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Société agricole : comment piloter son compte courant d’associé ?

Dans une société, mieux vaut limiter le solde créditeur du compte courant d’associé, sous peine de rencontrer des difficultés à la sortie. Pour cela, des règles de bonne gestion existent, dès la création de la société, puis tout au long de la carrière : pilotage du montant des apports en compte courant, rémunération du travail, mise en réserve du résultat…

<em class="placeholder">Agriculteur effectuant des taches administratives dans son bureau.</em>
Peu visibles les comptes courants sont pourtant l’expression de disparités entre associés.
© J.-C. Gutner

Afin d’éviter de se retrouver dans une situation inextricable à sa sortie de société, il est vivement conseillé de gérer, tout au long de sa carrière, son compte courant d’associé (CCA).

Éviter les apports en compte courant d’associé à la création d’une société

En Gaec, la répartition des parts sociales est généralement égalitaire entre les associés dans l’objectif d’optimiser les aides PAC. Et ce, même si l’un d’entre eux apporte plus de capital au global que les autres. Par exemple, lors de la constitution d’un Gaec dans le cadre familial, l’associé qui détient le plus de capital d’exploitation se contente d’apporter au capital social la même somme que les autres associés, et laisse le surplus en compte courant d’associé, créant ainsi un important crédit sur celui-ci dès le démarrage de la société. Cet écart devient souvent une source de tension entre associés et de difficultés à la sortie. « Peu visibles, les comptes courants d’associé sont pourtant l’expression de disparité entre associés », déclare Marie-Chloé Pellegrin, experte-comptable dans le secteur agricole, au sein du cabinet Aragor, à La Fare-en-Champsaur dans les Hautes-Alpes.

Pourtant, des solutions existent lors de la constituion pour éviter ce solde créditeur, comme le recours à l’emprunt par la société.

Exemple = Patrick, le père, crée un Gaec avec sa fille, Léa. L’exploitation individuelle de Patrick vaut 200 000 euros (hors terres et bâtiments). Sa fille n’a que 50 000 euros à investir dans la ferme, soit sa SNJA, plus un peu d’épargne personnelle.

Patrick vend à Léa 50 000 euros, qu’elle apporte au Gaec. Patrick apporte 50 000 euros en capital, pour constituer une Gaec à 50 % chacun. Ils risquent donc de commercer leur collaboration avec 100 000 euros en compte courant d’associé pour Patrick et 0 euro pour Léa.

Suggestion 1 : Léa emprunte à titre personnel 50 000 euros, elle peut ainsi acheter à son père 100 000 euros (50 000 euros de DNJA (1) + 50 000 euros empruntés à la banque), afin que chacun commence avec 100 000 euros de parts sociales et 0 euro de CCA.

Suggestion 2 : Patrick ne veut pas que sa fille assume seule et personnellement, le remboursement de l’emprunt. Il aurait besoin de liquidité pour rééquilibrer la part successorale du frère de Léa ou placer l’argent en prévision de sa retraite. Le père et la fille apportent chacun 50 000 euros. La société emprunte 100 000 euros, qu’elle verse à Patrick. Patrick et Léa contribuent ensemble au remboursement de l’emprunt.

- Dans la suggestion 1, seulement 50 000 euros ont été empruntés à la charge de Léa et Patrick détient des parts sociales équivalentes à son apport, soit 100 000 euros.

- Dans la suggestion 2, 100 000 euros ont été empruntés à la charge des deux et Patrick détient des parts sociales équivalentes à son apport, soit 50 000 euros.

En cas de bénéfices, les prélever et ou les mettre en réserve

Les années où la société dégage un résultat bénéficiaire, si les comptes courants des associés sont créditeurs, il est préférable de ne distribuer que ce que la société peut verser à ses associés et de placer le surplus en « autres réserves ». L’argent n’est pas bloqué, il reste dans la société pour son autofinancement. Il n’est pas non plus perdu, puisqu’il en est tenu compte dans la valorisation des parts sociales lors de leur cession.

Exemple : le bénéfice 2025 de la société est de 60 000 euros, mais la trésorerie limitée à 40 000 euros, car une bonne partie de ce bénéfice correspond à des amortissements. Le compte courant de A de 55 000 euros et de B 25 000 euros.

- Suggestion : ils distribuent 40 000 euros, et mettent en réserve pour l’autofinancement 20 000 euros.

En cas de déficit, le distribuer

À l’inverse, les années où la société dégage un résultat déficitaire, si les comptes courants des associés sont créditeurs, il est préférable de distribuer le déficit pour les faire baisser.

Exemple = le déficit 2025 de la société est de 60 000 euros. Le compte courant de Patrick de 55 000 euros et de Léa 25 000 euros.

- Suggestion : Ils distribuent 50 000 euros et mettent en report à nouveau 10 000 euros, pour ne pas créer de solde débiteur pour Léa.

Adapter les rémunérations à la trésorerie

On constate que les rémunérations du travail et des mises à disposition de terres et bâtiments ne sont pas toujours versées aux associés, soit faute de trésorerie, soit parce qu’ils n’en veulent pas. En dehors des Gaec et EARL qui fixent une rémunération du travail obligatoire, d’au moins un Smic (2), dans les autres sociétés, la rémunération n’est pas obligatoire. Dès lors, si les capacités financières de la société ne permettent pas structurellement ces versements, mieux vaut limiter cette rémunération.

Quant au loyer d’une convention de mise à disposition par un associé propriétaire, son montant est limité par l’arrêté préfectoral des fermages, mais rien n’empêche qu’il soit gratuit. Si la société n’a pas les moyens de payer ce loyer, pour éviter l’emballement du compte courant de l’associé concerné, il peut concéder un prêt à usage gratuit.

Exemple = compte tenu d’une conjoncture difficile, le Gaec dégage un bénéfice d’environ 30 000 euros par an mais ses capacités de distribution sont plutôt à 10 000 euros. Or la convention de mise à disposition des terres et bâtiments dont Patrick est propriétaire correspond à un loyer de 8 000 euros par an.

- Suggestion : Patrick renonce à ce loyer pendant quelques années, le bénéfice est donc augmenté de 8 000 euros, soit 38 000 euros.

« Cette solution n’est possible que si le loyer de la convention n’est pas soumis à la TVA (N.D.L.R. bailleur de biens ruraux) », alerte Marie-Chloé Pellegrin, experte-comptable dans le secteur agricole, au sein du cabinet Aragor, à La Fare-en-Champsaur dans les Hautes-Alpes.

(1) Dotation nouveaux et jeunes agriculteurs
(2) Depuis le 1er janvier 2025, le Smic est de 17 115,69 euros nets par an. Peu visibles les comptes courants sont pourtant l’expression de disparités entre associés.

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