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Les semenciers jouent la carte de la durabilité

Lors du dernier congrès de la Fédération internationale des semenciers, ces derniers ont mis en avant leur contribution au développement durable tout en plaidant pour une harmonisation réglementaire sur les méthodes d’obtention ou la circulation des semences.

La valeur du secteur des semences a été multipliée par sept en vingt-cinq ans dans le monde.
© Markobe/Fotolia

Homogénéiser les règles entre les différents pays pour que le secteur des semences joue pleinement son rôle dans le développement durable : tel était le credo de la Fédération internationale des semenciers (FIS/IFS) à l’occasion de son dernier congrès, qui a réuni les entreprises semencières de 63 pays à Nice en juin dernier sous la présidence d’Eduardo Fito. « Nous devons travailler avec le système alimentaire global, et faire reconnaître le lien entre semences et agriculture durable », ont souligné les intervenants. La filière s’est déjà engagée sur les objectifs de Développement durable (ODD) des Nations Unies. En clair, l’industrie semencière contribue à 17 objectifs tels que la Faim Zéro ; pas de pauvreté ; santé et bien-être ; travail décent ; production responsable…. À l’appui, elle souligne divers résultats apportés par le progrès génétique : meilleure résistance aux maladies et ravageurs, création de variétés adaptées à la culture biologique ou encore diversification des espèces végétales.

L’IFS insiste sur l’importance de conserver les ressources génétiques. Celles-ci permettent de sélectionner de nouveaux types de légumineuses pour le débouché des protéines végétales, d’enrichir la liste des cultures intermédiaires ou associées, ou encore de retrouver des espèces orphelines utiles pour couper le cycle des parasites et fixer l’azote de l’air. S’agissant des espèces majeures, le maintien de la diversité génétique reste bien-sûr essentiel pour générer de nouvelles variétés.

Un marché dynamique en valeur

Pour atteindre ses objectif, la profession peut compter sur un contexte porteur, car le business des semences se porte plutôt bien : depuis dix ans, la valeur du secteur ne cesse de progresser, et elle a été multipliée par sept en vingt-cinq ans. Il est vrai que les semenciers consacrent en moyenne 15 % de leur chiffre d’affaires à la recherche, bien plus que la plupart des autres industries. Les grandes cultures représentent le premier marché, à commencer par les semences de blé, de maïs, de riz et de soja. Sur la planète, les exportations de semences ont pesé 4,4 millions de tonnes en 2016 pour une valeur dépassant 11,4 milliards de dollars. L’élan n’est pas près de fléchir. Après une pause passagère, la croissance a repris de plus belle depuis 2017 et les semenciers s’intéressent aujourd’hui aux marchés émergents, tel que le continent africain.

Des obstacles réglementaires différents selon les pays

Toutefois, les industriels des semences pointent du doigt des obstacles qui entravent la marche en avant au niveau international, à commencer la réglementation des méthodes de sélection, les barrières posées à la circulation des semences, et les contrefaçons. En effet, les réglementations sur les techniques d’obtention ou les OGM diffèrent selon les pays, avec des effets négatifs sur l’innovation et sur sa diffusion. L’IFS œuvre donc pour une plus grande cohérence. Elle souhaite aussi harmoniser les systèmes de protection intellectuelle, en incitant les pays qui ne l’ont pas fait à adhérer à la convention Upov (Union internationale pour la protection des obtentions végétales). « Sans la propriété intellectuelle, nous ne pouvons pas faire notre business », note Michael Keller, secrétaire général de l’IFS.

Parmi les dossiers d’actualité de l’IFS figure celui des traitements de semences (TS), dont la réglementation diffère d’un pays à l’autre… un véritable casse-tête ! Car il règne une confusion sur le transport, le stockage, l’emploi des TS d’une frontière à l’autre. Chaque pays ayant ses propres exigences, les TS et leur emballage restent spécifiques à chacun, entraînant des retards dans les exportations. « Cette situation entrave la libre circulation des semences. Elle a un impact négatif sur la capacité des sociétés à fournir un approvisionnement fiable en semences traitées », souligne Eduardo Fito. C’est pourquoi l’ISF a posé en 2018 les jalons d’un système réglementaire qui faciliterait la circulation des semences traitées.

Lutter contre les contrefaçons

Quel que soit le continent, la vente de semences illégales enfonce une autre épine dans le pied des semenciers. « Pour les agriculteurs le risque est énorme de semer des graines qui ne germeront pas », commente Franck Berger, président de l’Union française des semenciers… Ces pratiques illégales recouvrent différentes formes : contrefaçons d’emballages ou d’étiquettes, variétés reproduites sans autorisation, normes de qualité non respectées, vol de matériel. Les semences illégales ne sont pas absentes en Europe où des offres circulent sur les réseaux sociaux. « Dans tous les continents, on peut voir arriver des semences illégales. Ces filières sont organisées par des acteurs qui ne font pas partie de notre secteur », relève Michaël Keller.

Sur certains continents, les contrefaçons pèsent lourd. En Asie, elles représentent 20 % du marché d’après les acteurs locaux. Localement, plus de 40 % des semences commercialisées pour une espèce pourraient être illégales ! Le rôle de l’ISF est de renforcer les systèmes juridiques pour éviter ces dérapages. « Nous devons rester vigilants sur ce dossier des semences illégales et veiller à ce que l’innovation perdure dans notre secteur, conclut Michaël Keller, car ralentir l’innovation, c’est mettre l’humain en péril. »

Le maintien de la diversité génétique demeure essentiel pour générer de nouvelles variétés
En chiffres

L'IFS dans le monde

7500 sociétés adhérentes ;

95 % du commerce des semences ; 

Une fois par an les adhérents se retrouvent pour échanger leurs objectifs et travailler en réseau ;

En 2018, le congrès a eu lieu en Australie ;

Le 3 juin 2019, la France a accueilli à Nice le 70e congrès, présidé par Eduardo Fito.

Trois questions à

Franck Berger, président de l’Union française des semenciers (UFS)

« Une communication plus offensive et plus pédagogique »

Quelles sont vos priorités ?

" Notre premier défi : donner au grand public un éclairage sur nos métiers. Il faut faire comprendre au plus grand nombre notre rôle, avec une communication plus offensive et plus pédagogique. De façon plus large, nous soutenons l’action des pouvoirs publics français pour l’agroécologie et nous réaffirmons que nous sommes capables d’apporter des solutions avec les semences. »

Pourquoi le cadre juridique est-il aussi important pour le secteur des semences ?

" Il est indispensable que nos entreprises bénéficient d’un cadre juridique, qui protège les obtentions. C’est ce qui leur permet d’innover en permanence. Des réglementations claires, fondées sur la science et l’analyse des risques sont essentielles pour notre secteur."

Quels sont les freins à l’innovation ?

" Le grand paradoxe actuel est posé par le débat sur les nouvelles technologies d’édition du génome des plantes. Tel qu’il est conduit dans le sens actuel, il risque de ralentir le progrès."

Trois entreprises françaises dans le top 20 mondial

Bien que le paysage français soit principalement constitué de PME, les semenciers tricolores tiennent leur rang, dans un contexte mondial en pleine concentration.

Même si elles n’occupent pas le premier rang, plusieurs entreprises françaises sont bien présentes sur l’échiquier international. Le groupe Limagrain, Florimond Desprez et RAGT Semences figurent en effet au top 20 mondial. Le secteur semencier français se classe même comme le premier exportateur international devant les États-Unis, la Chine et les Pays-Bas. En Europe, l’Hexagone est le premier producteur avec un peu plus d’1 million de tonnes produites par an. Le secteur repose sur une grande diversité de petites, moyennes et grosses sociétés, au total plus de 130 en France.

Principalement des petites et moyennes entreprises

La plupart sont des PME avec un chiffre d’affaires semences réalisé en France inférieur à 50 millions d’euros, et quatre seulement ont un chiffre d’affaires avoisinant ou dépassant 100 millions d’euros. Le secteur fait travailler plus de 18 600 agriculteurs-multiplicateurs, qui produisent sur contrat plus de 6000 variétés différentes.

Représentant du ministère de l’Agriculture, Alain Tridon a pointé, lors du congrès de l’IFS, les quatre enjeux majeurs pour les semences françaises. D’abord, conserver les ressources génétiques. « Le nombre de sociétés en France est à la fois une force et une fragilité », souligne-t-il. Ensuite, favoriser l’innovation durable. « Pour ceci, la recherche et le développement sont indispensables. De notre point de vue, il n’est par exemple pas acceptable que des essais variétaux expérimentaux soient détruits. » Troisième enjeu : un système de rétribution adapté pour les semenciers. « Les évolutions doivent respecter le droit des obtenteurs. Et il n’est pas souhaitable que des gènes natifs (c’est-à-dire de plantes sauvages) soient brevetés », ajoute Alain Tridon, soulignant que les pouvoirs publics souhaitent renforcer la dimension environnementale de la sélection en France.

Concentration sur l'échiquier mondial

Le paysage mondial est quant à lui en pleine concentration, les grands acteurs poursuivant leur restructuration sous l’effet des fusions-acquisitions. Les reprises successives et les cessions imposées par les autorités de la concurrence ont chahuté le classement depuis deux ans. En 2018, Corteva Agriscience, ex-filiale agriculture de Dow-DuPont et détentrice de la marque Pioneer, a pris la tête du marché. Son chiffre d’affaires s’élève à 8,1 milliards d’euros en semences. Bayer et Syngenta suivant loin derrière avec des chiffres d’affaires semences autour de 3 milliards d’euros. Bayer a repris les activités de l’américain Monsanto et de sa marque Dekalb, mais cédé en 2017 une partie de son activité semences à BASF. Syngenta appartient désormais au groupe chinois ChemChina. L’entreprise française Vilmorin & Cie (groupe Limagrain) suit en quatrième position (1,6 milliard d’euros), devant les allemands BASF (1,4 milliard euros) et KWS (1,06 milliard d’euros).

La Chine aux avant-postes

À relever : deux groupes chinois, ChemChina et Long Ping, figurent désormais parmi les dix premiers intervenants mondiaux, à la suite de différents rachats de sociétés. « Il est bien difficile de savoir à quoi ressemblera ce tableau demain. Ce qui est certain, c’est que l’on ne s’improvise pas semencier du jour au lendemain », souligne Michael Keller, secrétaire général de l’IFS.

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