La MHE peut être asymptomatique ou chronique
La maladie hémorragique épizootique n’est pas encore bien connue. La plupart des cas sont asymptomatiques mais certains bovins meurent en quelques jours. Une forme chronique est aussi maintenant décrite. Le point avec l’école nationale vétérinaire de Toulouse.
La maladie hémorragique épizootique n’est pas encore bien connue. La plupart des cas sont asymptomatiques mais certains bovins meurent en quelques jours. Une forme chronique est aussi maintenant décrite. Le point avec l’école nationale vétérinaire de Toulouse.

Le virus de la maladie hémorragique épizootique (MHE) va immanquablement circuler à partir de cet été ou bien à l’automne dans les troupeaux bovins français. Cette maladie virale transmise par un insecte piqueur du genre Culicoïdes présente énormément de similitudes avec la FCO, et en même temps, il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas encore sur elle.
« La MHE est due à un orbivirus, pour lequel sept sérotypes sont connus. Un seul sérotype circule en Europe : le sérotype 8 », a présenté Théo Chomarat, de l’école nationale vétérinaire de Toulouse (ENVT), lors des journées nationales des GTV (groupements techniques vétérinaires) en mai.
Le sérotype 8 a été identifié dans les années 1980 en Australie, puis il n’a plus été trouvé pendant quarante ans et on ne sait pas pourquoi il est réapparu en 2021 en Tunisie. De là, il a proliféré et s’est diffusé vers le nord. La MHE a en effet été détectée en Sicile, en Sardaigne et en Espagne en octobre 2022. Dans les Pyrénées-Atlantiques et les Hautes-Pyrénées, elle est arrivée en septembre 2023.
Entre 0 et 10 % de mortalité par troupeau
Dans la plupart des cas, la maladie est asymptomatique. Une étude espagnole en 2023 dans sept élevages laitiers (sur 3 000 bovins) a montré que la MHE est subclinique selon l’élevage dans 67 à 98 % des cas. « On n’a pas ce type de données pour la France, mais la découverte de la MHE dans certains troupeaux s’est faite de manière fortuite lors de contrôles sanitaires pour l’exportation. En troupeau laitier, parfois le seul signe observable était une légère baisse de production laitière globale », explique Théo Chomarat.
Et dans les cas les plus graves, la mort des bovins est possible en quelques jours. En Espagne, la mortalité moyenne a été évaluée entre 2 et 3 % des bovins malades. En France, des études des GDS des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées ont montré que la mortalité pouvait varier selon les élevages de 0 à jusqu’à 10 %.
On peut ainsi avoir des bovins malades pendant un ou deux jours avec juste un ulcère sur la langue, alors que d’autres animaux cumuleront tous les signes cliniques pendant trois à quatre semaines.
« Lors d’infection pendant la gestation, on peut observer des avortements, voire de la mortinatalité, surtout si l’infection a lieu en fin de gestation. On a aussi mis en évidence la naissance de veaux chétifs, qui ont du mal à démarrer et qui ne tètent pas », poursuit Théo Chomarat. On suppose pour ces cas de « veaux chétifs » que la mère a été contaminée quand elle était à deux ou trois mois de gestation (comme c’est le cas pour la FCO).
Une transmission de la mère au foetus
« La transmission verticale de la mère au fœtus est possible, nous avons identifié cela dans deux cas. » L’école nationale vétérinaire de Toulouse mène une étude sur les taureaux depuis deux ans, et a prouvé qu’une excrétion du virus est possible dans la semence par certains taureaux pendant quatre semaines post-infection.
« Nous avons d’autre part observé, comme les Espagnols l’avaient fait en 2023, l’existence d’une forme chronique de la MHE qui n’avait jamais été décrite auparavant », apprend Théo Chomarat. Cette forme peut concerner de 0 à 14 % des bovins malades selon les élevages. « Certains sont ceux qui ont souffert d’une phase aiguë sévère et qui n’arrivent pas à récupérer. Ils s’amaigrissent progressivement et finissent par être euthanasiés. Des néphropathies et insuffisances rénales pourraient être des complications secondaires à la phase aiguë. Une autre catégorie d’animaux est classée dans cette forme chronique de MHE : ceux qui souffrent de complications différées de la MHE parmi lesquelles on retrouve surtout des boiteries avec des lésions de la corne, de la sole.»
Pourquoi y a-t-il une telle diversité dans l’intensité des formes de la MHE ? « L’étude espagnole de 2023 a montré que plus une vache est âgée, plus elle risque d’être gravement malade de la MHE, et que les cas cliniques avant 2 ans d’âge sont rares. On peut supposer aussi que les maladies intercurrentes peuvent jouer un rôle ainsi qu’une alimentation minérale et vitaminique insuffisante. il peut aussi y avoir des facteurs génétiques et des facteurs de conduite d’élevage », avance Théo Chomarat.
En savoir plus
La fiche de GDS France et la SNGTV rassemble les informations sur la MHE : https://www.gdsfrance.org/maladie-hemorragique-epizootique-mhe/
Et le site du ministère de l’Agriculture permet de suivre l’évolution de la situation épidémiologique : https://agriculture.gouv.fr/mhe-la-maladie-hemorragique-epizootique
Une période d’infectiosité de dix jours à quatre semaines
Il est impossible de distinguer cliniquement et épidémiologiquement la MHE de la FCO. « En cas de doute, il faut envoyer un échantillon de sang pour une analyse de laboratoire PCR pour rechercher les deux maladies », explique Théo Chomarat, de l’école nationale vétérinaire de Toulouse.
La période d’infectiosité – période pendant laquelle les bovins possèdent dans leur sang du virus qui est capable de se multiplier et d’infecter un autre bovin – a une durée estimée entre dix jours et quatre semaines. Au-delà de quatre semaines, le résultat d’une PCR est toujours positif mais le virus n’est plus fortement capable de se multiplier. Ensuite, la quantité de virus dans le sang baisse lentement et quatre à huit mois après l’infection, elle arrive en dessous du seuil de détection par PCR.
Le test PCR ne permet pas de faire la différence entre les animaux vaccinés et ceux qui ont été malades.
Pour les animaux infectés, des anticorps sont détectables dans le sang dix à quatorze jours après l’infection et leur persistance dure probablement pendant plusieurs mois, voire plusieurs années.
Une étude est en cours à l’école vétérinaire de Toulouse sur la détection des anticorps de la MHE dans le lait de tank. Ceci pourrait permettre une surveillance à échelle nationale de la circulation du virus. Cette méthode serait rapide, précise et peu coûteuse.
Des ulcères au niveau de la bouche et du tube digestif
Quand des signes cliniques sont présents, la MHE se caractérise par de la fièvre au-delà de 40 °C avec abattement, de l’anorexie et l’absence de rumination. Lors de formes aiguës, on observe surtout des signes au niveau de la tête de l’animal. Le mufle peut se fissurer avec des ulcères et nécroses (peau qui se cartonne au niveau du mufle et desquame, laissant la muqueuse à vif). De nombreux ulcères au niveau de la bouche et de l’appareil digestif sont trouvés. « Le plus fréquent est sur la gencive supérieure. On peut aussi trouver des ulcères dans le pharynx, l’œsophage et jusque dans les pré-estomacs. » Ces ulcères empêchent le bovin de boire et manger normalement et peuvent durer jusqu’à trois semaines. D’où une déshydratation forte et potentiellement une insuffisance rénale.
On peut aussi trouver des signes sur la peau des trayons (congestion, ulcération) et parfois des signes locomoteurs (démarche raide ou hésitante), des lésions des pieds allant de la simple inflammation et congestion à, assez fréquemment, des ulcères dans l’espace interdigital.