Amendement organique : les PRO, un gisement pour maintenir la fertilité des sols sur les territoires
Le recours aux produits résiduaires organiques (PRO) peut pallier la diminution de la ressource des effluents d’élevage dans des régions où les sols souffrent d’une baisse de matière organique. Leur potentiel de production peut en être affecté. Analyse avec l’exemple du sud de la Bourgogne.
Le recours aux produits résiduaires organiques (PRO) peut pallier la diminution de la ressource des effluents d’élevage dans des régions où les sols souffrent d’une baisse de matière organique. Leur potentiel de production peut en être affecté. Analyse avec l’exemple du sud de la Bourgogne.

Élaborés à partir de boues industrielles ou urbaines en mélange avec des déchets végétaux et/ou ménagers : des produits résiduaires organiques (PRO) sont commercialisés dès lors qu’ils répondent à des normes en termes d’innocuité et d’intérêt agronomique. La coopérative Bourgogne du Sud commercialise trois PRO : Phertyl, Organic, Compocea. « Ils proviennent de trois gisements locaux. Nous avons bâti des partenariats avec les sociétés qui produisent ces PRO, pour leur distribution et commercialisation avec des engagements sur les volumes », explique Christine Boully, directrice agronomie, approvisionnement et services de la coopérative.
Entre 5 000 et 6 000 hectares reçoivent ces PRO chaque année. Avec un épandage limité à une fois tous les trois ans par parcelle, cela représente au total 15 000 hectares dans le secteur couvert par la coopérative, soit un quart des surfaces de grandes cultures sur trois ans de rotation.
Des sols devenus fragiles par manque de matière organique
La coopérative couvre une zone géographique (deux tiers de la Saône-et-Loire, une partie de la Côte-d’Or et de l’Ain) où la matière organique (MO) des sols s’est effritée jusqu’à des niveaux très bas par endroits. L’élevage est en perte de vitesse. La ressource en matière organique que constituaient les effluents est moindre que par le passé. « Les sols sont devenus fragiles avec une sensibilité à la battance, une baisse de fertilité, observe Christine Boully. Les produits compostés constituent une ressource pour contrebalancer ces défauts. » La matière organique est devenue un enjeu pour améliorer ou maintenir la fertilité biologique et physique des sols et leur potentiel.
« En outre, nous avons des sols à pH acide ou à tendance acidifiante, ajoute Christine Boully. Un produit composté, Phertyl, a été élaboré pour répondre à cette situation. Il apporte un pouvoir chaulant intéressant, au moins pour maintenir un pH du sol compatible avec les productions agricoles. »
Chacun des PRO commercialisés a ses spécificités. Issu du compostage des digestats de méthanisation avec des déchets verts, Organic est principalement une source de matière organique, de phosphore et de potasse. Élaboré par compostage d’un mélange de boues de station d’épuration des eaux et de broyats végétaux, Phertyl apporte surtout de la matière organique, du calcium et du phosphore. Avec moins de chaux, la finalité de Compocea est d’apporter avant tout de la matière organique, produit d’un compostage de boues et de déchets verts et ménagers.
Des produits organiques compétitifs sur la fertilisation PK
Les PRO se substituent à une bonne partie des apports d’engrais de phosphore et de potasse (PK). Ils ne sont pas gratuits. « Le prix de la fumure de fond sert souvent de baromètre pour déterminer celui des PRO. Dans le prix de ces derniers, une prestation d’épandage est souvent incluse. Et les PRO restent compétitifs par rapport aux engrais PK avec le bonus de l’apport en MO, souligne la conseillère de Bourgogne du Sud. L’investissement est onéreux pour l’agriculteur sur l’année où il utilise un PRO sur une parcelle. Mais il permet d’économiser les engrais PK pour trois ans dans la majorité des cas. »
La coopérative a voulu mesurer l’intérêt de Phertyl sur la matière organique des sols. Une expérimentation avec un apport de Phertyl tous les deux ans à raison de 10 tonnes par hectare a montré un gain de 0,3 à 0,4 % de la teneur en MO en dix ans. « Même si elle peut paraître modeste, cette augmentation de teneur change tout sur des sols pauvres en MO », souligne Christine Boully. L’amélioration de l’état structural du sol le rend moins sensible à la battance et plus résilient aux à-coups climatiques (meilleure réserve utile et résistance aux excès de pluie). « On gagne aussi de la capacité d’échange cationique (CEC), ce qui contribue à une meilleure fertilité du sol et à un potentiel de production préservé dans notre région », ajoute la responsable.
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La spécialiste met en avant d’autres enjeux : une pression réglementaire poussant à réduire l’usage des engrais minéraux, un accès aux engrais phosphatés qui risque d’être plus compliqué à l’avenir avec la diminution de la ressource utilisable, des projets de production bas carbone où les PRO pourraient venir en remplacement des engrais chimiques. Même en proportion modeste dans les assolements, les produits résiduaires organiques prennent toute leur valeur, en particulier dans un contexte de prix des engrais à la hausse.