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Passer au bio en jouant la complémentarité entre élevage et céréales

Dans l’ex-région Lorraine, la grande majorité des fermes bio sont en polyculture élevage, avec une bonne part consacrée aux grandes cultures. Cette association de productions assure un recours minimum aux intrants extérieurs. Exemple à l’EARL de Cytise à Mandres-aux-Quatre-Tours en Meurthe-et-Moselle.

L’agriculture biologique, Tristan Choné est tombé dedans quand il était petit. « Avec des parents agriculteurs bio depuis 1993, je n’ai quasiment connu que cela comme mode de production dans mon entourage », évoque le jeune agriculteur né en 1990. Hors du contexte familial, Tristan Choné s’est associé à Marc Lavaux sur l’EARL de Cytise, exploitation qui s’est lancée dans la production biologique en 2010. Avec son élevage bovin et ses 90 hectares de cultures arables dont 25 de prairies temporaires, l’exploitation de polyculture élevage est représentative de la Lorraine en agriculture biologique. « Les exploitations bio spécialisées en grandes cultures sont rares dans notre région. Elles y représentent 15 % des fermes bio selon une enquête de nos services, précise Arnaud Bourot, conseiller agronomie, environnement et agriculture biologique à la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle. Nous encourageons la polyculture élevage avec une part de prairie temporaire gardée en place sur trois ans. Cela contribue à maintenir un système équilibré en matière de fertilité du sol et de gestion des adventices. »

Les cultures de l’exploitation de Tristan Choné se composent essentiellement de céréales à paille et de légumineuses. « Une fois semées, nous n’intervenons plus sur ces cultures. Nous attendons la moisson, résume Tristan Choné, qui reconnaît passer parfois la herse étrille pour éliminer des mauvaises herbes. Pour leur contrôle comme pour l’apport d’azote, la rotation est la base de tout avec les trois ans de prairie, les alternances entre cultures d’hiver et de printemps, les légumineuses, les couverts végétaux d’interculture… Et avec l’élevage bovin, nous produisons 300 tonnes de compost que nous épandons à raison de 2 tonnes/hectare sur les parcelles. La complémentarité de l’élevage et des céréales apporte une certaine sérénité dans la conduite des productions. »

Contrats de production et livraison à une coopérative bio

Les céréales trouvent des débouchés dans la meunerie avec des contrats de production. « Le blé tendre est ce qui paie le mieux », remarque Tristan Choné. Le prix, 420 euros la tonne, ferait rêver plus d’un producteur conventionnel. « Les cultures produites en bio sont rémunératrices mais il faut bien garder à l’esprit les rendements moins élevés qu’en conventionnel et, surtout, les deux ou trois ans de prairie dans la rotation qui ne rapportent quasiment rien mais qui restent indispensables », avertit Arnaud Bourot. Tristan Choné évalue à 40 % la part de ses revenus provenant des cultures.

Plutôt que de produire ou de vendre en direct ses productions végétales, l’EARL a choisi de livrer à la coopérative biologique de la région, Probiolor. « C’est la seule coopérative 100 % bio qui collecte et met en marché dans le Grand Est », précise Tristan Choné, qui en est un des administrateurs. Avec 7000 tonnes de collecte par an, la coopérative fait figure de petit poucet vis-à-vis des grandes coopératives régionales conventionnelles dont les collectes excèdent le million de tonnes.

« Jusqu’à il y a quelques années, les productions de céréales étaient valorisées en alimentation animale avec une usine d’aliments du bétail produisant 8000 tonnes pour la filière monogastrique bio. Mais les agriculteurs adhérents de Probiolor sont redirigés vers les débouchés de l’alimentation humaine pour aller chercher de la valorisation, précise l’agriculteur. Depuis deux ans, nous avons constitué une union de commercialisation dénommée Fermes Bio qui regroupe les quatre coopératives françaises 100 % bio : Biocer, Cocebi, Corab et Probiolor. » En tonnage, ces coopératives représentent 15 % des céréales bio produites en France, selon le producteur.

Stockage sur l’exploitation et fermes relais pour les livraisons

Les conditions de contrats de productions sur les cultures sont définies bien à l’avance. « Nous ne semons que ce qui est d’ores et déjà vendu par la coopérative en prenant en compte une croissance moyenne de 10 % chaque année et en retenant un rendement moyen pour déterminer les surfaces de production. Celles-ci sont réparties entre les quatre coopératives", explique Tristan Choné. Que se passe-t-il en cas de problème de production ? « En 2016, la production a été nettement moindre qu’espérée. Pour autant, les contrats ont été maintenus. À mon sens, c’est au paysan d’assumer les aléas climatiques. Le travail avec la météo, c’est notre métier. Par contre, en ce qui concerne les cours des céréales, ce n’est pas aux paysans de les subir mais à la coopérative de faire le travail nécessaire pour établir un prix stable. Au moment des semis, je sais à 10 % près à quel prix mon blé sera vendu. »

L’EARL de Cytise dispose de sept cellules de stockage de 35 m3 et de l’équipement pour le nettoyage et le tri. Les fermes bio adhérentes de Probiolor ont été encouragées à investir dans ces équipements. « Cela fait des coûts en moins pour la coopérative (qui n’avait pas de silo jusqu’à récemment) et cela permet d’être plus autonomes sur les productions de ses propres semences », considère Tristan Chonet. La majorité du volume des productions végétales part de l’agriculteur chez le client, qui a confiance dans la traçabilité et la qualité sanitaire et marchande du produit. Les exigences des cahiers des charges nécessitent un travail très précis sur les grains que tous les adhérents de Probiolor ne sont pas en mesure de produire. Pour y pallier, des fermes relais ont été mises en place, avec l’envie, les compétences et tout le matériel ad hoc pour le travail du grain. Elles sont rémunérées par la coopérative pour ce service. Autonome sur les céréales, Tristan Choné fait intervenir une ferme relais par exemple pour l’élimination des cailloux de sa récolte de lentilles.

Le Grand Est comme toutes les régions de France a connu une embellie en matière de conversion bio ces dernières années. Changement d’échelle oblige, la coopérative Probiolor a choisi récemment d’investir dans un silo de stockage de 900 tonnes. Le développement du bio est en marche, même si les aides financières ont du mal à suivre.

EN CHIFFRES

EARL de Cytise

2 associés Marc Lavaux et Tristan Choné

140 ha en bio depuis 2013

15 ha de blé tendre, 8 d’épeautre, 8 d’avoine, 7,5 de méteil (triticale - pois), 6 de lentille, 7 de seigle, 7 de tournesol, 2 de féverole + pois, 1 de féverole de printemps

25 ha de prairie temporaire sur trois ans revenant tous les 8 ans

55 ha de prairie permanente pour 45 vaches Limousine (élevage allaitant)

Matériel en Cuma en majorité

Rotation blé tendre - épeautre - interculture (trèfle semé sous couvert) - avoine de printemps - interculture (idem) - lentille + caméline (ou féverole) - blé tendre - seigle - triticale + pois (ou tournesol) - tournesol - prairie pendant 3 ans (semée dans tournesol)

Compter le nettoyage et le tri du grain dans le temps de travail

Si les interventions en cours de cultures occupent peu le temps de Tristan Choné et de Marc Lavaux, la moisson et le travail du grain qui s’ensuit sont très chronophages. Stocker à la ferme et livrer en direct au client nécessite un travail du grain précautionneux. « Ce n’est que la continuité du métier d’agriculteur, considère Tristan Choné. On a ainsi conscience de la difficulté de produire un grain de qualité. Pour moi, la moisson ne se limite pas à rouler les bennes. »

Jusqu’à six passages pour nettoyer et trier

L’exploitation dispose de matériel spécifique pour le nettoyage et le tri du grain. La récolte est suivie d’un nettoyage des grains pour le rendre stockable : enlever le vert et les gros déchets et toutes les impuretés d’une façon générale. Le grain est trié plus tard pour le rendre vendable. À titre d’exemple, la récolte du mélange de triticale et de pois nécessite six passages pour le nettoyage et ce tri. Un travail fastidieux dont un agriculteur se lançant dans le bio doit avoir conscience.

Des aides qui se réduisent fortement

Marc Lavaux et Tristan Choné ont démarré la conversion de leur exploitation en bio en 2010. Une aide à la conversion de 200 euros/hectare sur les terres labourables (cultures + prairies temporaires) et de 100 euros/hectare sur les prairies permanentes leur a été versée chaque année entre 2010 et 2014. Le niveau de ces aides a évolué depuis. Quant à l’aide au maintien, elle s’élève à 160 euros/hectare pour les terres labourables et à 90 euros/hectare pour les prairies permanentes pour l’EARL de Cytise de 2015 à 2019(1). Pour des raisons administratives, l’ensemble des agriculteurs bio de l’Hexagone n’ont pas vu la couleur des aides qui leur sont dues depuis 2015. « Nous avons bénéficié d’une avance de trésorerie mais le non versement de ces aides au maintien sur 2015 et 2016 génère un manque à gagner de 20 000 euros pour ce qui nous concerne », souligne Tristan Choné.

(1) Les agriculteurs touchent également des aides sur les cultures de légumineuses (150/ha), non spécifiques aux productions biologiques.

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