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S’installer grâce au safran biologique

Utilisé en médecine, puis en teinture, le safran est aujourd’hui convoité pour ses arômes inégalés. Historiquement cultivée dans le Gâtinais, l’épice la plus chère au monde a permis l’installation dans la région d’un jeune agriculteur : Maxime Buizard-Blondeau. Reportage au pays du safran des Templiers.

« C’est grâce à la culture du safran que j’ai pu m’installer », constate Maxime Buizard-Blondeau, agriculteur de 25 ans dans le Loiret. Il représente la quinzième génération de sa famille à pratiquer le métier d’agriculteur sur la commune d’Égry dans le Gâtinais. Également président des Jeunes agriculteurs du département, il s’est lancé dans la culture de Crocus sativus il y a un an. « Mon père avait 40 ha de cultures qu’il cherchait à agrandir, raconte-t-il, mais au final il a travaillé plus de quarante ans à l’extérieur sans pouvoir vivre de la ferme. C’était une activité secondaire pour lui, mais moi je voulais m’installer à titre principal ! » Après une licence Droit histoire et un BTSA Acse (1), le jeune diplômé s’est mis en lien avec la chambre d’agriculture. « C’est elle qui m’a appelé et proposé de rencontrer Alain Templier, relate l’exploitant. Il cherchait un repreneur pour sa safranière. Le conseiller de la chambre a même dû insister car j’étais moyennement enthousiaste. Je ne connaissais rien à cette culture et j’avais eu une expérience difficile dans le maraîchage de plein champ… Mais je n’avais rien à perdre à le rencontrer, il n’était qu’à 10 km ! » Le conseiller a vu juste. « Après un quart d’heure, j’étais séduit par le safran et surtout par la passion contagieuse d’Alain », poursuit le jeune agriculteur.

Une reprise d’activité en douceur et en bio

« Je voulais garder la propriété familiale, alors on a trouvé un accord avec Alain pour déplacer la safranière en deux temps, explique Maxime Buizard-Blondeau. J’ai racheté son activité et il m’a mis à disposition ses 75 ares de safran pendant trois ans. C’est le temps qu’il faut pour arracher et transférer les bulbes. » La reprise d’activité a eu lieu en juillet 2017. Maxime et son père se sont associés pour créer une SARL au capital de 50 000 €. La structure a emprunté sur cinq ans pour investir 150 000 €. Cela couvre le rachat des bulbes (estimés entre 50 000 et 70 000 unités), du matériel (dont une planteuse et un séchoir), la valorisation de la clientèle et des fournisseurs, les stocks (45 000 € de chiffre d’affaires), ainsi que l’achat d’une voiture et la construction d’un bâtiment. Encore en travaux, celui-ci a coûté 75 000 €. « Il va servir d’atelier de production, de salle de pause pour les ouvriers et pour recevoir du public », présente le gérant. Spécificité par rapport à son prédécesseur : Maxime Buizard-Blondeau a décidé de passer sa production en bio. « Je suis en conversion biologique mais uniquement pour les terres de safran, ajoute-t-il. Ce n’est pas vraiment une nécessité pour mes clients actuels, mais c’est un produit de luxe et pour aller décrocher des nouveaux clients, c’est indispensable ! » Au final, la reprise s’est faite en douceur, notamment grâce au relationnel avec le cédant. « Alain Templier a une véritable volonté de transmettre, et avec ses vingt-cinq années d’expérience dans le safran, c’est plus qu’un conseiller technique, c’est un vrai parrain », souligne l’exploitant.

100 g de safran par jour pendant trois semaines

Aujourd’hui Maxime Buizard-Blondeau travaille à cheval sur les deux exploitations. En août 2017, « j’ai arraché la moitié de la culture d’Alain que j’ai replanté sur la ferme dans la foulée, relate-t-il, et dès septembre j’ai pu faire ma première récolte. » La production sur le nouveau champ a été faible. « Tout juste 1,5 kg, mais c’est normal pour une première année », relativise-t-il. Les bulbes sont généralement plantés au mois de juin et se multiplient d’une année sur l’autre (double ou triple). La récolte est étalée sur trois semaines en septembre-octobre. Pendant cette période, « nous avons une dizaine de saisonniers à gérer et nous sommes sur la parcelle dès le lever du jour », explique-t-il. Les fleurs ne s’ouvrent qu’une seule journée avant de se faner. Elles doivent être récoltées, émondées (récupération des stigmates rouges), et sécher dans la journée pour conserver les arômes. « On arrive à récolter au grand maximum 100 g de safran par jour à huit personnes », prévient-il. Il faut être patient et minutieux. La récolte se fait à la main au ras du sol, « nous sommes pliés en deux ou accroupis, ce n’est pas l’idéal, confie-t-il, mais je vais tester un outil prochainement pour désherber et récolter en position allongée. J’espère alléger la pénibilité. » De plus, « les stigmates doivent être séparés de la fleur mais pas séparés entre eux. Il faut couper au bon endroit, c’est un véritable savoir-faire », revendique-t-il.

75 000 € de chiffre d’affaires dans cinq ans

Son safran, Maxime Buizard-Blondeau le vend en grande partie transformé. Il fait appel à des artisans locaux et récupère les produits finis. Miel, pâtés et rillettes, biscuits ou encore confitures, il a repris toute la gamme d’Alain Templier. À terme, l’agriculteur mise sur une production de 5 kg de safran par an en maintenant 30 % de marge brute. Cela représente 75 000 € de chiffre d’affaires au bout de la cinquième année. « À l’avenir, je prévois un chiffre d’affaires réparti pour un tiers sur les cultures traditionnelles et deux tiers sur le safran », espère-il. Pour cela, il a retravaillé les recettes, le logo, les étiquettes. Il n’a pas hésité à contacter une agence de marketing locale. Et il compte bien innover pour élargir sa gamme en développant de nouveaux produits « au safran ».

La commercialisation, le cœur du métier

Au-delà de la production, la plus grosse charge de travail concerne la vente. Car pour Maxime Buizard-Blondeau « être producteur de safran, c’est surtout faire de la vente ». Il n’y a pas de marché national structuré, « c’est une commercialisation locale, voire régionale », insiste-t-il. Ses clients sont principalement des épiceries, jardineries, boutiques spécialisées ou restaurateurs, mais pas que. Le Center parc de Sologne, par exemple, propose ses produits dans une corbeille d’accueil pour les suites de luxe. Son produit phare ? Les tuiles au safran. Mais en volume, les confitures l’emportent. Faute de producteurs locaux, elles sont fabriquées par une entreprise française, Andrésy confitures. « Elle m’assure 60 000 petits pots de 25 g tous les un an et demi. C’est une commande de 30 000 € qu’il me faut faire avant la période de Noël », note-t-il. Car il faut prévoir et voir grand pour réussir. Pour l’instant, l’agriculteur se concentre sur la prochaine étape à venir. « Il me faut doubler ma parcelle avec l’arrachage des derniers bulbes et la réimplantation, prévoit-il. Puis la récolte est prévue en septembre. »

Avec peu d’hectares de cultures à côté, le safran lui convient bien. « Mais pour un agriculteur qui aurait une semaine de semis à prévoir, cela serait difficile, constate-t-il. Il devrait faire un choix car c’est au même moment que la récolte. » Et il serait dommage de laisser faner l’or rouge !

(1) Acse : Analyse et conduite de systèmes d’exploitation

Une IGP Safran du Gâtinais en pourparlers

Une dizaine de producteurs sur le Loiret, l’Yonne et la Seine-et-Marne souhaitent déposer une demande d’IGP (Indication géographique protégée). « Nous avons un savoir-faire depuis le Moyen-âge, soutient Maxime Buizard-Blondeau, producteur à Égry dans le Loiret. Nous étions exportateurs à cette époque, mais la culture a disparu à la fin du XIXe siècle avec l’exode rural. » La plante demande encore aujourd’hui beaucoup de main-d’œuvre. Elle est de nouveau cultivée depuis les années 80. Pour autant, « la France importe plus d’une tonne de safran par an, avance le jeune producteur. Mais lorsqu’il est vendu en poudre, il est souvent frelaté avec du curcuma ou même de la brique pillée… » Avec une appellation IGP, les producteurs pourraient faire reconnaître la qualité de leurs produits et lutter contre la fraude.

Safran : une culture sans traitement

« Dans la culture du safran, il n’y a pas de traitement », remarque Maxime Buizard-Blondeau, agriculteur dans le Loiret. La plante est rustique et il n’existe qu’une seule variété cultivée : Crocus sativus. « La seule problématique ce sont les mauvaises herbes, constate-t-il. Il faut pouvoir réaliser un couvert régulier pour qu’à la récolte, les fleurs soient faciles à identifier ». L’agriculteur est en conversion biologique et a prévu des essais de luzerne, trèfle et ray grass. Il est cependant possible d’utiliser du glyphosate, mais qui sait jusqu’à quand… Autre bémol : « En été, si les bulbes sont touchés par des pourritures, il faut rapidement tous les déterrer, les trier, et ne replanter que les sains », conseille-t-il.

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