Bovins lait : diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre, c’est possible mais à quel prix ?
Selon une étude, une exploitation laitière pourrait réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre en extensifiant, mais avec une grosse perte économique. La voie de l’intensification permet, quant à elle, de préserver le revenu, mais sans réduire autant les émissions ni répondre aux attentes sociétales.
Selon une étude, une exploitation laitière pourrait réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre en extensifiant, mais avec une grosse perte économique. La voie de l’intensification permet, quant à elle, de préserver le revenu, mais sans réduire autant les émissions ni répondre aux attentes sociétales.

Diviser par deux nos émissions de gaz à effet de serre (GES) : mythe ou réalité ? C’est le titre de la synthèse des travaux menés par des chambres d’agriculture et l’Institut de l’élevage Idele. Car, si c’est possible techniquement, la question est d’évaluer l’impact économique à l’échelle de l’exploitation. Des simulations sur un cas type de ferme bretonne ont été réalisées pour y répondre.
La situation initiale de ce cas type présente une part de maïs sur la SFP de 44 % et une productivité laitière de 8 700 litres par vache et par an. « La consommation de concentrés est très raisonnable avec 1 275 kg par vache et par an », a commenté Anne-Laure Gomas, de la chambre d’agriculture Charente-Maritime Deux-Sèvres, lors d’une journée organisée par l’Inrae de Lusignan.
Deux trajectoires diamétralement opposées ont alors été simulées : une extensification et une intensification à l’animal. Quelle que soit la stratégie, le nombre de vaches laitières est resté constant et l’âge au premier vêlage passe de 26 à 24 mois. Le taux de renouvellement baisse dans les deux cas, mais il passe de 33 % à 20 % dans la stratégie extensive et atteint 25 % dans la stratégie intensive.
Une baisse de 24 % du revenu avec l’extensification | |||||
Voie extensification | Situation initiale | Voie intensification | |||
SFP | 130 ha | 121 ha | 122 ha | ||
dont Prairies | 118 ha | 68 ha | 68 ha | ||
Maïs | 12 ha | 53 ha | 54 ha | ||
UGB pour 141 vaches et leur suite | 166 | 194 | 173 | ||
Lait | 813 000 l, soit 6 000 l/VL/an | 1 184 000 l, soit 8 670 l/VL/an | 1 261 000 l, soit 9 200 l/VL/an | ||
Consommation de concentrés | 320 kg/VL/an et 100 % autonome | 1 275 kg/VL/an et 100 % achetés | 1 390 kg/VL/an et 100 % achetés | ||
Émissions de GES à l’échelle de l’exploitation | 5 600 kg éq CO2/ha SAU | - 44 % | 10050 | 7 130 | - 29 % |
Émissions de GES en kg éq. CO2/l lait corrigé | 0,79 | - 15 % | 0,93 | 0,64 | - 31 % |
Stockage de carbone en kg éq. CO2/l lait corrigé | 0,27 | 0,07 | 0,07 | ||
Empreinte nette en kg éq. CO2/l lait corrigé | 0,52 | - 40 % | 0,86 | 0,57 | - 34 % |
Produits | 497 000 € | 680 790 € | 722 430 € | ||
Charges opérationnelles | 104 720 € | 242 220 € | 238 770 € | ||
Charges de structure hors amortissements | 158 760 € | 166 700 € | 180 860 € | ||
EBE | 233 540 € | 271 870 € | 302 801 € | ||
Revenu disponible | 120 700 € (112 840 € d’annuités) | - 24 % | 159 030 € (112 840 € d’annuités) | 164 210 € (138 591 € d’annuités) | + 3 % |
Source : chambre d’agriculture 17, 79, 23 et 16, et Idele |
Baisse du revenu mais des co-bénéfices environnementaux
Dans la stratégie extensive, la ferme augmente sa surface fourragère, réduit la surface en maïs au profit des prairies, dont la moitié passe en prairie permanente. L’exploitation réduit son chargement (1,3 UGB/ha SFP contre 1,6 en situation initiale), baisse les apports de concentrés, plante des haies. Les émissions diminuent et répondent aux objectifs de l’accord de Paris (-46 % en 2050 pour l’agriculture), mais au prix d’une baisse de la capacité nourricière et du résultat économique de l’exploitation. Et il faudrait une compensation d’environ 60 €/1 000 l pour retrouver le résultat économique de la situation initiale.
« Cela étant, cette stratégie apporte des co-bénéfices, sur la qualité de l’eau et la biodiversité, et répond à des attentes sociétales », pointe Anne-Laure Gomas. Elle ajoute que « si les annuités et la main-d’œuvre se réduisent, cela permettrait de limiter la baisse de revenu ». Il est prévu d’étudier encore les impacts économiques à l’échelle de l’exploitation, mais aussi à l’échelle de la région, pour appréhender les conséquences sur la souveraineté alimentaire.
Dans la stratégie intensive, le tourteau de soja est remplacé par du tourteau de colza. La consommation de concentrés augmente, mais reste raisonnable, à 1 390 kg par vache et par an. L’additif Bovaer permet de réduire les émissions de méthane entérique. Et la ferme type a investi dans la méthanisation. Il n’y a pas d’impact sur le revenu, voire un léger gain. Mais les objectifs de l’accord de Paris ne sont pas atteints et l’additif pourrait poser un problème de rejet par la société.