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Colostrum aux veaux : démêlons le vrai du faux

Pour le transfert d’immunité et pour l’apport d’éléments nutritionnels au veau, quelles sont les bonnes pratiques autour du colostrum ? Réponses avec deux vétérinaires : Jean-Michel Cuminet, de Littoral normand, et Evelyne Kessler, de Covetrus en Suisse.

Bovins lait / veau nouveau-né / administration de colostrum juste après le vêlage
Pour assurer l'apport d'un colostrum de qualité et un bon transfert au veau, il faut : mesurer le colostrum, allaiter rapidement le veau après vêlage avec le colostrum de sa mère ou à défaut avec celui de la banque de colostrum, une bonne hygiène des installations, matériels et éleveurs, et une bonne ambiance de bâtiment. Et avant tout : bien s'occuper de la mère.
© S. Leitenberger

Un colostrum de qualité suffit pour des veaux en bonne santé

FAUX

 

 
Jean-Michel Cuminet, vétérinaire chez Littoral normand
Jean-Michel Cuminet, vétérinaire chez Littoral normand © C. Pruilh

Jean-Michel Cuminet, Littoral normand : Il faut la conjonction de trois facteurs pour un bon transfert d’immunité au veau. D’abord, une qualité et une quantité suffisantes du colostrum pour apporter 200 g d’immunoglobulines G (IgG) au veau. Puis la précocité de distribution après le vêlage à la bonne température (39 °C) et une propreté des installations de traite et du matériel d’allaitement (seaux, tétines…), car un milieu riche en germes a un effet négatif sur le transfert d’immunité et met en difficulté le veau. Enfin, l’absence d’un box de vêlage bien entretenu et une mauvaise ambiance de nurserie annulent tout l’intérêt d’un colostrum de plus de 22 degrés Brix.

La première buvée doit être donnée dans les six heures après vêlage

VRAI

Jean-Michel Cuminet : Idéalement, la première buvée est amenée dans l’heure. Car après le vêlage, la concentration en IgG baisse très vite : de plus de 25 % entre le vêlage et la douzième heure. D’autre part, la capacité d’absorption des IgG dans l’intestin du veau baisse très rapidement après le vêlage : d’une capacité d’environ 100 % à la naissance, elle baisse à 65 % six heures après le vêlage. Elle n’est plus que de 50 % douze heures après.

 

 
Evelyne Kessler, vétérinaire chez Covetrus en Suisse
Evelyne Kessler, vétérinaire chez Covetrus en Suisse © Covetrus

Evelyne Kessler, de Covetrus : Clairement, le plus tôt est le mieux, pour l’immunité et aussi pour l’apport en énergie. Sur le terrain, il faut s’adapter aux routines de l’élevage. Si les mères ne sont traites qu’aux heures de traite, l’éleveur peut prendre dans sa banque de colostrum pour allaiter les veaux très rapidement après vêlage.

Un colostrum orangé est plus riche en IgG

FAUX

Evelyne Kessler : Un colostrum plus foncé et tirant sur le orange n’est pas forcément plus riche en IgG. Il n’y a aucun lien entre la couleur et la richesse du colostrum. Il faut impérativement mesurer le colostrum au réfractomètre pour en connaître la richesse en IgG. Par contre, un colostrum jaune foncé a des chances d’être plus riche en matière grasse qu’un colostrum blanc, ce qui est important pour le veau. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Les primipares peuvent donner un très bon colostrum

VRAI

Evelyne Kessler : Les primipares donnent souvent un colostrum moins riche que les vaches en 3e lactation et plus, mais les exceptions ne sont pas rares. Et une primipare qui produit un bon colostrum en donnera généralement du bon durant toute sa carrière. Mais ce n’est jamais garanti, car d’autres facteurs que la génétique jouent sur la qualité colostrale : la gestion du colostrum, l’alimentation de la mère, sa santé, son bien-être.

La phase de tarissement est essentielle

VRAI

Jean-Michel Cuminet : Pour obtenir un colostrum qui dépasse 22 degrés Brix, soit plus de 50 g/l d’IgG, la préparation au vêlage est essentielle. Avec une ration à Baca négative, qui apporte une concentration en énergie et en protéine suffisante (0,85-0,9 UFL et 850 à 1 000 PDI/kg MS), ainsi que des oligoéléments et vitamines. Et éviter le stress thermique car une vache qui subit un stress trop élevé produira moins de colostrum et de moindre qualité.

Evelyne Kessler : La durée de tarissement n’influe pas sur la qualité du colostrum.

Il y a des races qui produisent un colostrum plus riche en IgG

FAUX

Jean-Michel Cuminet : L’effet race – entre des normandes, montbéliardes et Prim’Holstein – ne ressort pas quand on compile les observations des conseils en élevage du Grand Ouest et d’Auvergne. S’il existe un effet race, il est gommé par d’autres facteurs : la qualité de la phase de tarissement, les conditions de logement…

Evelyne Kessler : En Suisse, c’est pareil, les observations ne montrent pas d’effet race. Il y a beaucoup de variabilité au sein des races.

Le colostrum des hautes productrices est dilué

FAUX

Evelyne Kessler : Il n’y a pas de lien entre la productivité d’une vache et la richesse en IgG de son colostrum. Comme il n’y a pas de lien entre le volume de colostrum produit par une vache et sa richesse. De plus, il n’y a aucune raison de ne pas traire complètement lors de la première traite. La lactogénèse commence environ douze heures après le vêlage.

La décongélation abîme le colostrum

VRAI, MAIS…

Evelyne Kessler : Le gros risque est de dénaturer les protéines et donc les IgG en décongelant le colostrum au micro-onde ou en chauffant à trop haute température. Il y a peu de pertes si on décongèle au bain-marie à 40-45 °C, avec un équipement spécifique qui permet de maintenir le colostrum à 39 °C. Pour une décongélation rapide tout en douceur, il est conseillé d’avoir recours à des poches souples de 0,5 à 1 litre, plutôt que des bouteilles en plastique de 1,5 litre. Rappelons aussi que la congélation doit être réalisée dans l’heure après la traite, pour éviter la contamination du colostrum.

Il vaut mieux drencher les veaux

PAS FORCÉMENT

Jean-Michel Cuminet : Pour faire ingérer 200 g d’IgG au veau, si le colostrum titre 22 degrés Brix, soit 50 g/l, il faut apporter 4 litres le plus vite possible après vêlage. Deux solutions : en deux biberons à huit heures d’intervalle, dont le premier de 3 litres au moins. Ou le drenchage de 4 litres à la naissance.

Evelyne Kessler : Un veau en forme est capable de boire de lui-même 4 litres dans les huit à douze heures qui suivent sa naissance. Mais si un veau ne boit pas bien, le drencher permet de s’assurer qu’il prend bien la quantité qu’il faut, rapidement.

Pas besoin d’amener le lait de transition

FAUX

Evelyne Kessler : Il faut apporter au veau le lait de transition (2e traite), car il contient diverses composantes non nutritives : IgF1, insuline, hormones de croissance, lactoferrine… qui sont importantes pour le développement et la maturité du système digestif notamment.

 

À retenir

Outre les anticorps, le colostrum apporte d’autres éléments essentiels à la santé et à la croissance pour les semaines et mois à venir : globules blancs « défensifs », énergie, protéines, vitamines A, D, E et oligoéléments, lactoferrine, hormones pour le métabolisme et le développement de la mamelle, facteurs de croissance…

Que faire si une vache perd son lait avant vêlage ?

Jean-Michel Cuminet : Pour éviter cela, il faut poser un obturateur de trayon.

Evelyne Kessler : Tout dépend de la quantité de colostrum qu’elle perd. Si la vache perd beaucoup de lait durant les derniers jours avant vêlage, il y a un risque de mammite pour la vache, car le canal du trayon est ouvert et, si la vache est porteuse d’un germe contagieux (Staphylococcus aureus, Streptococcus uberis…), elle risque de contaminer le box de vêlage, les logettes, avec le lait perdu. Dans ce cas, pour la santé de la vache et pour éviter une contamination potentielle de l’environnement, mieux vaut la traire. Elle produira encore du colostrum, et s’il n’est pas d’assez bonne qualité, il reste la possibilité de prendre dans la banque de colostrum.

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