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Solidarité : Thierry Desvaux accompagne des paysans malgaches

Exploitant sur plus de 600 hectares dans l’Yonne, Thierry Desvaux est aussi très engagé dans la solidarité internationale avec l’Afdi. Depuis plus de quinze ans, il va à la rencontre des paysans malgaches pour les aider à s’organiser collectivement.

À Madagascar ou en France, l'analyse du profil pédologique est indispensable pour comprendre les mécanismes du sol.
© T. DESVEAUX

« Au début, je partais en Afrique pour aider les paysans du Sud, mais aujourd’hui, je me rends compte que ce sont eux qui me font avancer et m’enrichissent humainement », constate Thierry Desvaux, céréalier à la SEP (1) de Bord à Brienon-sur-Armançon, dans l’Yonne. Cet exploitant de 59 ans est investi auprès de l’Afdi, association française de développement international, depuis plus de quinze ans. Il accompagne des agriculteurs des Pays du Sud dans le développement de leurs productions et sensibilise différents publics aux actions de l’association œuvrant pour l’agriculture familiale et la lutte contre la faim. « À chaque mission, chaque rencontre, que soit avec des paysans ou des adhérents, l’échange est riche, évoque l’exploitant. Et en rentrant chez moi, je porte toujours un nouveau regard sur mon environnement politique, social et économique. Cela me remet sans cesse en question et me permet également de relativiser. » La remise en question peut paraître difficile à accepter, mais Thierry Desvaux en a fait une force.

Aider au développement d’organisations agricoles

« C’est via le syndicalisme que j’ai découvert l’Afdi », raconte-t-il. L’association cultive des valeurs qui lui sont chères : citoyenneté, solidarité et réciprocité. Elles font notamment écho à son service national qu’il a effectué en coopération au Bénin, où il a travaillé pendant deux ans. C’est à ce moment qu’il prend goût aux projets de développement agricole dans les Pays du Sud. Un tour du monde et vingt ans plus tard, il se réengage dans la solidarité internationale, mais autrement. « Je pars chaque année deux semaines en Afrique, indique Thierry Desvaux. Avec d’autres agriculteurs, en tant que bénévole, nous témoignons de notre expérience de paysan du Nord. Nous échangeons nos pratiques et présentons le fonctionnement des organisations agricoles françaises : les démarches de développement et les moyens mis en œuvre. Nous expliquons comment fonctionne une coopérative ou un conseil d’administration et ce n’est pas si évident ! » L’objectif de ces réunions n’est pas de transposer les schémas de production à la française en les adaptant aux Pays du Sud, mais plutôt « d’alimenter la réflexion et d’échanger avec les producteurs, pour concevoir un modèle en coconstruction répondant à leurs besoins et leur environnement », insiste l’exploitant. Les paysans dialoguent pour permettre d’améliorer la situation des agriculteurs familiaux de manière collective. Depuis quatre ans, Thierry suit les avancées d’un groupement d’agriculteurs à Madagascar. Dans la région de Fianarantsoa, l’Afdi travaille sur le développement d’une filière de semences certifiées. Car là-bas, c’est compliqué : « il y a de nombreux problèmes de germination et de disponibilité, détaille l’agriculteur. Alors nous mettons en relation des organisations paysannes d’agriculteurs malgaches avec les ONG sur place qui distribuent des semences de qualité. L’Afdi prête également de l’argent, par exemple, pour la construction d’un bâtiment de stockage. Car l’objectif est de pouvoir conserver correctement les semences, mais aussi de tout rembourser dans les cinq ans pour pousser à l’autonomie. »

Échanger sur les pratiques agroécologiques

Thierry Desvaux est aujourd’hui administrateur de l’antenne régionale et responsable d’un groupe recensant les actions agroécologiques menées chez les partenaires de l’association. Car l’Afdi a également un objectif de développement durable. Cela se traduit à plusieurs niveaux et notamment lors des échanges de pratiques avec les agriculteurs du Sud. « Un jour, en parlant de valoriser des légumineuses en association avec des cultures, raconte Thierry Desvaux, un responsable malgache m’a dit : « ce que vous appelez agroécologie, c’est ce que nous avons toujours fait ! » ». Mais il ne faut pas se leurrer, « là-bas, le rêve de beaucoup c’est d’être mécanisé avec des intrants », prévient l’agriculteur. Exploitant lui-même 630 hectares en agriculture de conservation, Thierry soutient que la transition des modes de production prendra du temps dans les pays du Nord. Mais au Sud, « l’engrenage agrochimique et la mécanisation n’ont pas eu lieu ou sont très peu développés, témoigne-t-il. Et nous souhaitons montrer que les processus traditionnellement réalisés sont plus vertueux, mais trop souvent incomplets par manque de science, de génétique, etc. » Pour l’agriculteur, « le progrès a sa place dans l’amélioration des pratiques ! »

La cinquantaine de salariés que compte l’Afdi appuie le travail des exploitants. « Ils nous aident, entre autres, à constituer des dossiers de financement pour aller chercher des fonds européens, indique l’agriculteur. Cet argent est notamment utilisé pour la création d’organisations collectives et son fonctionnement. Par exemple : défrayer les paysans pour les inciter à venir aux réunions, prendre en charge le salarié de l’organisation ou créer des parcelles de démonstration. » L’Afdi bénéficie d’un budget annuel de 6,9 millions d’euros avec lesquels elle mène des actions auprès de 800 000 exploitations familiales. Les missions à l’étranger constituent le cœur des actions de l’organisation, mais pas seulement. Thierry Desvaux et les adhérents sont régulièrement amenés à témoigner de son expérience devant des étudiants, des professionnels et le grand public, dont certains acteurs à l’origine de l’association comme les Chambres d’agriculture, les centres de gestion Cerfrance ou encore Groupama.

Des expériences transmises avec passion

Passionné, l’exploitant ne compte pas ses heures. Elles dépassent largement la trentaine de journées bénévoles qu’il déclare à l’Afdi. « J’y passe beaucoup de temps, car j’aime rencontrer les gens, témoigner, et cela m’est possible, signale-t-il. Lorsque je me suis associé avec quatre autres agriculteurs en SEP il y a dix ans, j’ai enfin pu dégager du temps pour ma famille et m’investir davantage dans l’association ». Mais le temps ne fait pas tout : « parfois, je me demande si je suis bien légitime par rapport aux attentes, poursuit-il humblement. Je n’ai fait qu’un BTS… mais j’ai toujours eu soif de comprendre et de transmettre ! » Ses enfants en sont la preuve : Romane mène un projet d’éducation autour des savoir-faire des écovillages, Eve est infirmière au Mexique et Clément travaille sur la ferme en vue de reprendre la suite de son père dans quelques années. L’aventure est loin d’être terminée. En avril 2018, Thierry Desvaux a même représenté l’association avec un salarié au 2e Symposium international sur l’agroécologie organisé par la FAO (2) à Rome…

(1) Société en participation.
(2) L’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
En chiffres

Une exploitation qui mise sur le collectif

4 exploitations pour 5 exploitants

630 hectares d’assolement commun (chanvre, sarrasin, blé, orge, colza, pois de printemps et poids d’hiver)

Depuis 6 ans, elle est labellisée GI2E (Groupement d’intérêt économique et écologique)

30 journées par an consacrées par Thierry Desveaux à l’Afdi, dont deux semaines en Afrique

 

Se préparer pour éviter un choc culturel et économique

Faire face à la pauvreté n’est pas si simple, « il y a une telle rupture culturelle et économique qu’il peut y avoir un choc, note Thierry Desvaux. Un paysan malgache récolte 1 tonne de céréales par an, soit 30 tonnes en une vie, alors que sur l’exploitation, ici, nous avons 3 000 tonnes de céréales dans les silos (par an), c’est un rapport qui peut être difficile à supporter… Dans l’autre sens également, un responsable africain qui visite un bâtiment avec 20 000 poulets, cela peut lui paraître vertigineux. » Pour éviter un choc émotionnel, l’Afdi conseille aux nouveaux adhérents de bien se préparer. L’association recommande notamment quelques lectures choisies et suggère de participer à des voyages de découverte de l’agriculture vivrière (voir encadré).

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