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La syrah fait de nouveaux adeptes

Avec le réchauffement climatique, de plus en plus de vignerons cherchent des solutions dans l’encépagement. Expérimenter la syrah a tenté trois domaines situés en régions Beaujolaise, Nantaise et Bordelaise. Les premiers retours sont très positifs.

L’idée aurait pu sembler farfelue il y a quelques années, mais aujourd’hui, ils sont de plus en plus nombreux à relever le défi de cultiver un cépage hors de ses territoires de prédilection. Cyril Chirouze, directeur technique du Château des Jacques, dans le Beaujolais, Sylvain Paquereau et son frère Cyrille, vignerons au Domaine de l’Epinay, près de Nantes, et Thomas Gomes, vigneron au domaine Populus Alba, dans le Bordelais, ont choisi de planter de la syrah alors que leur vignoble souffre chaque année d’une sécheresse de plus en plus précoce. « On était curieux de voir ce que des cépages hors appellation pouvaient donner chez nous, et comme nos sols de granites rose ressemblent à ceux de l’AOC hermitage, notre choix s’est porté sur la syrah », expose Cyril Chirouze. De leur côté, Thomas Gomes et Sylvain Paquereau ont fait ce choix par amour pour les vins élaborés à partir de ce cépage. Tous témoignent du désir d’expérimenter, de faire « quelque chose de différent ».

La couleur et les tanins s’extraient facilement, même à maturité moyenne

Les frères Paquereau ont planté 30 ares en 2012, qu’ils ont récolté pour la première fois en 2014. Ils font donc partie des pionniers de la syrah en Val de Loire. « D’un point de vue agronomique, la syrah est facile à cultiver. Sur nos terroirs, elle n’a pas montré de sensibilité particulière aux maladies et a très bien résisté aux quelques épisodes de sécheresse », témoigne Sylvain Paquereau. Le vigneron nantais a dû adapter son système de palissage car la vigne s’est avérée être particulièrement poussante. Il explique ne pas parvenir à atteindre des maturités très avancées, en lien avec une pellicule assez fragile qui peut vite laisser le champ libre à la pourriture en cas de pluie. En moyenne, L’Improbable rouge, sa cuvée composée d’un assemblage 90/10 de syrah et de merlot titre autour de 12,5 % vol pour des rendements de 60 hl/ha. « On a une typicité proche des vins de la Vallée du Rhône nord, moins mûrs mais sans arômes végétaux, avec des notes poivrées ou reglissées et beaucoup de finesse », indique Sylvain Paquereau. La couleur et les tanins s’extraient facilement pendant la FA qui dure environ cinq jours à 24 °C, avec remontages quotidiens. « Pour garder le fruité, on évite de laisser les vins sous marc une fois les sucres consommés », précise le vigneron. Ce dernier se réjouit du profil « très différent » de ce vin qui attise l’intérêt des cavistes et professionnels de la restauration du coin. Sylvain Paquereau et son frère réfléchissent à planter quelques ares supplémentaires. « On a encore assez peu de recul, et on se méfie car on n’a pas encore eu de très mauvaises années ", hésite-t-il.

De belles maturités mais des moûts carencés en azote

Dans le Beaujolais, Cyril Chirouze constate également que la syrah, plantée sur deux parcelles en 2015 pour une surface totale de 1 ha, résiste bien mieux au manque d’eau que ses gamays. Le système racinaire, pas encore bien implanté du fait de l’âge des vignes, ne permet pas de dépasser les 30 hl/ha de rendement. Les peaux, sur ces terroirs granitiques, se montrent résistantes, ce qui permet de pousser les maturités et d’éviter l’expression du caractère végétal du cépage. « Nous récoltons les syrahs plus de deux semaines après les parcelles de gamay les plus tardives », relève Cyril Chirouze. Ce dernier note que les moûts sont régulièrement carencés en azote, soit entre 100 et 120 mg/l d’azote assimilable. Un déficit qu’il corrige en début de FA par un apport de DAP. Pour conserver de la fraîcheur malgré des TAV autour de 14 % vol, l’œnologue vinifie 1/3 des raisins en grappes entières. « On travaille nos syrahs dans le même esprit que nos gamays, avec remontage ou pigeage deux fois par jour jusqu’à mi-FA, mais ces opérations durent moins longtemps que sur les gamays », développe Cyril Chirouze. Une fois les sucres entièrement consommés, les vins sont entonnés durant près de huit mois. « Les vins ont des notes poivrées, épicées et florales, très représentatives de la typicité du cépage », se réjouit l’œnologue. Le Château des Jacques est en train de finaliser les étiquettes de cette cuvée qui sera commercialisée en IGP comtés-rhodaniens. « On n’a pas spécialement prévu de communiquer dessus car on ne veut surtout pas laisser penser que cette cuvée est meilleure que nos AOC beaujolaises, explique Cyril Chirouze. Mais c’est intéressant de pouvoir diversifier notre gamme », complète-t-il.

Vin primeur ou vin de garde, les possibilités sont multiples

En Gironde, Thomas Gomes a récolté ses syrahs pour la première fois cette année, 25 ares complantés dans une parcelle où il y avait beaucoup de manquants. Également copropriétaire avec son cousin Guillaume Clemenceau, du domaine éponyme, d’une parcelle de syrah à Maury, le jeune vigneron compare, observe, et dresse un premier bilan plutôt positif. « Je n’ai eu aucune coulure alors que les merlots ont beaucoup souffert de ça cette année », constate-t-il. Une carence en magnésie a fait son apparition sur feuilles mi-juillet, « sûrement à cause du pH du sol, qui est ici plus alcalin qu’à Maury. » Côté maturité, Thomas Gomes a souhaité pour cette première année, et comme les conditions le permettaient, pousser les maturités au maximum. « Je suis finalement assez surpris d’avoir obtenu des raisins aussi mûrs, avec des TAP à 14,6 % vol à la récolte », expose le vigneron qui a toutefois vendangé ses syrahs avant ses cabernets sauvignons. En revanche, le moût présente un pH élevé à 4,05 et un taux d’acide malique très faible à 1,7 g/l. Début novembre, la FML est achevée. De son côté, Guillaume Clemenceau qui possède également une parcelle de syrah en Gironde, a récolté ses raisins à " maturité normale ", c’est-à-dire à un TAV de 12,97 % vol pour 3,76 de pH. « Même avec de beaux rendements, on n’a pas du tout de notes végétales ni de tanins trop durs », observe-t-il.

Thomas Gomes a vinifié ses syrahs en grappes entières avec macération carbonique de quinze jours autour de 30 °C. « Cette technique permet de baisser un peu le TAV, même si cela m’a fait perdre un peu de malique », relate le vigneron. Après décuvage, il a entonné le vin afin que la FA se termine en phase liquide à environ 26 °C. « Comme les raisins étaient très mûrs, j’ai un vin avec une couleur noire intense et structuré. Mais du fait de la méthode de vinification, j’ai des arômes amyliques, en plus du côté poivré. Du coup je ne sais pas encore si j’en ferai un primeur ou un vin de garde », s’amuse Thomas Gomes. Réponse dans quelques mois !

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