alimentation. « J’ai d’abord gardé le soja pour maintenir la production. Puis je suis passé au colza français, moins cher et plus éthique. Mais mon objectif était de réduire les achats de concentré, ce qui m’a amené à développer les méteils. Je voulais être plus autonome, réduire les charges et me rapprocher de la bio, tout en gardant une certaine sécurité et assez de volume pour en tirer deux revenus. » Les vaches produisaient 8 000 à 8 500 litres de lait par an.

La bio pour augmenter le produit

Une étape a été franchie en 2016 avec l’installation de Vincent. « Mon père prenait sa retraite, retrace Nicolas. Je ne me voyais pas rester seul. J’ai une famille, je veux au moins un week-end sur deux, et deux ou trois semaines de vacances. Les charges avaient été réduites au maximum. Pour augmenter le revenu, il fallait augmenter le produit. Comme nous en étions assez proches et que nous récupérions une dizaine d’hectares, nous avons choisi de passer en bio. » Depuis 2018, l’exploitation est donc en bio et collectée par Biolait. Avec l’apport de 40 000 litres de Vincent, la référence est de 360 000 litres.

 

 
La betterave, qui produit 70-80 t/ha, est destinée à remplacer le maïs à terme et devrait permettre aussi d’améliorer les taux. © V. Bargain
La betterave, qui produit 70-80 t/ha, est destinée à remplacer le maïs à terme et devrait permettre aussi d’améliorer les taux. © V. Bargain

 

En 2019, l’exploitation comptait 56 hectares, dont 11 ha de maïs, 8 ha de méteil, 1 ha de betteraves, 38,5 ha de prairies temporaires et 7,5 ha de prairies naturelles. Trente-cinq hectares près du bâtiment sont pâturables, avec de l’eau partout grâce aux réseaux enterrés par le père et le grand-père de Nicolas. Depuis l’arrêt du RGI, les prairies pâturées sont à base de ray-grass anglais - trèfle blanc. « Les terres limono-argileuses, profondes et arrosées, conviennent bien au ray-grass anglais - trèfle blanc. Même si nous semons d’autres espèces, elles disparaissent. » Quinze hectares sont en pâturage tournant dynamique, avec retour tous les 25 jours, paddocks de 1 hectare et fil avant. Les prairies plus éloignées, jusqu’ici ensilées et à base de trèfle violet, sont désormais en luzerne, fléole et ray-grass anglais.

Les méteils (100 kg/ha triticale, 50 kg/ha féverole, 30 kg/ha pois, 10 kg/ha avoine) sont récoltés en grain. « Le but avec les méteils est d’améliorer l’autonomie protéique en hiver. Pour augmenter leur digestibilité, nous toastons les protéagineux sur le toasteur mobile du Civam-Grapea. Avec d’autres agriculteurs bio, nous avons aussi créé une Cuma qui a investi dans un trieur fixe. Cela permet de séparer les protéagineux pour les toaster et éventuellement de vendre des céréales en alimentation animale ou humaine. »

La luzerne pour des fourrages riches en protéines

 

 
Dans un esprit d’autonomie, les éleveurs gèrent eux-mêmes leur ration en observant les bouses et les animaux, suite notamment à une formation Obsalim.  © V. Bargain
Dans un esprit d’autonomie, les éleveurs gèrent eux-mêmes leur ration en observant les bouses et les animaux, suite notamment à une formation Obsalim. © V. Bargain

 

Jusqu’en 2016, la ration hivernale des vaches comportait 2/3 de maïs, 1/3 d’ensilage d’herbe préfanée, 1-2 kg de méteil et du colza. « Quand nous avons débuté la conversion, nous nous croyions très proches du bio, se rappelle Nicolas. Et nous voulions garder le même niveau de 8 000-8 500 litres de lait. Nous avons remplacé le colza par la féverole toastée et le concentré conventionnel par du concentré bio à 800 €/t. Nous avons aussi acheté du foin pour les génisses et des protéagineux. Les charges ont explosé ! De 65 €/1 000 l en 2015, le coût concentré et céréales est passé à 114 €/1 000 l en 2018. La prime de conversion de 30 €/1 000 l passait entièrement dans l’aliment. »

En 2019, le Gaec décide donc de changer de système, de produire moins mais à moindre coût en développant encore les prairies et le pâturage. « Les vaches aujourd’hui pâturent dès que le sol porte et qu’il y a de l’herbe. Nous développons aussi la luzerne en mélange avec un peu de trèfle, fléole ou ray-grass anglais. En 2018, nous avons semé 6 hectares constitués à 80 % de luzerne et 20 % de fléole. La fléole s’installe vite et couvre le sol en attendant que la luzerne se développe. » Les éleveurs ont aussi implanté 10 hectares d’un mélange suisse à base de luzerne, trèfle violet, trèfle blanc, ray-grass anglais et fétuque, qui se fauche et se pâture. Et ils ont introduit la betterave. En 2019, le coût concentré et céréales a ainsi été ramené à 87 €/1 000 l, avec un niveau de production de 7 340 litres par vache. « Et cela en comptant la féverole comme si nous l’achetions », précise Nicolas.

Construction d’un séchoir en grange

 

 
Le séchoir accolé à la stabulation permet de distribuer le fourrage directement avec la griffe du séchoir. © V. Bargain
Le séchoir accolé à la stabulation permet de distribuer le fourrage directement avec la griffe du séchoir. © V. Bargain

 

2020 a été une année décisive avec l’arrivée d’Olivier, la récupération de 23 hectares de terres et l’installation d’un séchoir en grange thermosolaire. « Notre objectif est que la ration s’équilibre avec les fourrages et la betterave et que nous n’ayons plus besoin du maïs, des concentrés et de très peu de méteils, explique Nicolas. Le séchage en grange permet de récolter l’herbe au stade optimal. Si nous produisons avec seulement du foin et de la betterave, 19-20 litres par jour suffiront. Une condition toutefois pour se passer de maïs est la valorisation du lait. Nous espérons qu’à l’avenir, il puisse être pris en filière lait de foin et donc mieux payé. La betterave a été introduite pour remplacer le maïs dans cet objectif. Elle améliore aussi les taux qui étaient assez bas. »

Le séchoir a été construit accolé à la stabulation. « Cela nous a obligés à de gros travaux. Mais nous distribuons aujourd’hui le foin directement dans l’auge grâce à la griffe du séchoir. Nous n’avons plus à démarrer le tracteur et c’est un grand confort l’hiver. » L’installation a coûté 300 000 euros. « C’est un gros investissement et un pari sur l’avenir, admettent les éleveurs. La vente d’électricité devrait toutefois permettre que les panneaux photovoltaïques s’autofinancent. Et comme les annuités de la stabulation amortie sur 10 ans se sont arrêtées en 2019 et que le séchoir deux fois plus coûteux est amorti sur 18 ans, cela n’augmente pas l’annuité globale. Nous allons aussi économiser sur la récolte de l’herbe qui se faisait en Cuma. »

Allonger les lactations pour moins renouveler

Jusqu’ici, les vêlages étaient groupés de mi-août à fin novembre pour 80 % du troupeau, le reste en fin d’année et printemps. « Comme l’effectif est réduit, cela permet de n’avoir qu’un lot de génisses. En 2021, nous garderons 30 vêlages sur cette période pour avoir 15 génisses de renouvellement. Et nous aurons 15 vêlages de mars à juin pour faire du lait d’été, mieux payé, et réduire l’âge au 1er vêlage. Comme nous ne faisons qu’un lot de génisses, celles qui ne pèsent pas 400 kg à 1 an ne sont inséminées qu’à 2 ans. L’âge moyen au 1er vêlage est de 30-32 mois. » L’inconvénient est aussi qu’il y a beaucoup d’animaux en bâtiment l’hiver. Les éleveurs veulent donc moins renouveler et allonger les lactations. « Nous ne réformerons plus que les vaches ayant des problèmes de cellules, de fécondité ou dures à traire. Cela fera moins d’animaux en bâtiment, moins de frais vétérinaires et moins de travail. De plus, la valorisation des veaux laitiers bio est très problématique. » La monotraite sur les trois à cinq derniers mois de lactation est également envisagée.

25 000 litres vendus en direct

Depuis 2016, l’exploitation pratique aussi la vente directe. Du lait entier est vendu sous la marque « Au lait bon et bio » en bouteilles de 1 litre à des supermarchés et épiceries et en BIB de 9 litres à la cantine du village et à un restaurant. L’embouteillage est fait par la laiterie La Lémance, proche du Boupère. « La laiterie collecte le lait, l’embouteille et le stérilise, ce qui permet une DLC de 6 mois. Nous n’avons qu’à livrer et facturer, ce qui prend 4 heures par semaine. » En 2020, 25 000 litres ont été vendus en direct. La prestation de la laiterie est facturée 0,81 €/l, pour un prix de vente de 1,40 €/l, soit une marge de 0,59 €/l. En 2020, via Biolait, 12 000 litres de lait ont aussi été collectés en direct par un fromager, avec pour le Gaec un complément de prix de 15 €/1 000 l.

Un demi-hectare d'oignons en 2020

Enfin, l’arrivée d’Olivier a entraîné une diversification en légumes. « Passer à trois permettait de gagner en qualité de vie, d’avoir deux week-ends sur trois, cinq semaines de vacances. Il est aussi plus facile à trois d’envisager de s’agrandir, car des voisins approchent de la retraite et des terres pourraient se libérer. Nous avons réfléchi soit à faire plus de lait, soit à faire autre chose. Un groupe légumes bio s’est créé en Vendée pour fournir des industriels et supermarchés. La tendance est de consommer moins de protéines animales et plus de protéines végétales. Nous avons donc choisi de cultiver 3 hectares de légumes qui paieront le salaire d’Olivier, même si le moteur de l’exploitation reste le lait. » En 2020, un premier essai a été mené avec 0,5 ha d'oignons.

Les 100 000 euros apportés par Olivier ont servi à créer en 2020 un étang de 10 000 m³.  « En plus des légumes, il restera 5 500 m3 pour arroser la luzerne et les betteraves. » Et pour l’avenir, les trois associés ont encore d’autres projets. Ils réfléchissent à développer la vente directe, voire la transformation, à créer une ferme pédagogique et à l’agroforesterie.

Chiffres clés

En 2019

SAU : 56 ha, dont 11 ha de maïs, 8 ha de méteil, 1 ha de betterave, 38,5 ha de prairies temporaires et 7,5 ha de prairies naturelles
Cheptel : 51 vaches
Référence : 360 000 l - 320 000 l vendus dont 25 000 l en direct
Chargement : 1,6 UGB/ha ha SFP
Main-d’œuvre : 2,3 UTH, deux associés et un apprenti

En 2020

80 ha et un associé supplémentaire

Avis d'expert : Vincent Brossillon, animateur du Grapea-Civam

« Un beau parcours vers plus d’autonomie »

 

 
Vincent Brossillon, animateur du Grapea-Civam. © V. Bargain
Vincent Brossillon, animateur du Grapea-Civam. © V. Bargain
« Les éleveurs du Gaec La Niro ont une réflexion globale sur l’autonomie, mais aussi sur le prix de revient du lait et sur sa valorisation économique. Ils veulent être plus autonomes au niveau de l’alimentation du troupeau, de leurs décisions et de leur commercialisation. Ils font eux-mêmes leurs rations et leur comptabilité, ils ont choisi de vendre du lait en direct et de se diversifier avec des protéines végétales. Avec seulement 25 hectares et 140 000 litres de lait par UTH, ils ont toutefois l’obligation de réduire les charges et d’être très performants. L’important pour eux est le rapport du volume produit au coût de la ration. La recherche de solutions pour réduire le concentré leur permet à la fois d’être plus autonomes et de réduire les charges. Ils ont aussi la volonté de bien maîtriser le travail et de ne pas être débordés. Le développement du pâturage devrait non seulement permettre de réduire le coût alimentaire mais aussi de limiter le travail. »

 

 
 

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