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En chiffres
Le semis direct pour se redonner des marges de manœuvre

Exploitant dans le Châtillonais, Frédéric Déloge a retrouvé une seconde jeunesse en introduisant sur sa ferme le semis direct : cette pratique lui a permis de repenser son itinéraire technique et de réduire ses charges.

J’ai commencé le semis direct en même temps que le bas volume,  pour les semis 2011… c’était comme si j’étais redevenu un jeune agriculteur, je retrouvais la foi dans le métier ! » Âgé de 53 ans, Frédéric Déloge exploite 300 hectares avec son épouse, Christine, entre Balot et Fontaines-en-Duesmois, en Côte-d’Or. Dans ces terres du Châtillonnais très hétérogènes, l’agriculteur a des rendements moyens en blé voisins de 70 quintaux/hectare. Les possibilités de diversification sont faibles, et la rotation colza, blé, orge constitue la base historique de l’assolement. Lorsqu’il découvre l’intérêt du semis direct dans le cadre d’une formation organisée par son GDA, Frédéric Déloge est séduit. Reste à installer la technique sur la ferme. Déjà en semis simplifié depuis 2006, l’agriculteur fait un premier essai en semis direct en 2010, sans faire d’investissement matériel. « Nous avons utilisé notre Pronto de 6 mètres, précise l’exploitant. Mais nos couverts, un mélange de féveroles et pois fourragers positionné entre deux blés, ont très bien marché : ils atteignaient 1,20 mètre de haut et ont produit 4 tonnes de matière sèche à l’hectare. On est passé au rouleau avant de semer avec le Pronto à basse vitesse et pression maximum… Mais ce n’était pas évident ! » Pour aller plus loin, l’agriculteur doit changer de semoir : garder le sien, âgé de 10 ans, générerait trop de frais. Fort de l'expérience de ses voisins qui ont déjà franchi le pas, Frédéric Déloge opte pour un semoir à dents, afin d’écarter les pailles et d’améliorer le contact sol-graine. « Autre avantage, les dents travaillent le sol sur une bande de 5 à 7 cm, ce qui crée de la terre et permet de refermer le sillon », souligne l’exploitant. L’agriculteur se décide en 2011 pour un semoir Vaderstadt SeedHawk de 8 mètres, un investissement de 90 000 euros. Pour semer plus facilement dans les couverts, il l’équipe d’une rangée de disques, qu’il conçoit avec sa femme et sa fille, étudiante, à partir de matériel Vadertsadt.

Le semis à grand écartement un peu plus risqué en terres à cailloux

L’une des particularités du SeedHawk : il sème avec un écartement de 25 cm entre rangs. « Les dents donne un petit effet 'tôle ondulée', remarque l’agriculteur. Pour éviter de défoncer le sol, il faut semer avec un écartement supérieur à 12,5 cm. 25 cm, c’est bien. On pourrait même, je pense, aller jusqu’à 30 cm.» Pour l’instant, l’exploitant n’a pas modifié ses densités de semis, et conserve un objectif de 300 grains/m² en semences de ferme pour un semis de blé tendre au 1er octobre. « J’avais dans un premier temps peur des pertes », explique-t-il. L’augmentation de l’écartement ne pose en tout cas aucun souci en colza, pas plus que dans les bonnes terres en blé. Dans les terres à cailloux, l’agriculteur émet toutefois un petit bémol sur le blé : « Ce sont des terres avec une faible réserve utile, et quand un coup de sec dure plus de trois semaines en mai-juin, comme en 2015, la culture élimine des talles, elle rationalise ses besoins, en quelque sorte. Le risque consiste surtout en une relevée de mauvaises herbes estivales, type renouée ou chénopode. J’interprète le ressalisement de la parcelle comme une rupture de l’extinction lumineuse, assurée normalement par la culture en place. Si l’écartement entre les rangs était plus faible, le risque serait peut-être moins grand. » Mais cet inconvénient a peu de poids au regard des avantages du semis direct. L’agriculteur s’estime nettement gagnant… Particulièrement dans les terres à cailloux, justement. « En favorisant le développement de la vie du sol, en améliorant la ventilation, notre système nous permet, presque paradoxalement, d’homogénéiser la terre dans des parcelles très hétérogènes et peu fertiles, souligne l’agriculteur. Et au final, nous subissons un peu moins les conséquences d’un coup de sec. » C’est dans les sols plus profonds, limons argileux ou argiles limoneuses, que le bénéfice est finalement un peu moins net. « On observe une tendance au compactage, précise Frédéric Déloge. Plus c’est blanc, plus c’est compliqué. L’équilibre entre la macrofaune et la flore met plus de temps à se mettre en place. »

312 euros à l'hectare de charges opérationnelles en 2016

Sur le plan de la protection des cultures, l’agriculteur est désormais plus serein. « Nous n’avons plus de problèmes de brome sur nos parcelles, observe-t-il. Avec nos successions de faux-semis (voir encadré), on l’entretenait. Et nous semons le blé tendre au 25 septembre plutôt que début octobre. » Quant au colza, Frédéric Déloge va se passer pour la troisième année d’insecticides et d’antidicotylédones. Il ne garde que le Kerb Flo contre les graminées. « Notre idée est de couvrir le sol au maximum avec la culture pour limiter l’installation des adventices, détaille l’agriculteur. Donc nous semons plus tôt, vers le 15 août, et plus épais, à raison de 80 à 100 grains par m², soit environ 6 kilos de semences de ferme à l’hectare. J’implante en même temps de la féverole pour obtenir 8 à 10 plantes par m², afin de limiter les attaques d’altises.»
De l’ordre de 590 euros/hectare avant la mise en place du semis direct, les charges opérationnelles moyenne sur la ferme sont tombées à 312 euros/hectare en 2016. Le recours au bas volume n’y est pas pour rien. « Je travaille avec 35 à 60 litres par hectare, ce qui me permet de réduire nettement les doses de produits dans certains cas, explique-t-il. Je n’apporte par exemple qu’un litre/hectare de Roundup sur mes couverts, puisque le produit agit mieux lorsqu’il est concentré. » Idem pour un herbicide comme Atlantis : Frédéric Déloge descend à 80 grammes/hectare sur ses céréales à paille contre une dose homologuée de 300 grammes/hectare.
Le chemin vers le semis direct n’est pas simple pour autant. Si l’agriculteur parvient dans un certain nombre de cas à juguler les attaques de limaces, il n’a pas encore trouvé de solutions contre la prolifération des souris et des campagnols. « Cela fait deux ans que nous n’avons pas semé de couverts pour pouvoir passer le déchaumeur et détruire les terriers », décrit-il. S'il garde espoir, l’agriculteur est aujourd’hui un peu démuni. Plus généralement, il aimerait avoir accès à un meilleur accompagnement technique, notamment de la part des instituts. Comme il le dit, "on a parfois l'impression de faire de l'agriculture expérimentale, avec tous les risques que cela comporte".

Une rotation peu modifiée

L’agriculteur n’a pas vraiment changer sa rotation. Il a toutefois réintroduit du pois avant colza, « quand c’est possible », et il n’exclut pas de mettre en place des cultures de printemps en cas de besoin. « Cette année, j’ai ressemé de l’orge de printemps dans une parcelle de colza détruite par des limaces », décrit-il par exemple. En ce qui concerne les couverts d’interculture, Frédéric Déloge privilégie un mélange de féveroles (100 kg/ha) et de pois fourragers (50 kg/ha) dans les intercultures courtes. Il y ajoute de la phacélie (5 kg/ha), du tournesol (2 à 3 kg/ha), des lentilles (10 à 15 kg/ha), voire du trèfle d’Alexandrie, avant cultures de printemps.

Des terres qui étaient « prêtes »

Les Déloge ont abandonné le labour depuis longtemps. « Du temps de mon beau-père, qui a travaillé sur la ferme jusqu’en 2000, nous passions cinq à six fois avant le semis avec un déchaumeur qui travaillait le sol sur 10 cm, indique Frédéric Déloge. À partir de 2005, nous avons limité les passages à un faux-semis à 3 cm de profondeur juste après la moisson, suivi d'un passage à 8-10 cm quinze jours après. Nous faisions ensuite un à deux passages d’entretien avec un outil de reprise.» Cette arrivée en douceur au semis direct est pour l'agriculteur essentielle : « mes terres étaient prêtes », résume-t-il. Il ne dispose plus aujourd'hui que d’un déchaumeur, au cas où.

300 ha dans le Châtillonais

86 ha de blé tendre, 68 à 70 q/ha de rendement moyen (42 q/ha en 2016)

83 ha de colza

65 ha d’orge d’hiver 

40 ha de pois

22 ha d’orge de printemps

4 ha de SIE (surface d’intérêt écologique)

312 euros/ha de charges opérationnelles (moyenne sur la ferme en 2016)

90 000 euros, coût à l’achat du semoir SeedHawk

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