Aller au contenu principal

Le Brésil, l’autre pays du maïs

Cette année, le Brésil a profité de la sécheresse qui a sévi aux États-Unis pour ravir le titre de premier exportateur de maïs. Un coup d’éclat révélateur d’un changement en profondeur de la production de maïs brésilienne.

Le casse du siècle. Pour la première fois depuis plus de cinquante ans, la campagne qui s’achève en septembre verra les États-Unis dépossédés de leur titre de premier exportateur mondial de maïs. L’auteur de ce hold-up ? Le Brésil. Sur la campagne commerciale s’étalant d’octobre 2012 à septembre 2013, le pays en aura vendu plus de 26 millions de tonnes (Mt) hors de ses frontières, doublant la mise par rapport à son précédent record établi l’année précédente, selon les chiffres du département américain à l’agriculture (USDA). Aux États-Unis, la tendance est strictement inverse. Grillé par la sécheresse historique qui a frappé la Corn belt l’été dernier, le disponible exportable sera inférieur à 20 Mt sur la même période, contre 40 à 60 Mt habituellement. Les exportations US enregistreront ainsi leur plus mauvais score depuis… 1971 !


Production record


Ce bouleversement hiérarchique est certes conjoncturel, puisqu’avant tout provoqué par le KO climatique des États-Unis. L’Oncle Sam regagnera certainement la première marche du podium dès la prochaine campagne.
Toutefois, la capacité du Brésil à s’approprier les parts de marché laissées vacantes par son voisin du nord est révélatrice d’un phénomène plus structurel : celui de la montée en puissance de sa production de maïs. Cantonnée sous la barre des 40 Mt au début des années 2000, elle flirte désormais avec les 75 Mt. Cette progression rapide est la conséquence de l’accroissement de la « seconde récolte », particulièrement dans l’État du Mato Grosso. L’export bénéficie très directement de cette évolution, car la seconde récolte, la safrinha, est essentiellement destinée à ce débouché, alors que la première récolte, la safra, est orientée quasi exclusivement vers la filière domestique d’élevage.

Mal des transports


Pour réitérer son exploit face à des États-Unis plus vaillants, le Brésil devra vaincre son mal des transports. Les questions logistiques risquent en effet de créer un plafond artificiel. « Le problème, c’est que les nouvelles zones de production s’éloignent des ports et entrent dans les terres », expliquait Kona Haque, de la société d’analyse Macquarie Capital, lors de la conférence annuelle du Conseil international des céréales à Londres en juin dernier. La situation est d’autant plus délicate que les volumes nouvellement disponibles proviennent du centre-ouest du pays, alors que 80 % du maïs continue d’être chargé dans les ports de Santos et de Paranaguá, situés au sud-est. Les 2 000 kilomètres qui séparent le Mato Grosso de ces sites portuaires sont parcourus par la route pour plus de la moitié des tonnages, le train ne se chargeant que d’un tiers des volumes. Une fois ce périple achevé sur des axes routiers pas toujours très carrossables, les chauffeurs ne sont pas au bout de leurs peines : cet hiver, la congestion des infrastructures portuaires était telle qu’il fallait attendre jusqu’à deux mois avant de pouvoir décharger. Non seulement les norias de camions génèrent un engorgement spectaculaire, mais il faut en plus partager les équipements avec le soja, toujours prioritaire, et compter avec les interruptions de chargement au moment de la saison des pluies… Nombre de facteurs contribuent donc à transformer les ports en goulet d’étranglement. La récolte record de soja qui s’est achevée au début de l’été monopolisait déjà en juin les capacités portuaires.

Goulet d’étranglement


La logistique a fatalement des répercussions sur les coûts de revient du maïs. « Comparativement aux États-Unis, où plus de 60 % du transport du maïs se fait par péniche, le coût du fret est très élevé au Brésil, souligne Kona Haque. Le prix du transport de la ferme au port s’élève ainsi à 140 dollars la tonne au départ du Mato Grosso, contre 30 dollars/tonne au départ du Midwest. » Pour Thomé Guth, analyste à l’agence gouvernementale brésilienne pour l’alimentation (Conab), « cela fait perdre beaucoup d’argent aux producteurs. La solution serait de construire des chemins de fer et d’inciter les agriculteurs à développer le stockage à la ferme afin de pouvoir attendre les meilleurs prix ».


Exporter par le Nord


L’expert préconise également d’accroître l’export via les ports de la façade nord du pays en valorisant les voies d’eau qui s’y rendent. Cela désengorgerait le ports du sud tout en réduisant la part du transport routier. Conscient de l’enjeu, le gouvernement s’est attelé à la tâche et a lancé des programmes pour améliorer la logistique. Les chantiers d’extension de ports, d’amélioration des voies de circulation et de création de silos devraient néanmoins prendre quelques années avant de porter leurs fruits, ce qui laisse présager encore quelques campagnes chaotiques.
Traditionnellement, l’ampleur de la seconde récolte est très sensible au contexte de marché. Les producteurs adaptent en effet leur investissement (surfaces et intrants) en fonction du cours du maïs. L’excellente performance de la safrinha en 2012 tient notamment au fait que, face au prix de la céréale tiré vers le haut par les mauvaises conditions de développement de la première récolte, les producteurs du Mato Grosso avaient opté pour des variétés de soja précoces, favorisant l’implantation du maïs en seconde culture. Mais avec l’actuelle chute des prix, la « petite récolte » pourrait perdre de son intérêt. « Pour un agriculteur du Midwest, le maïs devient rentable à partir de 3,50 dollars le boisseau, contre 5 à 6 dollars le boisseau pour un Brésilien, détaille Kona Haque. Si la hausse annoncée de la production mondiale fait descendre les prix à 4,50 dollars le boisseau, beaucoup d’agriculteurs brésiliens ne seront pas incités à semer. Cela entraînerait une contraction de la production en 2014, tandis que la consommation continuera à progresser. Il faudra alors retrouver des prix incitatifs pour encourager les producteurs à accroître les surfaces. »

Une récolte en deux temps au Brésil

. Première récolte ou safra :
Semis en octobre-décembre ;
récolte en février-mai.

. Seconde récolte ou safrinha :
Semis en janvier-mars ;
récolte en juin-septembre.

Les plus lus

<em class="placeholder">Paysage avec diversité culturale.</em>
Telepac 2025 : la rotation des cultures de la BCAE 7 n’est plus obligatoire

La version révisée du plan stratégique national (PSN) de la PAC 2023-2027 vient d’être validée par l’Europe. Pour la PAC…

<em class="placeholder">Plante de datura stramoine en fleur. </em>
« La télédétection du datura par drone me coûte 72 €/ha, mais c’est un outil de lutte indispensable sur mon exploitation des Pyrénées-Atlantiques »

Anne Darrouzet est agricultrice en bio à Bougarber, dans les Pyrénées-Atlantiques. Elle a mené pendant des années une…

<em class="placeholder">Vincent Prévost, agriculteur à Gueux, dans la Marne</em>
Chardon : « Je garde une attention constante tout au long de la rotation pour limiter cette adventice dans mes parcelles dans la Marne »
Producteur de grandes cultures à Gueux dans la Marne, Vincent Prévost reste vigilant tout au long de la rotation pour limiter au…
<em class="placeholder">Méthaniseur en injection de la coopérative EMC2 à Landres (54).</em>
Méthanisation agricole : des conditions tarifaires qui pourraient booster les projets

La politique de transition énergétique française ouvre de bonnes perspectives pour la production de biométhane. Mais échaudés…

<em class="placeholder">Visite d&#039;un essais colza organisé par la coopérative Vivescia.</em>
Colza : « Nous recherchons dans le Grand-Est des variétés calmes à l’automne pour les semis de début août, et des variétés très dynamiques pour les semis plus tardifs »
Étienne Mignot est expert innovation agronomique au sein du groupe coopératif Vivescia. Il explique quelles sont les gammes de…
<em class="placeholder">Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, dans son champ de blé au printemps 2025.</em>
« La négociation de ma reprise de terres s’est faite en bonne intelligence avec le cédant »

Antoine Prévost, exploitant agricole à Foucherolles, a saisi l’opportunité de reprendre 35 hectares de terres en plus de son…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures