FONGICIDES
Objectif qualité dans la lutte antifusariose
Entre des Fusarium toxinogènes et des Microdochium pesant sur les rendements, comment établir un programme fongicide sur les blés ? La priorité va à la lutte contre les mycotoxines.
Derrière la fusariose du blé, il existe plusieurs espèces de champignon du genre Fusarium et Microdochium. Fusarium graminearum, le principal Fusarium du blé, produit des mycotoxines. Ce n’est pas le cas des Microdochium (nivale et majus) mais ceux-ci peuvent réduire les rendements de plusieurs quintaux à l’hectare. Chaque catégorie de fusariose réagit différemment aux fongicides, ce qui rend complexe l’élaboration de programmes de traitements. Pour Joël Lorgeoux, responsable technique et agronomie de la Scael (Eure-et-Loir), l’objectif prioritaire est la lutte contre le déoxynivalénol (DON), donc les Fusarium. « Chez chaque agriculteur, nous définissons un niveau de protection fongicide qui doit garantir un taux de DON inférieur à la norme de 1750 ppb chez le blé dur.
Un diagnostic de risque est établi à la parcelle grâce à des outils d’aide à la décisions inclus dans les services Phytnès et Farmstar. Si le risque s’avère élevé, une double application de fongicides encadrant la floraison du blé dur sera conseillée, ce qui est assez fréquent. » La Scael base ses conseils sur deux produits principalement : Prosaro (prothioconazole + tébuconazole) et Cercobin (thiophanateméthyl).
PROSARO ET CERCOBIN
« Prosaro pourra être utilisé en deux applications à cinq-huit jours d’intervalle encadrant la floraison du blé, à des doses de 0,6 à 0,8 litre/hectare. Il peut être remplacé par Cercobin en seconde application, associé à un triazole s’il y a un risque de rouille sur la culture. » En cas de risque modéré de fusariose, une intervention au stade « ouverture des glumes, sortie des premières étamines » suffira avec Prosaro à pleine dose. Pour les applications sur épis, Joël Lorgeoux insiste sur la qualité de pulvérisation. « Si les conditions climatiques ne sont pas à l’optimum lors de l’intervention, nous insistons auprès des agriculteurs pour qu’ils ajoutent un adjuvant de type Sticman à la bouillie.
Quelle place accorder au Microdochium dans les stratégies fongicides ? « Représenté par Microdochium majus et M. nivale, ce parasite est beaucoup moins fréquent que les Fusarium, remarque Claude Maumené, responsable du pôle maladies des céréales chez Arvalis. Il n’est présent de façon importante que certaines années : en 1997, en 2007 et en 2012. » La maladie a été bien remarquée l’an passé, à cause du climat humide et frais courant juin, propice à son développement. Microdochium n’est pas toxinogène.
En revanche, ses attaques sur épis peuvent se traduire par des pertes conséquentes de rendement, de l’ordre d’une dizaine de quintaux à l’hectare, selon Jean-Yves Maufras, Arvalis. « Le pathogène a également un impact sur la qualité technologique du grain, avec des baisses significatives du PS notamment », ajoute-t-il.
LIEN ENTRE MALADIE ET MOUCHETURE
Et pour ajouter au tableau des dégâts, Microdochium ne serait pas étranger à la présence de moucheture sur les grains de blé dur. « La moucheture est un problème récurrent dans certaines régions de production de blé dur. Et ce facteur peut amener de grosses difficultés de commercialisation, notamment pour le débouché semoule au Maghreb, signale Michel Bonnefoy, ingénieur régional Arvalis pour la zone Centre.
Il y a plusieurs facteurs qui induisent cette moucheture : l’humidité pendant l’épiaison et une partie du remplissage du grain, la sensibilité de certaines variétés, d’éventuelles attaques de thrips et… Microdochium quand il est favorisé par les conditions climatiques du moment. » Il ajoute : « un lien entre la maladie et la moucheture a été suspecté quand des produits à base de prothioconazole, très efficaces sur les Microdochium, généraient également une baisse de la moucheture, confie Michel Bonnefoy.
On peut le dire, il y a une corrélation entre les infestations Microdochium et les taux de moucheture même. Celle-ci peut avoir d’autres sources, mais quand on enlève du Microdochium, on retire une cause importante de moucheture », insiste l’ingénieur d’Arvalis.
EFFICACITÉ DU PROTHIOCONAZOLE
Contre Microdochium, les produits à base de prothioconazole (Joao, Fandango S, Prosaro, Kestrel…) apportent les meilleurs résultats. Ils présentent en plus l’atout d’agir sur les Fusarium. Arvalis note aussi un effet du prochloraze sur Microdochium et met en avant le mélange Épopée + prochloraze dans ses essais contre l’ensemble des fusarioses.Actuellement, le prothioconazole est commercialisé notamment via des associations avec le tébuconazole, un triazole qui a été longtemps la référence pour lutter contre les Fusarium.
Prosaro et plus récemment Kestrel offrent cette composition avec des équilibres différents des deux molécules. Arvalis constate d’excellentes efficacités de Kestrel par rapport à Prosaro, parfois supérieures dans certains essais. Pour Antoine Bernet, Bayer CropScience, « 0,9 litre/hectare de Kestrel équivaut sur le plan technique à 1 litre/hectare de Prosaro ». L’un ou l’autre des produits offre les meilleures garanties d’efficacité, de rendement, de taux de DON et de moucheture.