Pratiques agricoles
Un cadre réglementaire pour l´agriculture raisonnée
Pratiques agricoles
La mise au point d´une qualification « agriculture raisonnée » trouve son épilogue. Le Conseil supérieur d´orientation a rendu sa conclusion. Publication du décret ce trimestre.
Le Conseil supérieur d´orientation (CSO) a approuvé les principales orientations proposées par le groupe de travail « agriculture raisonnée ». A l´issue des cinquièmes rencontres Farre(1) de l´agriculture raisonnée, Jean Glavany a présenté dans ces grandes lignes la démarche de qualification du concept. « Un large accord a été obtenu sur trois points clés : le contenu du référentiel, la qualification des exploitations et la communication. Le décret agriculture raisonnée est en préparation. Il sera publié avant la fin du premier trimestre », promet le ministre de l´Agriculture.
Entrer dans le moule de l´agriculture raisonnée suppose de répondre à de multiples exigences : 98 points sont répertoriés dans le référentiel. Ces exigences se réfèrent à l´environnement, à la maîtrise des risques sanitaires, de la santé, de la sécurité au travail et au bien-être des animaux. Elles reprennent des normes réglementaires déjà existantes. Pour 55 points sur 98, elles relèvent de dispositions fondées sur des bases scientifiques et techniques reconnues, autrement dit « qui vont au-delà de la réglementation », traduit Christiane Lambert, présidente de Farre.
A y regarder de plus près, les obligations qui ne sont pas d´origine réglementaire se rapportent surtout à l´enregistrement des pratiques : plan de fumure et apports d´engrais, observations de l´état sanitaire des plantes, traitements phytosanitaires, volumes d´eau utilisés pour l´irrigation... Elles concernent également des investissements matériels pour assurer la sécurité autour des stockages d´engrais liquides et solides, de produits phytosanitaires et sur le contrôle du bon fonctionnement du matériel d´épandage ou de pulvérisation.
Concernant les pratiques en tant que telles, très peu d´obligations vont au-delà de la réglementation en vigueur.
Les usages autorisés restent de mise
Pour les professionnels qui pensaient que « agriculture raisonnée signifiaient meilleur respect de l´environnement et donc réduction des intrants », ils vont rester sur leur faim. Sur la dose d´utilisation des produits phytosanitaires, on s´en tient aux « usages autorisés et au respect de la dose homologuée ». Dans la lutte contre les ennemis des cultures, des outils de raisonnement (logiciels de prévision par exemple) permettent de déterminer un stade optimal de traitement avec des doses adaptées de produit. Aucune mention n´est faite sur le recours à ce type d´outil.
Concernant les traitements phytosanitaires, on relève une obligation non réglementaire : « être abonné à un service de conseil technique indépendant de la commercialisation des produits ou à un service de conseil technique de distributeur agréé pour la distribution de produits phytosanitaires » (!). Les objectifs des deux types de services ne sont pas forcément en accord sur l´utilisation des spécialités phytosanitaires.
Un organisme certificateur indépendant
La qualification « agriculture raisonnée » est une démarche volontaire. Elle porte sur l´exploitation agricole dans sa globalité. Elle sera délivrée par un organisme certificateur agréé indépendant. Celui-ci pourra passer des contrats avec des organismes extérieurs pour assurer les audits de qualification. Les Chambres d´agriculture notamment sont appelées à remplir un rôle important dans cette démarche d´audit. Présidente de l´association de consommateurs UFC-Que choisir, Marie-José Nicoli ne souhaitait pas voir le développement de services d´audit dépendants, de plus ou moins loin, d´organismes agricoles. « Nous nous sommes laissés persuader trouvant, que sur le terrain, des audits réalisés par des organismes avec qui les agriculteurs ont leurs habitudes, trouveraient un meilleur accueil. Et les organismes certificateurs gardent la décision finale de la qualification. »
La qualification sera attribuée pour une durée de cinq ans et renouvelée sur une même période. Des contrôles inopinés seront réalisés sur au moins 20 % des exploitations annuellement.
Pour Christiane Lambert, le souhait est évidemment « que le plus grand nombre possible d´agriculteurs puisse obtenir la qualification agriculture raisonnée. Nous désirons que l´on veille à ne pas laisser certains agriculteurs sur le bord de la route. Ceci suppose un effort colossal d´accompagnement et de formation. » L´agriculture raisonnée est vouée à devenir le standard de l´agriculture, d´où l´importance de voir une majorité d´agriculteurs y adhérer.
Étiquetage « agriculture raisonnée »
La communication autour du concept de l´agriculture raisonnée, et notamment l´étiquetage sur les produits issus de ce mode de production, est un des points qui a été le plus débattu lors de la concertation au CSO. Initialement Christiane Lambert appuyait cette demande d´étiquetage. Le gouvernement entendait privilégier une communication sur le mode de production, plutôt que sur la qualité du produit. « L´étiquetage sur le produit a été une demande quasi-unanime au sein du CSO, a reconnu Jean Glavany lors de son allocution à la journée Farre. Il sera donc possible de valoriser les produits par un étiquetage, mais il conviendra de garantir la traçabilité de ces produits tout au long de la chaîne ». Pour le gouvernement le mode de communication institutionnelle restera à privilégier. La mention qui sera portée sur les étiquettes sera précisément « ... issu d´une ou d´exploitation(s) qualifiée(s) au titre de l´agriculture raisonnée ». Elle ne devra pas induire de confusion avec les autres signes de qualité et d´origine des produits. C´est le risque que se plaît à relever la Fédération nationale de l´agriculture biologique (FNAB) qui considère que la mention « ne pourra qu´ajouter à la confusion existante ». Il ne faudra pas ménager ses efforts en communication pour faire reconnaître le concept et les produits d´agriculture raisonnée auprès des consommateurs.
(1) Forum de l´agriculture raisonnée respectueuse de l´environnement.
Référentiel : des spécificités locales
Pour chaque thème, le référentiel présente des exigences territoriales à côté des nationales. Ces obligations visent à ménager ou rétablir une situation environnementale critique à un niveau local comme dans le cas d´un risque majeur d´érosion des sols, de pollution avérée par les nitrates, les phosphates, les produits phytosanitaires...