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Pierre Pagesse, président du Moma
TENTONS D’ÉLOIGNER LES SPÉCULATEURS DES MARCHÉS AGRICOLES

Pour Pierre Pagesse, plus on libéralise les marchés agricoles, plus on favorise la volatilité des prix, source d’instabilité mondiale. Les spéculateurs se frottent les mains.

Quelle a été votre motivation pour créer votre modèle de simulation économique Momagri ?
Les grands modèles économiques internationaux, émanant de la Banque mondiale, de l’OCDE ou du Fapri, ne prennent pas en compte les spécificités de l’agriculture et faussent les décisions internationales. J’observe les marchés agricoles depuis les années 70. Ces derniers sont en instabilité permanente. Or les modèles existants prévoient tous, à terme, un équilibre entre l’offre et la demande, ce qui est pure utopie.Notre modèle Momagri est composé d’un module « risque » permettant de modéliser la volatilité des prix. L’une des causes du non ajustement entre l’offre et la demande est liée au comportement des agriculteurs dans leur choix d’assolement. En effet les agriculteurs décident de leur production de l’année N + 1 en fonction des prix en vigueur à l’année N. Momagri intègre aussi les effets de la spéculation, ainsi que les risques naturels.

Les économistes préconisent la suppression des droits de douane, des aides et des subventions à l’export pour tendre vers des prix agricoles stables. Est-ce la bonne solution ?
Notre modèle démontre exactement le contraire. Nous avons testé l’hypothèse d’une libéralisation en 2008 des marchés. Résultat : une forte amplification de la volatilité pour les céréales et un effondrement des cours pour la viande bovine. De plus, une libéralisation des marchés a tendance à attirer les spéculateurs, ce qui amplifie encore la volatilité des prix. C’est ce que l’on observe actuellement. On considère qu’à ce jour, une tonne de blé sur le marché à terme de Chicago a été achetée et vendue 12 à 15 fois avant d’être débouclée sur le marché physique ! Aujourd’hui, le degré de spéculation sur les marchés est de 53 %, ce qui engendre un effet multiplicateur sur les prix jusqu’à 4.

À la lumière de ces résultats, quel jugement portez-vous sur la PAC et l’OMC ?
J’ai démarré ma carrière d’agriculteur avec 11 hectares. S’il n’y avait pas eu la PAC, je ne serai pas agriculteur aujourd’hui. J’avais une visibilité qui m’a permis d’établir des plans de développement. Je suis pour une économie de marché mais je suis farouchement opposé à la financiarisation des marchés agricoles. Je veux que l’on créé des conditions pour éloigner les spéculateurs. Ils sont en train de spéculer sur la misère des pays pauvres. Car ce n’est pas vrai que l’on assiste à une crise de disponibilité de l’alimentation au niveau mondial. Il s’agit davantage d’un problème de hausse artificielle des prix des matières premières. On ne bâtira pas la stabilité du monde sur le chao des marchés agricoles. Les États-Unis et l’Union européenne en sont responsables car ils abandonnent leur rôle de régulation des marchés. Le meilleur moyen pour lutter contre la spéculation est d’injecter 10 millions de tonnes de physique sur le marché mondial, et ça calme tout le monde. Encore faut-il avoir une politique qui favorise le stockage en période d’abondance. Les pharaons l’avaient déjà compris !

Quelle est la solution, selon vous ?
Il y a urgence à créer une politique agricole internationale qui regrouperait la dizaine d’États qui échangent les principales matières premières agricoles (blé, maïs, soja, viande porcine et bovine, huiles) sur le marché mondial. Il faut conserver des outils politiques permettant d’agir sur le marché physique. Il faut enfin donner les conditions aux pays pauvres de mettre en place leurs propres politiques agricoles, avec un système de barrière tarifaire. Traiter l’agriculture uniquement sous l’angle du commerce en se basant sur les 10 % de matières premières échangées sur le marché international n’est pas raisonnable. C’est même dangereux. !

Propos recueillis par Nicole Ouvrard

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