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Laure Vidal, conseiller agronome au sein de la coopérative des agriculteurs de la Mayenne
Les micro-organismes s’invitent dans les engrais starter

Bactéries et champignons entrent de plus en plus dans la composition d’engrais starter. Le but : l’augmentation des volumes racinaires, une meilleure disponibilité du phosphore, une croissance des plants boostée… Le marché de ce type d’engrais est en pleine croissance.

Associer le biologique à la chimie de synthèse, voilà la nouvelle idée des engrais starter. Apportés au semis, ils permettent de stimuler la croissance de la plante durant les premières étapes de son développement, souvent décisives. Depuis quelques années, de nouvelles formules voient le jour, associant un engrais starter à des micro-organismes, certaines bactéries et/ou champignons. Objectifs : doper le volume racinaire, mieux valoriser les ressources du sol, stimuler durablement la croissance des plantes, réduire les apports d’intrants, déplafonner les rendements… Sur le papier, les promesses de ces engrais starter ont de quoi séduire.

« Leur mode de fonctionnement est original, remarque Baptiste Soenen, ingénieur spécialisée dans la fertilisation chez Arvalis. Chaque année, depuis quelques campagnes, nous testons certains de ces produits dont quelques-uns qui ont passé avec succès le stade de l’homologation… et les autres, beaucoup d’autres. Difficile en effet de s’y retrouver tant le nombre de spécialités affichant cette action de 'starter' est important. » Au Sival (Salon des productions végétales), il y a deux ans, pas moins de 80 entreprises vendaient des bactéries pour des utilisations agricoles. Parmi elles, beaucoup de start-up pour qui conduire et financer un dossier d’homologation est souvent compliqué. « Dans les prochaines années, seulement une poignée de sociétés sera en mesure de proposer des solutions alternatives fiables permettant de répondre à la demande croissante du marché », pronostique Rodolphe Caquineau, directeur commercial chez Lallemand Plant Care.

En particulier pour les spécialités non homologuées, les atouts mis en avant sont difficiles à vérifier. Arvalis attend d’avoir davantage de références sur le sujet pour publier. « L’idée est de comprendre pourquoi, d’une campagne à l’autre, le gain de ces produits n’est pas régulier, poursuit Baptiste Soenen. Effets du climat, du positionnement, du type de sol… Nous souhaitons mieux comprendre avant de diffuser des résultats d’essais et des préconisations. »

Du phosphore assimilable que sous un seul type d’ions

Les micro-organismes peuvent aider à améliorer la disponibilité du phosphore du sol, notamment. Claude Plassard, de l’Inra de Montpellier, apporte un éclairage scientifique à travers un article sur le sujet rédigé avec des chercheurs du Cirad et de l’IRD dans la revue Innovations Agronomiques (n°43, 2015)(1). Au contraire d’autres éléments nutritifs, seule une infime partie du phosphore du sol est disponible pour les plantes du fait de sa très faible mobilité d’une part et car seuls les ions orthophosphates (H2PO4- et HPO42-) peuvent être absorbés. Pour améliorer cette biodisponibilité du phosphore, il y a deux stratégies qui peuvent se combiner : augmenter le volume d’exploration par le système racinaire et transformer la plus forte proportion possible du phosphore présent au voisinage des racines en ions assimilables. Les plantes ne sont pas égales sur cette faculté à aller chercher le phosphore, les systèmes racinaires fasciculés (ceux des graminées notamment) étant souvent plus efficaces que des racines pivotantes moins ramifiées. Extensions des cellules épidermiques, les poils racinaires augmentent l’efficacité d’acquisition du phosphore. L’importance de ces poils varie selon les espèces cultivées et même les variétés.

Les pouvoirs insoupçonnés des micro-organismes

L’entrée en scène des micro-organismes du sol peut être autrement efficace. Des bactéries dites promotrices de la croissance des plantes (PGPR)(2) sont largement représentées dans la rhizosphère, à savoir à proximité des racines qui exsudent des substances à leur intention. Ces bactéries PGPR colonisent alors les racines et en augmentent leur croissance pour aboutir à une meilleure prospection du sol. Ces organismes peuvent agir aussi sur le phosphore pour le rendre disponible avec l’action de certaines enzymes par exemple. Enfin, les mycorhizes (association entre un champignon du sol et les racines d’une plante) sont répandues dans le monde végétal. Les champignons émettent des filaments (hyphes) émanant de la racine contribuant à augmenter fortement le volume de la rhizosphère pour capturer les ressources nutritionnelles inaccessibles aux racines non mycorhizées. Ceci est d’importance pour la captation du phosphore. Alors que la longueur des poils racinaires est d’environ 1 millimètre (mm), les hyphes des champignons endomycorhiziens peuvent s’étendre jusqu’à plusieurs centimètres de la surface de la racine et peuvent représenter jusqu’à 1 mètre de filament fongique par mm de longueur de racines. Malheureusement, les symbioses entre champignons et plantes n’existent pas chez toutes les cultures. Colza et betteraves y sont intolérants.

Économiser sur le poste intrants

En novembre dernier, Compo Expert a fait son entrée sur le marché des additifs d’engrais. « Notre inoculum E4CDX2, à base de Bacillus amyloliquefaciens, est la première préparation microbienne à avoir été autorisée, en mai 2016, comme additif agronomique pour matières fertilisantes, explique Walid Saadé, directeur de Compo Expert. Nous la commercialisons dès ce printemps en association avec le meilleur de la fertilisation conventionnelle de précision de notre gamme, à savoir nos engrais retard Novatec Duo et Easy Start BS. C’est le concept de la fertilisation associée. »

Ces produits seront à appliquer au semis du maïs, du tournesol ou de l’orge de printemps. « La fertilisation de démarrage, c’est l’assurance d’un bon enracinement, d’une couverture rapide et homogène du sol, de la mise en place réussie d’un système piège à nitrates… le tout dans un contexte environnemental où les agriculteurs sont amenés à réduire leurs doses d’intrants », précise Walid Saadé. Quant aux résultats d’essais, Compo Expert avance des chiffres : sur orge de printemps, un gain de rendement de 8 à 13 % par rapport au témoin ; en tournesol, + 6 à 12 % ; en maïs grain, + 8 %. Pour d’autres opérateurs du marché, ces spécialités permettent de déplafonner les rendements. « Moi, je n’y crois pas trop, confie Baptiste Soenen. Mais économiser des intrants, oui. »

En agissant sur le système racinaire de la plante, ces micro-organismes lui permettent d’explorer une plus grande surface de sol et d’assimiler des éléments nutritifs qui jusque-là n’étaient pas accessibles. La souche IT45 de la bactérie Bacillus amyloliquefaciens, présente dans les formulations de Microcell et Locacell, permettrait, selon Lallemand Plant Care, de développer 20 % de biomasse racinaire en plus et de solubiliser 28 % de phosphore en plus. La matière organique du sol est également mieux exploitée et l’apport d’engrais minéraux peut être réduit.

Travailler de façon différente

« Au printemps, nous conseillons également notre spécialité Rhizocell sur pommes de terre, explique Rodolphe Caquineau. En présence de l’IT45, les plantes développent plus de tubercules avec un effet probiotique intéressant sur la qualité de la récolte. » Le produit pourrait permettre de réduire les doses d’utilisation de certains traitements fongicides sur les plants ou à la plantation.

Même si le marché est porteur, compte tenu de la conjoncture de cette campagne compliquée, les agriculteurs vont chercher à réduire leurs dépenses en intrants. « Voilà pourquoi chez Lallemand, la stratégie est claire : le prix de ces spécialités doit être à un niveau se rapprochant le plus possible des stratégies conventionnelles tout en apportant des bénéfices pour les producteurs, insiste Rodolphe Caquineau. Nous nous appuierons, cette année encore, sur la distribution pour faire connaître les atouts de nos spécialités. »

(1) Article « Améliorer la biodisponibilité de phosphore : comment valoriser les compétences des plantes et les mécanismes biologiques du sol ? ».(2) Plant growth promoting rhizobacteria.
Walid Saadé, Compo Expert
"Avec notre additif à base de Bacillus amyloliquefaciens ajouté à un de nos engrais starter, c'est l'assurance d'un bon enracinement, d'une couverture rapide et homogène du sol, de la mise en place réussie d'un système piège à nitrates..."

Entre la plante, les bactéries et les champignons, c’est donnant-donnant 

Les engrais starter classiques (à gauche) enrichissent en azote (N) et phosphore (P) une zone très réduite autour de la graine. La plante accélère son développement, durant quelques semaines seulement. L’engrais starter enrichi de micro-organismes permet de prolonger cet effet. Dans cet exemple (engrais starter Triple 0 de Lallemand), la bactérie IT45 se nourrit des exsudats racinaires et « travaille » pour la plante en solubilisant le phosphore bloqué dans le sol et en favorisant les échanges racinaires. La plante développe ses racines. Le champignon Glomus entre alors en action. Il émet un tube, appelé if, pour pénétrer et s’abriter dans la racine de la plante. Nourri par les sucres de la plante, le champignon colonise le sol (par ses hyphes) pour elle et lui apporte nutriments et eau.

Source : Lallemand Plant Care.

Deux millions d’hectares couverts dans cinq ans

Pour tous les opérateurs du marché, pas de doute. Même si ce marché n’est pas encore mature, il est porteur et ne demande qu’à grossir. « Notre objectif est d’atteindre rapidement les 200 000 hectares couverts avec nos spécialités, dans un marché qui devrait peser, d’ici trois à cinq ans, 2 millions d’hectares, précise Walid Saadé, directeur de Compo Expert. Aujourd’hui, les produits de 'starterisation' couvrent près de 1,2 million d’hectares à l’échelle nationale. Nous occupons près du 10 % des surfaces. » Avec le Bacillus amyloliquefaciens IT45, la marque Lallemand Plant Care revendique 40 000 hectares de maïs, 20 000 hectares de colza, 10 000 hectares de pomme de terre, 10 000 hectares de vigne et autant en arboriculture.

Réduire les apports d’engrais et valoriser la matière organique du sol

« Depuis trois ans, à côté des engrais starter classiques, nous proposons Locacell Néo à nos adhérents, un produit de chez Lallemand Plant Care, associant la bactérie IT45 et des fractions de levure. Nos essais ont montré son efficacité, notamment sur maïs. Dans notre zone, les agriculteurs sont avant tout polyculteurs-éleveurs. Ils implantent du maïs ensilage pour nourrir leur troupeau. Ce qu’ils recherchent entre autres : une bonne installation de la culture et une production maximale de matière sèche. De nombreuses exploitations sont implantées dans des zones vulnérables, là où la réglementation est stricte en matière de fertilisation azotée. L’utilisation de Locacell Néo permet de réduire les apports d’azote et de phosphore, en augmentant la biodisponibilité des éléments présents dans le sol. La matière organique présente est ainsi valorisée. Cet atout est également apprécié dans le cas de retournement de prairies : les apports d’azote sont dès lors interdits. Le volume de sol exploré par les racines est augmenté et au final, le gain de rendement est réel. Les bactéries présentes dans cette formulation sont vivantes. Pour que leur action soit maximale, les conditions d’utilisation doivent, elles aussi, être optimales. Les pH trop acides sont à éviter. En revanche, les sols riches en matière organique et bien réchauffés avant le semis (température supérieure à 12-15°C) permettront aux bactéries de proliférer. Locacell Néo s’utilise en agriculture conventionnelle mais également en agriculture biologique. Dans ce cas, ce produit permet de compenser le non-apport d’engrais minéral. Les utilisateurs mettent en avant sa facilité et sa praticité d’utilisation : 100 kg/ha en localisé. Les résultats d’essais montrent un bénéfice qui peut varier d’une année à l’autre, en fonction des conditions climatiques au moment du semis notamment. Dans l’un de nos essais en 2016, chez un agriculteur bio, le gain était de + 17 % de matière sèche à l’hectare. »

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