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RÉGLEMENTATION EUROPEENNE
Les biocarburants dans un brouillard durable

Bruxelles impose la prise en compte de critères de durabilité pour les biocarburants à partir du 1er janvier 2011, mais les dispositifs français ne seront pas opérationnels avant le printemps.

Une situation relativement inédite d’incertitude.» C’est avec un sens consommé de la litote que Vincent Magdelaine, directeur de Coop de France Métiers du grain, décrit le brouillard dans lequel sont plongées les filières biocarburants. Petit rappel des faits. En 2009, l’Union européenne se dotait d’une directive sur la durabilité des énergies renouvelables. Côté pile, la directive fixe des objectifs de développement contraignants, propices à l’essor des biocarburants. Côté face, elle impose des critères de durabilité à respecter pour que les produits soient comptabilisés au titre de ces objectifs, et puissent continuer à bénéficier des aides fiscales. D’une part, les filières doivent parvenir à un certain niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) depuis la production de la matière première jusqu’à la consommation des biocarburants. D’autre part, le développement des carburants verts ne doit pas avoir lieu au détriment des terres à haute valeur en biodiversité ni de celles présentant un important stockage de carbone.

TRANSPOSITION RETARDÉE

Le hic, c’est que la directive est entrée en vigueur le 1er janvier 2011, mais qu’aucun dispositif n’est encore opérationnel en France pour l’appliquer. Le schéma volontaire élaboré par les filières bioéthanol et biodiesel (voir encadré) est ainsi toujours en attente d’une validation de la Commission européenne, qui ne surviendrait qu’en avril. Quant à la transposition de la directive, elle ne sera pas effective avant la fin du premier trimestre 2011, malgré une date butoir fixée par Bruxelles au 5 décembre 2010. Ce flou artistique est une calamité pour les opérateurs de l’est de la France. « En Lorraine, nous n’avons pas d’autres possibilités que d’exporter nos graines de colza vers l’Allemagne, or nous ne pouvons pas exécuter les ventes déjà réalisées faute de pouvoir garantir les critères de durabilité », se désolait à la mi-décembre Hubert Grallet, président de la Coopérative agricole de Lorraine. L’Allemagne fait en effet partie des rares États qui ont transposé la directive, et exige donc des graines certifiées durables.

Ce gigantesque raté s’explique notamment par le retard pris à Bruxelles dans le calendrier de validation des schémas volontaires. La Commission a également tardé à apporter des réponses aux demandes de précisions émanant de la France pour mener à bien la transposition de la directive. Les allers et retours, pas toujours à grande vitesse, entre les ministères, n’ont rien arrangé. Problème: la traduction en droit français est non seulement indispensable pour fournir un cadre national légal,mais aussi pour fournir des éléments pratiques attendus par la filière. Elle comprendra en effet la cartographie des zones exclues pour les cultures destinées aux biocarburants, et de celles où es exploitants devront s’engager sur le respect de bonnes pratiques (voir encadré).

RESPECT DES SEUILS

Ces textes réglementaires nationaux, qui seront publiés sous la forme d’ordonnances puis de décrets et d’arrêtés, indiqueront également les régions où les émissions de gaz à effet de serre au stade de la production agricole sont inférieures au seuil fixé par la directive. Dans les autres régions, il faudra prouver que les économies d’émission de GES en aval de la filière permettent de compenser ce dépassement lors de l’étape agricole. Faute de pouvoir prouver sa durabilité au cours des premiers mois de 2011, la filière biocarburant se verra-telle sucrer ses aides ? « Il n’y aura pas de discontinuité dans le plan biocarburants en France », assure-t-on au ministère de l’Écologie. En clair : tant que la transposition n’est pas achevée, les textes actuels continuent de s’appliquer, défiscalisation comprise. Et même s’il n’est officiellement prévu aucune « période transitoire » par les autorités européennes, 2011 sera de facto une année de transition.Difficile d’imaginer Bruxelles faire les gros yeux pour un retard de transposition dont elle est en partie responsable. En revanche, « 2011 ne sera pas une année blanche, car il faudra que le dispositif soit respecté à partir des semis de cette année », avertit le ministère de l’Écologie.

NOMBREUSES INCONNUES

Encore faudra-t-il auparavant lever plusieurs inconnues, à commencer par le statut des prairies temporaires.Dans un premier temps, la Commission européenne les avait mises dans le même sac que les prairies permanentes, excluant ainsi de la certification toutes les parcelles en prairie retournées après janvier 2008 au nom de la biodiversité. Sous la pression des États membres, Bruxelles a décidé de se pencher à nouveau sur la question. Les organismes stockeurs attendent également de savoir à quel niveau se fera la péréquation entre les parties durables et non durables de la collecte : silo, centre d’expédition...? Le dossier est ouvert… durablement.

EN PRATIQUE

Obligations déclaratives pour les agriculteurs

Pour les exploitants, les critères de durabilité se concrétiseront par une déclaration écrite adressée à leur OS, à travers laquelle ils s’engagent à livrer des récoltes issues de parcelles compatibles avec les exigences européennes. La mise en culture des tourbières, des forêts, des zones humides ou à haute valeur environnementale sont par exemple exclues. Certaines zones seront soumises à conditions, notamment celles concernées par des mesures de protection de l’environnement, comme Natura 2000 ou les parcs naturels. Dans ce cas, l’agriculteur devra certifier respecter les chartes qui s’y appliquent.

 

MISE EN OEUVRE

Pour respecter les critères de durabilité imposés par la directive, les opérateurs économiques disposent de deux options.

Ils peuvent s’inscrire dans le schéma national de l’État où ils exercent, correspondant à la transposition en droit national du texte communautaire.

Ils peuvent égalementmontrer « patte verte » dans le cadre d’un schéma volontaire, élaboré par les acteurs de terrain et reconnu par Bruxelles. Cette voie a été privilégiée en France pour les biocarburants. Tous les membres des filières biodiesel et bioéthanol se sont regroupés pour bâtir un dispositif volontaire appelé BBSvs. L’avantage du schéma volontaire est qu’une fois validé par Bruxelles, celui-ci est automatiquement reconnu dans tous les États membres, contrairement aux schémas nationaux, nécessitant des reconnaissances réciproques entre pays. Ainsi, du colza, de l’huile de tournesol ou du bioéthanol produit en France et certifié par le BBSvs pourra être vendu pour la filière biocarburant dans n’importe quel pays de l’Union européenne.

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