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Comment composer un mélange pour prairie multiespèce ?

Jouer sur les complémentarités des espèces et des variétés et trouver l'équilibre entre les plantes concurrentes : tel est l'objectif pour des prairies multiespèces pérennes.

Les associations - une ou deux graminées et une ou deux légumineuses - peuvent être plus pertinentes que des mélanges complexes dans les prairies de fauche et dans de bonnes terres. « Il est plus facile d'obtenir une bonne valeur alimentaire avec une association, autrement dit de l'exploiter au bon stade », ajoute Benoît Possémé, de la chambre d'agriculture de Bretagne. À l'inverse, dans les prairies destinées au pâturage, pour une longue durée, et sur des terres de fertilité intermédiaire, la diversité floristique permet de mieux résister au changement climatique.

Le label France prairie, une garantie

Pour les prairies multiespèces, le Gnis et l'AFPF (Association française pour la production fourragère) estiment qu'il n'est « pas utile d'associer plus de huit variétés au total, parmi six espèces au maximum, chacune devant apporter des fonctions complémentaires ». Et « la dose de semis ne devrait pas dépasser 30 kg/ha (hors brome et sainfoin), afin que chaque variété puisse s'exprimer ». En France, le taux minimum réglementaire d'une variété dans les mélanges fabriqués est de 5 % du poids total du mélange. Si on achète un mélange tout fait, le label France Prairie garantit ces règles, l'emploi de variétés du catalogue français et des associations judicieuses.

Faire son mélange soi-même permet d'affiner la composition pour l'adapter à ses parcelles. Les conseillers préconisent d'y aller pas à pas. « On peut commencer avec quatre espèces reconnues dans la région, et observer leur comportement au fil des saisons et des années. Chaque fois que l'on doit semer une prairie multiespèce, on ajuste les proportions, on échange une espèce par une autre. On échange une variété par une autre, voire on teste deux variétés par espèce principale. Puis on teste une ou deux nouvelles espèces. On baisse alors la teneur d'une espèce concurrentielle, pour donner une chance à la nouvelle », résume Grégoire Dufour, de la chambre d'agriculture des Pays de la Loire.

Utiliser les complémentarités

On recherche des complémentarités de production suivant la saison surtout pour des usages pâturage et mixte. Dans une prairie de fauche, on ne mélange pas de gros écarts de précocités de graminées. « Certes, il y a tout le temps de l'herbe qui pousse, mais on fauche plus souvent de petites quantités, donc c'est coûteux. Et après la première coupe, une partie du fourrage n'est pas au bon stade », témoigne l'Inrae de Lusignan. On combine un trèfle blanc couvrant avec un trèfle blanc à tige haute. « On associe deux variétés de RGA, pour avoir les quatre caractères suivants : diploïde, tétraploïde, demi-tardif et tardif. On évite les précoces car ils sont trop remontants », estime Jean-Pierre Manteaux, de la chambre d'agriculture de la Drôme.

On utilise la complémentarité sur le cycle de vie de la prairie, avec des espèces qui s'implantent rapidement et des espèces d'implantation plus lentes. Par exemple, un trèfle blanc avec du trèfle violet qui s'implante plus rapidement. « On met peu de trèfle violet car il est agressif et qu'il disparaît au bout de deux ou trois ans », indique Benoît Possémé. « Les trèfles annuels - de Perse, de Micheli... - poussent très vite et haut, et incitent les autres espèces à s’implanter plus vite. Ils se mélangent bien au reste, donc ils ne laissent pas de trous quand ils disparaissent », ajoute Jean-Pierre Manteaux. Les espèces « bouche-trous » - pâturin des prés, fléole, fétuque rouge, lotier, minette - occupent la place quand d'autres entrent en dormance estivale ou disparaissent.

Gérer l’agressivité

« Si le RGA se plaît dans les parcelles, on ne dépasse pas 10 kilos voire 8 kilos par hectare », signale Jean-Pierre Manteaux. De même, si la fétuque élevée, le dactyle, la luzerne, le trèfle blanc géant, le trèfle violet, la chicorée, se plaisent dans les parcelles, il faut baisser leur proportion dans le mélange car ces espèces sont agressives dans les multiespèces.

« Opter pour deux ou trois variétés complémentaires par espèce majeure du mélange est favorable à la stabilité de la production (résultats Inrae de Lusignan). Cette diversité génétique intra-espèce semble également favorable au maintien de la diversité des espèces au sein du mélange », rappelle Cédric Pasquier, de Jouffray Drillaud.

À retenir

L’optimum est de semer au maximum 30 kg/ha (hors brome et sainfoin aux poids de mille grains élevés), soit 1 000 à 2 200 graines par mètre carré selon leur poids de mille grains. Les mélanges suisses sont à plus de 36 kg/ha soit plus de 3 600 graines, car ils contiennent beaucoup de pâturin des prés et de fléole qui sont de petites graines.

Que penser des mélanges suisses ?

Les Suisses travaillent les mélanges depuis plusieurs décennies. Ils sélectionnent des variétés sur leur aptitude à vivre en mélange. Mais en France, les retours du terrain sont plus ou moins bons. Les mélanges suisses sont testés dans les conditions d'altitude suisses qui bénéficient plutôt d'une bonne hygrométrie. Ils s'adaptent donc sans doute mal à des parcelles séchantes ou très océaniques. Les Suisses pratiquent une exploitation plus intensive des parcelles, avec du pâturage, de la récolte en vert et beaucoup de fauches. « Nous trouvons les proportions de dactyle et de trèfle blanc géant trop élevées pour nos usages français », précise Vladimir Goutiers, de l'Inrae de Toulouse. Les mélanges suisses ont une version française : les prairies à flore variée Capflor, avec plus de six espèces de graminées, légumineuses et autres familles, plusieurs variétés par espèce, et avec des doses de plus de 40 kg/ha.

Une méthode d’amélioration des mélanges

En Auvergne-Rhône-Alpes, des expérimentations testeront des mélanges très diversifiés pour mieux résister aux aléas climatiques.

Neufs sites expérimentaux de la région Aura(1) appliquent, à partir de cette année, la démarche d’amélioration d’un mélange local du lycée agricole du Valentin. Chaque site recherche un ou des mélanges adapté(s) à ses conditions pédoclimatiques et aux attentes de son élevage, pour ses prairies pâturées de longue durée. Chaque bande expérimentale constitue une parcelle pâturée, conduite en pâturage tournant petite parcelle : fort chargement instantané, un jour de présence des animaux, temps de repousse de trois à quatre semaines.

Chaque site expérimental part du mélange qui se pratique sur sa zone et qui semble le plus adapté. Ce « mélange local » est la première bande d’essai.

Différents niveaux de diversification

La deuxième bande d’essai est composée du mélange local auquel on ajoute : fétuque élevée, dactyle, lotier corniculé, parfois sainfoin simple.

La troisième bande est constituée entre 66 et 75 % par le mélange précédent et 25 à 34 % par de grandes légumineuses : luzerne, sainfoin, trèfle violet, trèfle hybride, voire des annuelles (trèfle de Perse, trèfle squarrosum…). « La luzerne et le sainfoin seront possibles là où le pâturage tourne sur davantage de parcelles, pour avoir un temps de repousse d'au moins 30 jours, et où le temps de pâturage est de 1 jour maximum pour ne pas les surpâturer », précise Jean-Pierre Manteaux, de la chambre d’agriculture de la Drôme.

La quatrième bande est constituée du mélange de troisième bande auquel est ajouté de la chicorée (0,5 kg/ha) et du plantain (2 kg/ha).

Le lycée agricole du Valentin testera sans irrigation tous les mélanges locaux et les mélanges de deuxième bande, pour voir leur adaptation à des conditions extrêmes.

(1) Appui de la chambre d’agriculture de l'Isère, et de cinq autres chambres d’agriculture : Ain, Allier, Ardèche, Drôme, Puy-de-Dôme.

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