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Transition en douceur vers les plantes médicinales

Passer de l’élevage à l’agriculture de conservation est une transition étonnante réalisée par Phillipe Gautier, en Maine-et-Loire. Il est aujourd’hui tourné vers les plantes médicinales.

Philippe Gautier s’est libéré des astreintes de l’élevage pour se concentrer sur l’agriculture de conservation et les plantes médicinales. « J’ai commencé à diversifier mes cultures en 2014, alors que j’avais toujours 650 000 litres de quota laitiers. Avec la coopérative CAPL (1), j’ai commencé à produire du quinoa. » C’est le début d’une transformation importante. Installé depuis les années 80 à Savennières, près d’Angers, l’agriculteur de 59 ans a longtemps été associé à son père, puis à son frère, et enfin à sa femme en EARL. « En 2014, pour continuer l’activité il fallait mettre les bâtiments aux normes pour 2016, avec un investissement conséquent. Mais à l’époque, je voulais me libérer des astreintes de l’élevage et je pensais même à faire du blé en monoculture, même si ce n’était pas vraiment réaliste ! » La remise en question du modèle économique de la ferme a bouleversé les pratiques et la rotation classique blé, ray-grass, maïs. Philippe Gautier a cessé l’activité laitière en 2016 et il cultive aujourd’hui sans labour, en intégrant les principes de l’agriculture de conservation pour « respecter les équilibres des écosystèmes ». Il a même gardé quelques bovins « pour épandre du fumier et relever la matière organique de mes sols », complète-t-il.

Des plantes médicinales depuis quatre ans

L’aventure des plantes médicinales a commencé en 2015. Philippe Gautier est contacté par des éleveurs voisins. Ils savent que l’agriculteur cherche à se diversifier et lui propose de cultiver des plantes médicinales et aromatiques pour valoriser un séchoir en projet. Situé à Saint-Georges-sur-Loire, à moins de dix kilomètres de sa ferme, le séchoir doit valoriser la chaleur générée par un méthaniseur partagé entre six éleveurs. Le projet est en partenariat avec la coopérative Anjou plantes qui s’engage à fournir les semences, le matériel pour la récolte et la distillation, et à assurer la vente. Tout est fait pour que Philippe s’engage et cultive des plantes médicinales sous contrat pendant un an. Il commence avec du pavot californien : Eschscholzia californica. « C’est une plante réputée pour lutter contre les troubles du sommeil mais elle ne contient pas d’opium », souligne-t-il. Puis il continue avec du mélilot officinal : « cette légumineuse est reconnue pour ses propriétés anticoagulantes et ressemble à une luzerne ». Il fait aussi des essais de camomille romaine et de grande camomille.

En 2018, il intègre 7,5 hectares de mélilot implantés pour deux ans et trois hectares de fenouil graine pour trois ans. « Cette année le fenouil est semé pour trois ans et récolté en grain », détaille le professionnel. L’année prochaine, l’agriculteur s’est engagé à cultiver du pavot californien, mais il espère aussi ressemer du mélilot. « Si la coopérative a de la demande, je suis preneur, assure Philippe Gautier. Je me suis concentré sur des espèces à valorisation aérienne car mes sols limono-sableux sont pierreux, mais il est possible de cultiver des racines, précise l’agriculteur. J’ai également choisi des terres irriguées car c’est indispensable pour valoriser des cultures sur des petites surfaces, d’autant plus que je suis sur des terres à faibles potentiels. » Dans le même temps, « les cultures de plantes médicinales valorisent bien le matériel d’élevage de la Cuma, notamment l’ensileuse et l’autochargeuse pour la récolte », constate l’ex-éleveur. Aujourd’hui, seize espèces différentes sont en rotation sur les 118 hectares de l’exploitation.

Pas d’herbicides homologués

La difficulté de la production des plantes médicinales réside dans la gestion des adventices : « j’ai dû renoncer à passer en bio », évoque-t-il. À la récolte, la présence de mauvaises herbes comme le séneçon, chargé d’alcaloïdes, n’est pas tolérée par la coopérative. Pour y pallier, Philippe Gautier traite avec un herbicide mais « il y en a très peu d’homologués pour les plantes médicinales », indique-t-il. D’ailleurs cette année, « il fallut cette année arracher le séneçon à la main, ce qui représente 50 heures de travail », constate-t-il.

2 000 euros de chiffre d’affaires par hectare

D’un point de vue économique, l’activité des plantes médicinales représente 10 % de la surface et 13 % du chiffre d’affaires (CA) de l’agriculteur. En moyenne, « je réalise entre 1 500 et 2 000 euros de CA par hectare », détaille-t-il. Pour le mélilot, il récolte 3,7 tonnes par hectare à 15 % d’humidité en moyenne sur deux ans. Côté charges, « les coûts d’implantation sont un peu plus chers, les semences coûtent le double d’une culture traditionnelle », prévient-il. Mais en ce moment, le point noir est sur le transport, le séchoir à côté de chez lui est en panne depuis six mois (voir encadré). Il est obligé d’aller au siège de la coopérative pour livrer sa récolte à 30 km, triplant les charges en carburant. En temps normal, « la marge est améliorée de quelques centaines d’euros », concède-t-il. Pour Philippe Gautier, le marché des plantes médicinales a de l’avenir : « il y a une forte demande pour le bio et de plus en plus de gens s’intéressent à l’homéopathie ». Mais les contrats ne concernent que des petites surfaces et le temps à consacrer à ces cultures est difficilement compressible. Un autre type d’astreinte…

(1) Coopérative agricole du Pays de Loire.

EARL associé avec sa femme

118 ha de cultures dont 10 ha de plantes médicinales

16 cultures sur 6 ans en rotation : blé tendre et dur, colza, féverole, lentille, tournesol, avoine, quinoa, millet, maïs, sarrasin et des plantes médicinales.

4 ans d’expérience en plantes médicinales

Méthanisation : une unité en panne met à mal agriculteurs et éleveurs

En Maine-et-Loire, un projet de méthanisation associé à un séchoir a permis en 2015 le rapprochement de six exploitations entre éleveurs et agriculteurs. L’unité en voie sèche discontinue d’une puissance de 250 kWél valorise la chaleur à plusieurs niveaux : le séchage de plantes aromatiques et médicinales pour les agriculteurs, et surtout, le chauffage et l’eau chaude sanitaire pour l’Ehpad Saint Louis et le siège de la communauté de communes Loire Layon. Mais la SAS Saint Georges sur Loire est malheureusement en panne depuis plus de six mois suite à un défaut de construction. Naskeo environnement, le constructeur, est d’ailleurs en contentieux avec les assurances et n’est pas en mesure de planifier un retour à la normale. Une problématique qui commence à peser lourd pour les agriculteurs et éleveurs du projet, notamment pour trouver une autre destination aux effluents d’élevage ou pour faire sécher les plantes médicinales à 30 km des fermes.

Un quart des fournisseurs de PPAM en Pays de Loire sont des céréaliers

D’après la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, 24,5 % des fournisseurs de plantes à parfum, aromatiques et médicinales (PPAM) de la région sont des céréaliers, 54 % seulement étant assuré par des agriculteurs spécialisés (chiffres de 2009). En 2017, la filière compte plus de 130 producteurs et concerne plus de 2 300 hectares, dont la majorité dans le Maine-et-Loire, représentant plus de 4 % des surfaces en France. À Angers, l’association interprofessionnelle de la filière PPAM des Pays de la Loire, Phytolia, communique activement et cherche à se distinguer de la concurrence jusqu’à même proposer une évolution de l’appellation en PSBBE (plantes santé beauté bien-être).

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