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Santé et sécurité
Santé et sécurité : comment réduire au maximum le contact avec les produits chimiques

Si les phytos ne sont pas les seuls produits chimiques présents sur une ferme, ils sont parmi les plus manipulés. La meilleure protection consiste à les tenir éloignés de soi le plus possible, grâce au remplissage de la cuve en circuit fermé, au port de vêtements de protection ou au choix de pulvé…

Éviter tout contact avec les phytos, voilà le plus simple et le plus sûr moyen de protection contre ces produits. Simple à dire, difficile à faire. Des solutions existent néanmoins, même si elles sont encore peu commercialisées aujourd’hui. C’est par exemple le cas des dispositifs d’incorporation des produits en circuit fermé, dits Closed Transfert System ou CTS. « Le premier risque est à la préparation de la bouillie, et avec ces systèmes, on évite la mise en contact de l’opérateur avec le produit », décrit Gérard Bernadac, médecin de la MSA en charge du risque chimique en agriculture au plan national. Pour l’instant, seul l’EasyFlow de Bayer est vendu en France. Il comprend un adaptateur à poser sur le bidon et un autre à fixer sur la cuve ou la trémie d’incorporation. Le produit quitte le bidon sans contact avec l’utilisateur ou l’environnement. Le bidon est ensuite lavé et rincé au même endroit. Développé avec Agrotop qui le distribue en France depuis janvier 2015, ce système est décliné dans une deuxième version depuis fin 2017, vendue autour de 1 200 € contre 400 € environ pour la précédente. « La première version est plus adaptée aux petits pulvés pour l’arbo ou la vigne, signale Sonia Laurent, ingénieur bonnes pratiques chez Bayer. La version EasyFlow M se branche directement à l’aspiration du pulvé, ce qui permet de gagner en vitesse et d’incorporer des produits plus visqueux. » Elle est a priori mieux adaptée aux grandes cultures. Un récipient intermédiaire gradué permet également de mieux doser le produit. Fin juin 2018, Agrotop avait commercialisé 993 dispositifs EasyFlow (classique et M).

L’absence de standardisation des bidons problématique

BASF travaille pour sa part sur Ezi-Connect. Encore à l’état de prototype en France, ce système a été commercialisé au Danemark. « Nous en avons vendu 500 exemplaires pour un prix moyen de 1 000 €, dispositif seul », observe Hubert Pottiau, responsable promotion technique chez BASF. Différence notable avec l’EasyFlow : « il faut un bouchon spécifique : il se manipule comme un bouchon classique, mais il est muni d’un clapet qui assure l’étanchéité, explique Hubert Pottiau. Ce dernier s’ouvre quand le bidon est branché sur le système et laisse passer une sonde qui aspire le liquide puis assure le rinçage ». Ezi-Connect ne permet pas encore de vider partiellement un bidon : « nous n’avons pas retenu le volucompteur dans le cahier des charges initial, car il aurait coûté cher, les produits n’ayant pas tous la même densité ni la même viscosité », relève le spécialiste. Pour BASF, l’enjeu est surtout de faire avancer la réflexion sur la sécurité de l’utilisateur. « Nous n’avons pas d’enjeu commercial, BASF ne vendra pas le système en direct, décrit Hubert Pottiau. Ezi-Connect n’est qu’une clé USB : il faut un adaptateur pour mettre en place ce type de technologie, nous proposons un bouchon dédié. Mais d’autres solutions peuvent émerger ». Pour l’instant, les CTS sont tous pénalisés par le manque de standardisation autour des bidons. Ce point névralgique freine également les avancées chez les constructeurs de pulvérisateurs. En 2015, Berthoud a été récompensé au Sima pour son système B-safe mais n’a pas vraiment été plus loin. « Nous avons beaucoup d’idées, mais il y a trop d’hétérogénéité sur le packaging, il faut une standardisation au niveau des bouchons », estime François-Xavier Janin, chez Berthoud. Des discussions sont en cours pour créer une norme Iso, facilitatrice. « Il y a deux enjeux de normalisation, un sur les caractéristiques de ces dispositifs (vitesse, rinçage, fuites, nombre de cycles…) et un autre sur la standardisation des bidons, détaille Julien Durand-Réville, responsable santé à l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes). On est bon sur le diamètre du goulot, la taille du pas de vis. » Le dossier avance… lentement. Déjà repoussée d’un an, cette norme verrait le jour en 2020. Pour Gérard Bernadac, « on n’a pas pris la mesure de la difficulté pour l’opérateur de préparer une bouille, estime-t-il. Les fermes ne sont pas des laboratoires de chimie ! ». La sécurisation du remplissage des pulvés aiguillonne aussi les start-up, à l’image de Diimotion, qui propose l’injection directe de produits. Il reste en fait beaucoup à faire sur ce sujet complexe, qui n’est pas vu comme une priorité dans les fermes. « Nous avons testé notre dispositif B-safe auprès d’une vingtaine d’utilisateurs, décrit ainsi François-Xavier Janin. Le concept plaît mais l’agriculteur ne veut pas perdre de temps à l’incorporation. Or aspirer un produit comme c’est le cas avec B-safe est plus long que de vider un bidon. »

De nouveaux vêtements de travail plus faciles à porter

En attendant mieux, les équipements de protection individuelle (EPI) restent la solution pour se prémunir des contacts avec les phytos. Deux avis publiés en juillet 2016, l’un de la DGT (Direction générale du travail) et l’autre de la DGAL (Direction générale de l’alimentation), ont éclairci les exigences vestimentaires et le type d’EPI à porter en fonction des tâches et de la nature des produits utilisés. Ils ont anticipé la révision de la norme Iso sur la protection vis-à-vis des phytos. « Auparavant, cette norme était transversale et concernait la protection chimique dans l’industrie, explique Julien Durand-Réville. Le combat a consisté à avoir une norme adaptée aux agriculteurs. » Ces avis ont donné le coup d’envoi à la mise en marché de nouvelles lignes de vêtements, au design très proche des combinaisons de travail classiques, mais en tissu déperlant et lavable quinze à trente fois. Axe Environnement, qui vient de sortir une nouvelle gamme encore plus légère et respirante, en a vendu 15 000 exemplaires sur deux ans. « Le développement de ces gammes prend du temps, celui de changer les habitudes et celui nécessaire aux différentes instances pour s’approprier le sujet », constate Fabien Vermot-Desroches, responsable recherche et développement chez Axe Environnement. Cepovett, spécialiste du vêtement de travail qui n’était pas auparavant sur le marché agricole, est aussi un pionnier. « Aujourd’hui, le pari n’est toutefois pas forcément réussi, avoue Sébastien Marie, son responsable développement technique. Nous avons fait une certification à dires d’experts pour être conforme aux avis de la DGAL et de la DGT puis nous avons dû refaire une certification lorsque la norme est parue officiellement, car des choses avaient bougé. Et la population agricole est un peu compliquée à aborder, notamment parce qu’il y a beaucoup de travailleurs indépendants, moins soucieux de s’appliquer à eux-mêmes la réglementation qu’à leurs salariés, d’autant plus que ce ne sont que des recommandations. » Ces combinaisons ont par ailleurs les défauts de leurs qualités : « elles s’approchent visuellement d’un bleu de travail classique mais sont beaucoup plus chères (80 à 90 € HT, ndlr), indique Gérard Bernadac. Les agriculteurs ont du mal à voir la différence. La démarche est positive mais il vaut mieux privilégier la prévention collective et la prévention primaire, c’est-à-dire la réduction ou l’absence de recours aux phytos ». La balle est aussi dans le camp des conseillers techniques et agronomiques.

Réduire l’inhalation des produits au champ

« Plus la rampe est loin du conducteur, plus cela limite les risques d’inhalation de produits, rappelle Gérard Bernadac, de la MSA. Lorsque la rampe est portée, il faut être vigilant au repliage : elle se rabat souvent juste à côté de la cabine, ce qui peut laisser des souillures. » Concernant les mécanismes de filtration, le médecin est un peu dubitatif. « Il n’existe pas d’indicateur pour savoir quand les cartouches de filtration sont saturées, ce qui est vraiment dommage. On dit qu’il faut les changer tous les ans, mais tout dépend de la façon dont on les utilise : elles risquent de saturer plus vite si la cabine est très ventilée, par exemple. » Pour le professionnel, la protection indispensable consiste à avoir une cabine vitrée, qui protège des brouillards de pulvérisation. « Le charbon actif contenu dans les cartouches sert surtout à capter les vapeurs et les gaz que l’on ne voit pas, qui sont produits essentiellement par les insecticides », précise-t-il. C’est donc en particulier lors de l’application de ces produits que le médecin conseille la mise en route de la filtration de la cabine.

Des produits chimiques aussi dans l’atelier

On l’oublie souvent, mais les produits phytos ne sont pas les seuls produits chimiques présents sur une exploitation. Des soudures aux graissages en passant par la manipulation du carburant, les occasions d’entrer en contact avec des produits dangereux sont multiples… Et la protection pas toujours au rendez-vous. « On sait que pour les soudures, les gens ne se protègent pas, hormis contre les ultraviolets, note Gérard Bernadac. Or ce sont des produits cancérigènes que l’on inhale ». Lire les étiquettes des produits et s’équiper en conséquence est là aussi indispensable…

Avis d'expert : Gérald Desvigne, contrôleur de pulvé à la fédération des Cuma Pays de la Loire

« Un travail à faire sur le rinçage »

« Lors des contrôles pulvé, nous constatons qu’il y a un travail à faire sur le rinçage, qui est mal fait voire pas fait. C’est en grande partie parce que les systèmes de rinçage ne sont pas pratiques. Sur les anciens modèles par exemple, on prend de l’eau souillée de la cuve et le rinçage du bac d’incorporation produit des vapeurs. De manière générale, il ne faut pas trop ouvrir le système de rinçage du bac : il y a souvent trop de pression, ce qui provoque des giclées et des embruns. Autre problème, le litrage de la cuve de rinçage : un volume égal à 10 % de la cuve est insuffisant. Il en faudrait au moins le double. Et pour que le rinçage soit efficace, il faut le séquencer. Quand on a 300 litres à disposition pour une cuve de 3 000 litres, il faut les répartir en trois fois minimum. Il y a aussi des progrès à faire sur le lavage extérieur. Quand l’agriculteur doit déboucher une buse, il se contamine à chaque fois. »

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