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POLLINISATION
Les abeilles boudent le colza et le tournesol

Les abeilles se révèlent indispensables pour une bonne fécondation du colza et du tournesol. Pourtant l’attractivité de ces deux cultures vis-à-vis des abeilles ne cesse de se dégrader.

Pour les apiculteurs, les cultures de colza et de tournesol représentent un support d’activité non négligeable.On considère que 35 % de la production de miel en France provient des cultures oléagineuses. « Les cultures nectarifères représentent une opportunité incontournable pour la production de miel. La miellée de colza est bien souvent le premier rendezvous de la saison. Le tournesol est dans certaines zones la miellée la plus importante de l’année », souligne Philippe Dauzet, président de l’institut technique de l’abeille et de la pollinisation.

Et pour les agriculteurs, l’apiculture est-elle indispensable à la production de graines oléagineuses? « Les abeilles contribuent à la production de graines de colza à hauteur de 95 % en production de semences et 30 % en production destinée à la consommation », estimait Nicolas Cerutti, du Cetiom, lors du colloque sur la pollinisation et les oléagineux organisé par l’association des multiplicateurs de semences oléagineuses (Anamso) et l’Itsap, en novembre dernier. « Grâce à des travaux menés en Suède sur des colzas lignées, on a évalué le gain de rendement en huile lié à la pollinisation par les abeilles à + 30 % », ajoute Bernard Vaissière, chargé de recherche au laboratoire de pollinisation et écologie des abeilles à l’Inra d’Avignon.

Mais les apiculteurs font le constat d’un déclin des populations d’abeilles, domestiques et sauvages. Les travaux de l’Itsap mettent en évidence un taux moyen de pertes hivernales de colonies d’abeilles de 20 à 30 % chaque année en France depuis 2007 chez les apiculteurs professionnels (plus de 200 ruches), ce taux pouvant atteindre 60 % dans certains ruchers. Par ailleurs, ils observent une baisse inquiétante de l’attractivité des variétés de colza et de tournesol, et leur pauvre potentiel en nectar et en pollen. Lors d’une enquête auprès de 34 apiculteurs professionnels assurant un service de pollinisation sur des parcelles de colza ou de tournesol semences, un tiers d’entre eux dit avoir constaté un affaiblissement des colonies après la période de pollinisation, notamment sur tournesol.

ÉCART ENTRE LES VARIÉTÉS

Les interventions chimiques sur les oléagineux et les parcelles voisines y sont pour quelque chose.Mais ce n’est pas la seule explication. Les abeilles sont affectées par la faible attractivité des plantes, variable selon les variétés. Le Cetiom a montré, sur une parcelle d’essai d’une cinquantaine de variétés de tournesol, que la fréquentation journalière des abeilles domestiques peut aller du simple au quadruple (de 130 à 730 visites) selon les variétés. « Pour autant, on ne peut pas en tirer un classement définitif, met en garde Joël Meunier, sélectionneur chez Maïsadour. La diversité des effets climatiques, des conditions régionales et des stades physiologiques des hybrides expérimentaux fait qu’il est impossible d’évaluer la part de la seule génétique. » Pour Bernard Vaissière, l’évolution des variétés a été considérable ces quinze dernières années de sorte que les modalités de leur pollinisation ont été profondément modifiées. « Pour le colza, nous sommes passés de variétés traditionnelles autofertiles à la fin des années 80, à des composites hybrides-lignées qui nécessitaient l’intervention des pollinisateurs dans les années 90, puis des hybrides vrais aujourd’hui. Mais leur niveau de dépendance à la pollinisation entomophile reste très mal cerné pour la plupart des variétés. »

L’ATTRACTIVITÉ N’EST PAS UN CRITÈRE DE SÉLECTION

L’attractivité vis-à-vis des abeilles pourrait- elle devenir un critère d’amélioration variétale ? « Non, répond Joël Meunier, créer une variété plus mellifère reviendrait à améliorer sa richesse en sucres, donc détourner le métabolisme qui est programmé pour produire de l’huile, ce qui correspondrait à une contre-sélection. De plus, en attirant davantage les abeilles, on risquerait fort d’attirer un plus grand nombre d’insectes prédateurs de ces cultures. Ce projet de sélection serait trop risqué, voire dangereux. » Alors que faire ? Déjà agir sur les pratiques agricoles. « Il est indispensable d’améliorer le dialogue entre agriculteurs et apiculteurs afin de limiter les accidents en cours de miellée, insiste Nicolas Cerutti du Cetiom. Parfois les apiculteurs installent des ruches dans une zone sans en référer aux agriculteurs alentours, ce qui est regrettable. Pendant cette période, il est primordial de traiter la nuit, y compris sur les parcelles proches des oléagineux. Avec l’Anamso et l’Itsap, nous organisons des rencontres ‘bout de champs’ afin qu’apiculteurs et agriculteurs échangent sur leur métier respectif et sur les pratiques respectueuses des pollinisateurs. » L’arrivée du Cruiser OSR sur colza n’est pas pour apaiser le climat tendu qui existe.

Lors du colloque, Bernard Vaissière a fait la synthèse des plus récentes publications scientifiques au niveau international portant sur les néonicotinoïdes (1) « nombre d’entre elles mettent en évidence un effet sur l’immunité des abeilles », a-t-il souligné. « Ce produit nouvellement autorisé génère de l’angoisse chez les apiculteurs, reconnaît Thomas Mollet, apiculteur professionnel dans les Landes. Pour autant, à l’Itsap, nous considérons que la thèse unique des insecticides systémiques n’explique pas le phénomène mondial de perte de cheptel. »

Nicole Ouvrard

(1) La famille chimique d’insecticides comprenant Gaucho et Cruiser.

Professionnaliser le service de pollinisation dirigée des semences oléagineuses

En production de semences de colza et de tournesol, les établissements semenciers imposent depuis quelques années dans leurs cahiers des charges la présence de ruches pour assurer la pollinisation. À charge à l’agriculteur de faire appel à des apiculteurs qui viendront installer des ruches. « La pollinisation dirigée est un atelier à part entière sur une exploitation apicole. Elle nécessite une préparation des colonies, en particulier quand la pollinisation intervient tôt en saison, et une gestion spécifique de cellesci. C’est un véritable service rendu à l’agriculture puisque, la plupart du temps, les colonies mises en pollinisation ne produisent pas de miel », explique Philippe Dauzet, apiculteur professionnel et président de l’Itsap. Ce service est rémunéré de 20 à 60 euros la ruche. Des écarts importants de prix sont constatés sur le terrain du fait de la présence d’apiculteurs amateurs qui n’ont pas d’objectif économique. Un enquête réalisée auprès de 34 apiculteurs pollinisateurs montrent que seuls un tiers d’entre eux contractualisent leur prestation, dont la majorité en contrat oral. Les apiculteurs sont demandeurs de davantage d’anticipation et souhaiteraient plus de dialogue sur l’installation des ruches dans les parcelles. L’Anamso et l’Itsap travaillent à la mise en place d’une charte de bonnes pratiques apicoles et agricoles, l’objectif étant de renforcer la contractualisation des chantiers de pollinisation. Ils ont aussi pour projet de créer une plateforme commune de réservation des ruches sur internet. p

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