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Influenza aviaire : Comment réduire les risques de contaminations des canards

Renforcement de la biosécurité, mise à l’abri, réduction de densité… Les pistes d’amélioration ne manquent pas pour minimiser le risque d’une quatrième épidémie dans les Landes.

Après trois épizooties survenues depuis fin 2015, force est de reconnaître que le Sud-Ouest et surtout le département des Landes réunissent encore les ingrédients d’un cocktail détonant. Les Landes produisent presque un quart de la production française de canards gras (4,9 millions mis en place en 2020) avec environ un millier d’éleveurs, la plupart concentrés en Chalosse. Cette région est en quelque sorte devenue la Bretagne du foie gras, tout en conservant un fonds important d’élevages traditionnels. « C’est une poudrière sanitaire », admet Serge Mora, éleveur autarcique et responsable syndical du Modef.

Protéger soi et les autres

 

 

L’observance de la biosécurité a fait défaut. « Depuis 2017, nous avons eu tendance à faire de moins en moins attention, concède un syndicaliste d’un autre bord. Des mesures avaient été prises, avec la recherche virologique avant mouvement et la biosécurisation du transport et tout se passait bien… » Sensibiliser, former et aussi contrôler le respect des barrières sanitaires feront partie des prochaines mesures. Mais c’est surtout la non mise à l’abri qui est à revoir d’urgence. « Respecter le bien-être animal, c’est aussi le préserver de la maladie, souligne le vétérinaire aviaire Xavier Banse. Ça n’a pas de sens de laisser des canards dehors quand des migrateurs malades passent au-dessus de leurs têtes. » Selon les enquêtes épidémiologiques, les premiers foyers landais avaient des canards dehors. Rétrospectivement, l’arrêté du 5 mai 2017 permettant de garder jusqu’à 3 200 canards dehors, laisse un goût très amer. D’autant qu’il a été largement utilisé. Pour Hervé Dupouy, producteur landais et responsable syndical, « il y a eu trop de dérogations données dans certaines zones. » La préfecture des Landes a accordé 230 dérogations pour environ 900 éleveurs. Certains en ont profité pour maintenir des canards dehors et dedans, ou pour ne pas avoir à repailler leur bâtiment. Pour le vétérinaire Laurent Deffreix, « accorder une dérogation à la demande a pu être perçu comme un encouragement à produire comme avant 2017. Alors que la mise sous protection aurait pu susciter une remise en question, certains n’ont rien changé dans leurs pratiques. » En matière de protection sanitaire, la force du collectif dépend des efforts de chacun.

Chercher des solutions plutôt que des problèmes

Dans ce contexte, l’avenir de la dérogation est très compromis. Il fait l’objet d’un combat syndical, sur fond de guerre idéologique entre petits élevages familiaux en circuit court et élevages industriels en filière longue. La réalité est nettement moins binaire.

Estimant que la présence d’un oiseau sauvage sur un parcours est extrêmement rare, le Modef et la Confédération paysanne ne veulent même pas envisager une remise en cause du plein air. Ils estiment que la construction de grands bâtiments de claustration ne ferait que constituer des « bombes biologiques ». Et ils demandent de réserver la dérogation aux éleveurs ayant au plus 3 200 palmipèdes sur l’exploitation, ce qui réduirait du même coup le problème de surdensité.

Lire aussi : Témoignage d'une mise à l'abri en Chalosse

Au contraire, le syndicalisme majoritaire (FN foie gras, FNSEA, CFA), rejoint par l’interprofession, demande de supprimer la dérogation. En contrepartie, il attend un « accompagnement technique et financier substantiel, notamment pour les éleveurs avec peu de canards, ceux ayant de faibles capacités d’investissements et ceux en fin de carrière ». En tout état de cause, chaque dérogation annulée devrait être examinée au cas par cas pour trouver une solution acceptable. Il est fort probable que cette position l’emportera, comme l’a laissé entendre le ministre Julien Denormandie. Pour vaincre les résistances naturelles au changement, des éleveurs landais peuvent déjà témoigner qu’il est possible de produire un canard de qualité, à condition de s’en donner les moyens techniques et économiques.

 

Renforcer les moyens d’intervention rapide

 

 
Les caissons d'euthanasie à gaz sont peu nombreux et non adaptés à des élevages de petite taille, notamment de canard qui font des apnées. © DR
Les caissons d'euthanasie à gaz sont peu nombreux et non adaptés à des élevages de petite taille, notamment de canard qui font des apnées. © DR

 

Un débat pourrait concerner les capacités d’euthanasie à mobiliser pour lutter vite et fort contre les premiers foyers, afin d’éviter qu’un feu de broussaille ne se transforme en feu de forêt. Et aussi pour ne pas laisser souffrir des animaux qui doivent être éliminés. Plusieurs pistes pourraient être explorées : constituer une force locale d’intervention rapide privilégiée par l’interprofession, autoriser l’euthanasie dans les petits abattoirs d’agriculteurs, agréer des méthodes de mise à mort novatrices (azote liquide par exemple) appliqués par du personnel formé et encadré (éleveur, technicien)… Reste à savoir qui les financera et comment articuler ces moyens avec ceux de l’État.

« Être créatif pour trouver des solutions »

Jean-Pierre Vaillancourt, vétérinaire canadien, expert en biosécurité

 

 

« Dans les petits élevages du Sud-Ouest, il est difficile de respecter les protocoles de biosécurité conçus pour des élevages standard. Il faut s’adapter aux réalités du terrain, tout en respectant deux principes millénaires : diminuer les sources de contamination et éloigner les contaminants des animaux.

Je dis souvent qu’il faut « réinventer la roue ». Ça veut dire discuter avec ceux croyant que la biosécurité ne sert à rien. Ce qu’on leur a prescrit n’est peut-être pas adapté ou bien le message est mal passé. Il faut qu’ils comprennent pourquoi la protection est importante, et que les mesures de prévention viennent d’eux-mêmes.

Par exemple, le microzonage pourrait être une piste à explorer. La mise sous une bulle sanitaire étanche d’une filière complète (élevages, abattoir, couvoir, usine d’aliment…) est impossible au niveau d’un large territoire, mais on peut imaginer une concertation à très petite échelle (quelques kilomètres carrés).

La dizaine d’éleveurs impliqués pourrait réfléchir à un fonctionnement coordonné plus sécurisé, en discutant aussi avec les fournisseurs et les acheteurs (animaux, gaz, paille, aliment, équarrisseur…). Eux savent quels sont les problèmes récurrents et quelles solutions apporter. La question n’est pas de savoir si on aime son voisin, mais quoi faire avec lui si on veut continuer à produire demain. C’est une question de survie. »

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