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Anomalies génétiques, la recherche contre-attaque

Grâce à la génomique, de plus en plus d'anomalies sont détectées. Leur intégration dans l'ISU et la maîtrise du risque lors des accouplements avec l'indicateur pANO offrent de nouvelles perspectives.

Les anomalies génétiques sont inhérentes à la vie. Quelle que soit l'espèce, tous les êtres vivants sont porteurs de mutations récessives létales ou ayant un impact économique plus ou moins important. « La sélection génétique n'est pas responsable de la présence de ces mutations », tient à préciser Sébastien Fritz, chercheur Allice à l'UMT eBis. Mais ces anomalies récessives restent silencieuses tant que leur fréquence reste faible. Il existe des porteurs sains qui peuvent propager les anomalies tant qu’on ne les a pas identifiées et cartographiées dans le génome (patrimoine génétique).  

CVM, Brachyspina, SHGC, CDH, perte de vision, mitochondropathie... la liste des anomalies n'a cessé de s'allonger chez les bovins ces dernières années. Non pas parce que leur nombre augmente, mais en raison d'une détection plus efficace et rapide permise par la génomique (lire ci-dessous). « Toutes les races sont concernées, qu’elles soient internationales, nationales ou seulement régionales. Jusqu'ici, nous en avons trouvé plus en Holstein parce que c'est la race sur laquelle nous disposons de plus de données », explique Sébastien Fritz.

Quand il n'y avait qu'une ou deux anomalies détectées, leur gestion était relativement simple. Les fréquences des mutations responsables du Blad et du CVM en Holstein ou du SHCG en Montbéliarde ont par exemple été fortement réduites grâce à leur prise en compte dans les schémas de sélection et plans d'accouplement.

Gérer plusieurs anomalies en même temps

Le scénario se corse dès que leur nombre augmente. Cette fois, il s'agit de gérer plusieurs anomalies en même temps. Comment faire ? Il serait très risqué et peu responsable de mener une politique de l'autruche, en ne cherchant pas ou peu les mutations génétiques défavorables. Autre solution extrême, l'élimination des taureaux à grande échelle n'est ni envisageable ni souhaitable (perte de ressources génétiques...). En revanche, deux nouvelles approches, présentées lors des Journées 3R en décembre, offrent de bons leviers pour limiter l'impact des anomalies.

Chris Hozé, chercheuse Allice à l'UMT eBis, a ainsi travaillé sur une méthode permettant d'intégrer les anomalies génétiques dans l'ISU de chaque race (lire ci-dessous).

La seconde nouveauté est un outil informatique capable de fournir un indicateur dénommé pANO. Développé par Umotest, sa grande originalité est de permettre de gérer plusieurs anomalies en même temps pour éviter les accouplements à risque en élevage. Par ailleurs, le logiciel peut intégrer quasiment sans délai une anomalie nouvellement identifiée, souligne Mickaël Brochard, d'Umotest. Concrètement, comment cela marche-t-il ? Pour chaque accouplement, le logiciel calcule la probabilité pANO pour le produit d'être atteint d'une anomalie au moins. Le pANO est calculé à partir des génotypes connus des reproducteurs ou à défaut celui de leurs ascendants, voire à partir des fréquences de la mutation dans la race.

Dans sa version actuelle, le pANO prend en compte les quatre anomalies à impact économique connues à ce jour en race Montbéliarde, à savoir SHCG, MH1, MH2 et mitochondropathie. SHCG provoque des retards de croissance. MH1et MH2 sont responsables de mortalités embryonnaires. La mitochondrophatie se solde par la mort des veaux dans les six premiers mois de sa vie. 

Un risque divisé par quatre grâce au pANO

« Ces quatre anomalies sont peu fréquentes, mais s'il fallait éliminer d’une série de taureaux sélectionnés uniquement sur index, tous les porteurs d’une anomalie au moins, cela reviendrait à supprimer de l’ordre de 40 % des candidats chaque année », explique le scientifique. Ce pourcentage montrait à 60 % pour une race avec sept anomalies, etc... Ce qui est vrai pour la Montbéliarde, l'est aussi pour les autres races. « Cela serait catastrophique d'un point de vue progrès et variabilité génétiques. D'autant plus qu'un taureau qui ne serait pas éliminé aujourd'hui pourrait l'être demain avec la découverte d'une nouvelle anomalie », poursuit Mickaël Brochard.

Umotest a recommandé une cote d'alerte à partir de 5 % de risque pour un accouplement d'engendrer un produit atteint par au moins une de ces quatre anomalies. « L'éleveur peut prendre un risque supérieur s'il le désire ou prendre zéro risque. »

Utilisé dès juillet 2017 sur la zone de GEN'IAtest, en plaçant la barre à 5 % au plus, l'indicateur élimine 7 % des accouplements. Avec ce filtre, le risque moyen sur tous les accouplements programmés a été réduit de 25 % (1,04 % contre 1,38 %). « Si aucun accouplement avec un risque supérieur à 5 % n’avait été programmé, le risque moyen aurait été de 0,37 %, soit un risque divisé par quasiment quatre par rapport au risque de référence », note Mickaël Brochard, avant d'ajouter : « il faut en parallèle faire de la contre-sélection (élimination ou utilisation marginale des taureaux porteurs) pour réduire la fréquence des mutations délétères connues dans la race ».

Intégrer les anomalies dans l'ISU

Le projet Clamor de France génétique élevage propose de gérer les anomalies génétiques comme on gère les index classiques (lait, taux...). « L'incidence d'une anomalie dépend à la fois de sa fréquence et de son impact économique », explique Sébastien Fritz, de l'UMT eBis. « Plus une anomalie est fréquente, plus il faut agir vite. Et l'impact économique est d'autant plus important que la mortalité induite par l'anomalie intervient tardivement », souligne le chercheur.

Une pénalité de plus de 40 points d'ISU

Clamor propose par conséquent de tenir compte dans les ISU des anomalies en fonction de leur fréquence et de leur coût pour l'éleveur. Pour une anomalie ayant par exemple une fréquence de 5 %  et un coût estimé à 200 euros (mortalité périnatale), la traduction en point d'ISU pourrait être de +0,2 points d'ISU pour un animal non porteur, de –1,8 point d'ISU pour un animal porteur sain et de –3,8 points pour un animal malade. Quand la fréquence grimpe à 15 % et le coût à 2 000 euros (perte d'un animal adulte), la pénalité en points d'ISU pourrait aller jusqu'à -42 points. « Il est par ailleurs possible d'additionner l'impact de plusieurs anomalies. »

La balle est désormais dans le camp des organismes de sélection. Chacun devra définir la liste des anomalies à indexer, attribuer un coût à chaque anomalie...

Les trois piliers de la détection

1 Le génotypage et le séquençage du génome ont fourni un sérieux coup de pouce ces dernières années. La stratégie la plus courante consiste à rechercher dans le génome (patrimoine génétique) la mutation responsable d'une anomalie observée sur des animaux en élevages, en faisant remonter des cas à l’Onab (Observatoire national des anomalies bovines).
2 Avec la génétique inverse, le point de départ de l’enquête n’est plus l’animal mais le génome, et plus exactement les particularités du génome d’un individu donné par rapport aux autres. « Avec la génétique inverse, on cherche une éventuelle correspondance entre une mutation présente sur le génome de certains bovins et confirmée comme nocive dans d’autres espèces, et des anomalies constatés sur les animaux dans des élevages. On retourne sur le terrain pour comprendre le phénotype associé à cette mutation », précise Coralie Danchin, responsable de l'Onab. En race Normande, par exemple, « la mutation responsable de la perte progressive de vision a été mise en évidence parce qu'elle avait été étudiée chez les humains. Elle donnait ce type de problèmes ».
3 L'absence d'homozygotes met la puce à l'oreille. Quand un allèle fréquent n'est jamais homozygote (possède un allèle identique sur le chromosome homologue), cela peut suggérer qu'en cas d'homozygotie, il y a mortalité embryonnaire précoce ou l'animal meurt avant d'avoir été génotypé, souligne Coralie Danchin.

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