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Les ravageurs de printemps à l’affût de colzas affaiblis

Le printemps arrive et, avec lui, son cortège de ravageurs sur colza. La lutte efficace passe par une bonne connaissance et un suivi de ces insectes.

Avec un automne qui a encore été sec et un hiver pluvieux, les colzas ne sont pas au mieux. Plusieurs insectes peuvent causer des dégâts à la reprise de végétation, en plus des ravageurs connus à l’automne. « Si l’on doit faire une hiérarchie entre les différents ravageurs de printemps, le charançon de la tige du colza est sans doute le plus dangereux en termes de nuisibilité, souligne Céline Robert, chargé d’études ravageurs des cultures et auxiliaires chez Terres Inovia. Dans des essais menés en 2019, nous avons noté des pertes de rendement de 5 q/ha à cause de ce charançon. » L’insecte apparaît en fin d’hiver et pond ses œufs dans les tiges qui éclatent.
Mais le charançon de la tige du colza a un cousin très ressemblant, le charançon de la tige du chou, fréquent également en culture. « Ces deux espèces de charançons arrivent potentiellement en même temps. Celui du chou pond ses œufs dans les pétioles et les larves ont peu d’impact sur la production du colza. Avec nos références actuelles, on ne note pas de nuisibilité de cette espèce mais nous allons procéder à une nouvelle évaluation de ce charançon prochainement », informe Céline Robert.

« Traiter dès que la présence du charançon de la tige du colza est détectée » 

Comment faire la part des choses entre ces deux coléoptères ? Il est possible de les discriminer quand ils sont piégés dans les cuvettes jaunes. « Mais la capture de ces charançons n’est pas représentative des populations aux champs. Il n’y a donc pas de seuil de traitement lié à ces piégeages, signale la spécialiste de Terres Inovia. Le conseil est de traiter dès que la présence du charançon de la tige du colza est détectée. »

D’où l’importance de faire le distinguo entre les deux espèces. Le traitement insecticide est donc réalisé à l’arrivée des coléoptères, avant le début de leurs pontes. Cette arrivée peut être précoce selon les conditions de l’année et la région. Dans le Sud, elle peut avoir lieu dès la fin du mois de janvier. Certaines années, la reprise de végétation du colza est plus tardive et l’on peut se permettre d’attendre avant d’intervenir. Ce charançon ne pond que dans les tiges en croissance.

Des méligèthes de plus en plus présents et résistants

« Avec les méligèthes, on assiste à une augmentation des problèmes et des populations selon les retours de conseillers et d’agriculteurs, remarque Céline Robert, sans trop pouvoir expliquer cette évolution. Ces insectes peuvent avoir un impact important, notamment sur des colzas chétifs à la sortie de l’hiver. » Un seuil de traitement est défini en fonction du nombre de méligèthes par plante, à partir du stade D1, boutons accolés. Effectivement, si le colza s’avère peu développé et que les conditions sont défavorables aux compensations, il suffit d’un méligèthe par plante pour devoir déclencher un traitement. Sur un colza sain et vigoureux, il n’est pas nécessaire d’intervenir à ce stade D1. Au stade E (boutons séparés), le seuil de traitement augmente en nombre de ravageurs par plante : 2 à 3 pour des colzas chétifs, 6 à 9 sur des plantes bien développées (un peu moins dans le Sud). Pour estimer le nombre de ces coléoptères par plante, Terres Inovia conseille de prendre à l’intérieur de la parcelle cinq séries de cinq inflorescences (soit 25 plantes en tout), de les secouer au-dessus d’un sac et d’en énumérer le total de méligèthes à diviser par 25.

Si la détection de résistance aux pyréthrinoïdes n’a été détectée que sur quelques populations de charançons de la tige sans incidence sur l’efficacité des produits, il en est tout autre des méligèthes. Ces insectes ont développé une résistance aux pyréthrinoïdes un peu partout en France. Dans cette famille d’insecticides, les produits à base de tau-fluvalinate ou d’étofenprox restent efficaces grâce à un mode d’action particulier. Les spécialités à base d’indoxacarbe sont tout aussi indiquées. Une autre stratégie de lutte consiste à mélanger sa variété de colza avec de 5 à 10 % d’une variété à floraison plus précoce qui concentrera sur ses fleurs les attaques de méligèthes et préservera le reste du colza au stade bouton. La technique fonctionne bien dans les situations de population faible à moyenne d’insectes.

La cécidomyie tire profit des attaques du charançon des siliques

Méligèthes et charançons de la tige sont les deux ravageurs majeurs de printemps. Plus tardivement en culture, le charançon des siliques produit des larves consommant les graines. Mais c’est un second couteau qui profite de la situation pour causer plus de dégâts encore, la cécidomyie des siliques. Elle se sert des trous de pontes du charançon pour pondre à son tour. Au final, ses larves causent la destruction de la silique entière. Aucun produit n’est homologué contre cette micro-mouche. La stratégie de lutte vise donc les charançons des siliques avant qu’ils ne pondent. Cet insecte arrive par vagues et la surveillance doit se faire de la formation des premières siliques (stade G2) au stade G4 (premières siliques bosselées).

Le seuil de traitement est d’un charançon pour deux plantes et un traitement de bordure suffit généralement en cas d’infestation. Il en est de même contre un autre ravageur, le puceron cendré, présent surtout dans le Sud et l’Ouest de la France. Le seuil de traitement est de deux colonies visibles par mètre carré au printemps. Les ravageurs de printemps ont moins d’impact que ceux d’automne. Contre l’ensemble de ces insectes, des pratiques agronomiques et des aménagements favorisant les auxiliaires doivent permettre de limiter les infestations.

Petits insectes pour gros dégâts potentiels

Deux charançons de la tige

Il y a deux charançons de la tige qui se retrouvent communément sur colza : l’un peu dangereux, le charançon de la tige du chou et l’autre nuisible, celui de la tige de colza. La difficulté est de bien les différencier pour intervenir à bon escient. Le charançon de la tige du chou montre l’extrémité des pattes rousses et une tache blanche entre le thorax et l’abdomen. Celui du colza est uniformément gris cendré avec le bout des pattes noires.

 

Méligèthes en mode pullulation

Petits coléoptères noirs luisants, les méligèthes des crucifères ont une incidence quand ils attaquent en masse les boutons floraux du colza. Ils les détruisent et provoquent alors l’avortement des fleurs. Les attaques sont les plus préjudiciables quand elles sont précoces et sur des plantes stressées. Mais plus le colza avance dans sa floraison, moins il se montre vulnérable à l’impact de ces coléoptères.

Association de malfaiteurs

Dans la collection des charançons s’attaquant au colza, celui des siliques n’est pas très dangereux par lui-même. Ses larves peuvent détruire quelques graines par siliques. Mais la cécidomyie des siliques profite des piqûres de ponte des charançons comme portes d’entrées pour le dépôt d’œufs de ce moucheron. Les larves consomment alors l’intégralité du contenu des siliques.

Avis d’agriculteur - Sébastien Chatelet, 410 hectares en Gaec à Charbuy (Yonne)

« Six variétés en mélange pour des infestations contenues à la floraison »

« Ces deux dernières campagnes, nous avons connu d’importants problèmes de semis de colza à cause d’une sécheresse récurrente de la mi-juin à la mi-novembre. Des 60 hectares semés en 2019, il n’en reste que 25 qui ont levé et qui seront exploitables. Dans tous les cas, nous utilisons très peu d’insecticides sur colza, comme en 2018 où la production a été correcte avec un rendement de 32 q/ha en moyenne et sur laquelle aucun insecticide de printemps n’a été appliqué. Nous adoptons la stratégie du mélange variétal sur nos céréales et colza avec, pour ce dernier, six variétés (LG Annapolis, Campus, Melodie, RGT Guzzi, LG Absolut et Coogan) présentant des précocités de floraisons différentes. Cette stratégie vise à perturber les attaques d’insectes à la floraison et à en limiter l’impact sur la production de graines. Sur une floraison plus étalée du colza, la pullulation de méligèthes est contenue. Par ailleurs, nous utilisons les cuvettes jaunes et les BSV (1) pour suivre les évolutions d’insectes. Mais sur colza, ce sont les ravageurs d’automne qui sont les plus préjudiciables. Nous mettons en œuvre tout ce qui peut favoriser la croissance dynamique du colza. Tant que le colza est poussant, il n’y a pas de problème. En ce sens, nous épandons de la fiente de volaille avant semis pour apporter de la vigueur au démarrage du colza. Ensuite, il peut être nécessaire d’intervenir avec des insecticides à l’automne. Mais sur la campagne 2017-2018, un tiers de nos colzas n’en avait pas reçus. »

(1) Bulletin de santé du végétal.
Gaec des Étangs, à trois associés. 150 hectares de blé tendre, 50 d’orge de printemps, 60 (passé à 25) de colza, 20 de pois de printemps, 10 de vesce, 20 de sarrasin, 40 de chanvre, 46 de tournesol, 20 de maïs

Avis d’expert - Jérôme Clair, responsable du déploiement Xarvio chez BASF en France et Benelux

« Un outil simulant les dates de vols et de pontes »

« Nous proposons un outil digital de suivi des ravageurs de printemps du colza avec Xarvio Field manager. À partir de données parcellaires, météorologiques et de stade de culture, Xarvio Field Manager simule les dates de vols et de pontes pour les charançons de la tige du chou et du colza, pour les méligèthes, pour le charançon des siliques et pour la cécidomyie. Il donne une prévision à J + 4 de l’état de développement de ces ravageurs et indique les dates d’interventions insecticides à prévoir. L’outil se base sur des modèles experts (ProPlant) qui ont déjà été utilisés et éprouvés par Terres Inovia pendant dix ans. Sa commercialisation démarre cette année avec une proposition au travers d’un pack intégrant les ravageurs de printemps du colza et les maladies des blés et de l’orge d’hiver. L’agriculteur souscrira 450 euros par an sur son exploitation pour avoir accès à ces services, directement sur internet ou via son distributeur. Par ailleurs, nous proposons un autre service, Xarvio Scouting, une application mobile capable d’identifier et de compter les ravageurs de colza piégés dans les cuvettes jaunes via une photo avec son smartphone : méligèthes, grosse altise, charançon de la tige et charançon des siliques. L’appli comporte d’autres algorithmes pour l’identification d’adventices, de maladies, pour estimer la levée des cultures ou le taux d’azote absorbé… »

Les auxiliaires toujours à l’étude

L’impact des insectes auxiliaires est indéniable sur les ravageurs du colza. La question demeure de savoir comment en favoriser le développement et en prédire à l’avance les effets sur les ravageurs. Les études se poursuivent avec le nouveau RMT (1) Bioreg « Biodiversité pour la régulation naturelle des bioagresseurs ». Il succède au RMT « biodiversité et agriculture » achevé en 2018 et qui englobait les pollinisateurs. Le RMT Bioreg se concentre sur la régulation naturelle pour, à terme, concevoir des modèles de prédiction des niveaux de régulation et en déterminer les aspects favorables pour orienter l’aménagement de territoires. Sur ce dernier point, le projet R2D2 roule toujours. Sur 1 200 hectares d’un territoire du plateau de Bourgogne, ce projet porté par Terres Inovia avec de multiples partenaires doit se concrétiser par la mise en place de systèmes de cultures multiperformants en mettant l’accent sur le contrôle des attaques d’insectes tout en réduisant les insecticides. Des aménagements paysagers viseront à améliorer le processus de régulation naturelle. Un groupe d’une dizaine d’agriculteurs doit participer à cette démarche.

(1) Réseau mixte technologique.

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