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Permis de harcèlement contre le chardon

Comment détruire le chardon des champs sans herbicide ? Les agriculteurs biologiques mettent en œuvre divers moyens agronomiques et mécaniques qui ont fait leurs preuves.

« C’est l’arme fatale antichardon ! » Une fiche du réseau Agriculture durable (1) définit ainsi la culture de luzerne pendant quelques années, très utilisée en agriculture biologique. « La luzerne permet de réduire et d’éliminer les chardons dans les parcelles, et ce dès l’année d’implantation dans certains cas. Cette régression, souvent radicale, se poursuit après la présence de luzerne sur une période de trois à quatre ans », précise-t-on dans le document. Même si cet antagonisme entre la luzerne et le chardon des champs n’est pas clairement expliqué, certaines caractéristiques de la culture contribueraient à supplanter l’adventice : sa capacité à développer une végétation dense rapidement, sa racine pivot très concurrente vis-à-vis d’autres espèces végétales pour les éléments nutritifs et son émission de substances toxiques pour le chardon.

Destruction mécanique avant un semis de printemps et à l’interculture

La luzerne fait office de plante miracle mais tous les agriculteurs ne peuvent cultiver cette légumineuse, faute d’un débouché suffisant dans certains secteurs. Cette remarque vaut d’autant plus avec la forte augmentation des conversions en agriculture biologique ces dernières années se traduisant parfois par une saturation du marché en luzerne bio. Il reste possible de contrôler le chardon des champs avec une "stratégie de harcèlement", selon les termes d’Alain Lecat, conseiller à la chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais. « Il s’agit d’adopter une stratégie de lutte avec l’utilisation d’outils de destruction mécanique au bon moment : au printemps ou/et à l’automne. Sur les cultures de printemps tardives comme l’on peut en connaître dans notre région (maïs grain semé en mai, betteraves rouges début juin…), on peut intervenir dès la mi-mars quand le chardon commence à émettre des pousses. Le mieux est d’agir sur des plants au stade 6-8 feuilles, précise Alain Lecat. Avec idéalement un outil de reprise du sol comportant des socs horizontaux en pattes d’oie, on scalpera les chardons. Pour une seconde intervention, il faudra attendre quatre à huit semaines sur des pousses qui seront à nouveau à quelques feuilles. »

Dans ces deux interventions au printemps, le conseiller recommande « un travail en façon culturale inversée, à savoir du plus profond au plus superficiel ». Il s’agit de ne surtout pas fractionner ou couper les rhizomes du chardon sous peine de multiplier l’adventice. Exemple : après un labour d’hiver, intervenir à 10-12 centimètres puis attendre quelques semaines avant de reprendre à 5-7 centimètres. « Cela peut nous amener au 10 mai, à la date où les maïs grain sont semés en mode biologique. Dans ces maïs comme dans toute plante sarclée, le binage permettra de tronçonner encore les pousses de chardons qui auront émergé », ajoute Alain Lecat.

Viser le « point de compensation » du chardon

Comme toute plante vivace, le chardon des champs stocke des réserves nutritives dans ses parties racinaires, ce qui lui permet de vivre plusieurs années. Ce niveau de réserves varie au cours de l’année avec un point dit de compensation : c’est le moment où la plante a utilisé une bonne part de ses réserves pour émettre des pousses aériennes et où la photosynthèse de ces tiges commence à les reconstituer. Ce point de compensation est le moment clé où l’espèce sera la plus vulnérable si les pousses sont détruites. Pour le chardon des champs, il correspond au stade 6-8 feuilles.

« La connaissance du point de compensation est importante car elle permet d’optimiser l’efficacité des déchaumages réalisés pour la gestion des adventices vivaces, reprend Alain Lecat. Outre au printemps, ces techniques seront mises à profit à l’interculture, dans un travail progressif avec une profondeur d’intervention de plus en plus importante. On peut commencer par un déchaumage à 5-8 centimètres. On laisse trois à quatre semaines aux repousses pour atteindre le stade 6-8 feuilles et on réintervient à ce point de compensation de l’adventice. Il peut y avoir trois ou quatre déchaumages à l’interculture." « On épuise ainsi les réserves du rhizome pendant une année complète et on finit par faire régresser ce chardon », observe Alain Lecat. Via les intercultures et en incluant des plantes sarclées dans la rotation, c’est une lutte permanente en maintenant la pression sur ces vivaces.

(1) www.agriculture-durable.org

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Des fiches sur les vivaces

Avec le soutien de divers organismes agricoles et agences de l’eau, Agro-Transfert ressources et territoires met à disposition sur son site internet divers documents et outils relatifs à l’agriculture biologique en Hauts-de-France. Des fiches ont été réalisées sur les adventices vivaces parmi lesquelles le chardon des champs. Elles détaillent les éléments de biologie de chacune des espèces et les moyens les plus efficaces de lutte sans recourir aux herbicides de synthèse.

agro-transfert-rt.org

« La luzerne est indispensable pour maîtriser le chardon »

« Je n’imagine pas régler le problème du chardon sans la luzerne. Nous en cultivons une vingtaine d’hectares dont la moitié est utilisée pour notre élevage et l’autre moitié est vendue sur pied. Avec un semis dans l’orge de printemps, la luzerne est cultivée sur une durée de deux ans et demi. Après une luzerne, le chardon disparaît quasi complètement mais il reparaît progressivement au bout de quelques années. Faute de débouché, la luzerne ne couvre pas suffisamment de surface et revient tous les huit ans sur une partie de nos terres où il n’y a pas les prairies temporaires. Il faudrait 25 % de surface en luzerne pour un retour tous les quatre ou cinq ans. Sur nos terres à silex, nous cultivons par ailleurs des prairies temporaires restant trois à quatre ans et qui sont une bonne solution également contre les adventices grâce aux fauches successives. Nous avons des situations où le chardon est bien présent et, dans ce cas, j’ai recours à un équipement de travail du sol avec des lames (pattes d’oies) travaillant le sol horizontalement. J’interviens ainsi trois à quatre fois à l’interculture entre le 15 août et le 15 octobre, sur des pousses de chardons, avec deux à trois semaines entre chaque intervention. Ces opérations limitent la prolifération. Mais dans l’idée d’être autonome en azote, des intercultures sont mises à profit pour y cultiver des légumineuses, comme par exemple du trèfle blanc semé en avril dans une céréale. On ne peut donc pas déchaumer mais on réserve ces pratiques aux parcelles les moins sales. »

Gaec Ortégat avec deux frères et une soeur.210 hectares en bio (grand épeautre, petit épeautre d’hiver et de printemps, blé tendre, orge de printemps, triticale, maïs grain, blé amidonnier, féverole de printemps, luzerne, associations de grand épeautre + lentillon et de lentille verte + caméline, prairies temporaire et permanente), élevage de vaches allaitantes.

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