Aller au contenu principal

La tolérance à la JNO : futur standard des orges d’hiver

Avec l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes, la nécessité de recourir à des variétés d’orges résistantes à la JNO devient primordiale. Les semenciers apportent des réponses.

La JNO peut occasionner des pertes de rendement supérieures à 50 q/ha en orge d'hiver.
© V. Marmuse

La tolérance à la JNO (Jaunisse nanisante de l’orge) va-t-elle devenir une barrière d’entrée pour l’inscription variétale ? « Il y a une forte montée en puissance de ces variétés, rapporte Louis-Marin Bossuet, responsable études VATE pour les orges, avoines et blé dur au Geves (1). En première année d’inscription pour le catalogue officiel français, 30 % des variétés d’orges d’hiver déposées présentaient cette tolérance en 2019. Elles étaient 25 % en 2018. » Le caractère de tolérance à la JNO est valorisé à l’inscription puisqu’il bénéficie d’un double bonus. Autrement dit, une variété qui présentera un déficit de rendement de 2 % par rapport à celui des témoins bénéficiera du bonus de la tolérance à la JNO pour être retenue à l’inscription et non rejetée.

Les variétés avec la tolérance à la JNO sont encore peu nombreuses à être commercialisées. « Mais elles présentent un certain succès. 30 % des orges d’hiver semées présentent ce caractère cette campagne », selon Jean-François Herbommez, responsable orges brassicoles chez KWS Momont. Ces variétés ne concernent que le débouché fourrager. Il y a un manque évident pour la filière brassicole. Les choses sont en train de changer car une variété à orientation brassicole, Margaux, est en cours de test de validation technologique par l’IFBM (2). Deux autres orges inscrites en 2019 vont également être suivies à ce titre : Coccinel et KWS Jaguar. Dès lors qu’un obtenteur présentera une variété tolérante à la JNO validée par la filière malterie-brasserie, il aura en partie gagné la partie. C’est une des priorités du moment chez les semenciers.

Une orge brassicole tolérante déjà utilisée chez Soufflet

Chez Soufflet, une telle variété est déjà utilisée en malterie : Hirondella. « C’est la première variété brassicole tolérante à la JNO validée par les malteries Soufflet », informe Emmanuel Bonnin, Soufflet Agriculture. Pourtant, cette variété ne figure pas dans le tableau des variétés en validation du CBMO car elle n’a pas été inscrite en France. Mais son inscription au catalogue de l’Union européenne la rend utilisable dans nos frontières.

Rappel : la JNO est devenue un problème d’importance pour les producteurs de céréales depuis le retrait en 2018 du traitement de semences à base d’imidaclopride (Gaucho…) qui permettait de contrôler les pucerons vecteurs de ce virus. La région de production de la coopérative Axéreal est sujette aux infestations de ce ravageur à l’automne. « Cela arrive deux années sur trois, estime Dominique Romelot, du service agronomie et innovation d’Axéreal. Dans les cas extrêmes avec des semis très précoces sans protection, les pertes de rendement peuvent atteindre les 50 q/ha comme cela a pu être mesuré dans nos essais. » Comme moyen de lutte contre la JNO, la tolérance variétale est la plus sécurisante pour les agriculteurs, davantage que les applications aériennes d’insecticides et les semis tardifs qui réduisent le risque.

Une tolérance ne reposant que sur un seul gène

Responsable développement chez Secobra Recherches, Florent Cornut tend à tempérer la problématique JNO. « L’attente de variétés tolérantes n’est pas prioritaire dans toutes les régions. La Lorraine et la Bourgogne connaissent des froids précoces annihilant les infestations de pucerons. Dans ces secteurs, le Gaucho était déjà peu utilisé. Et il y a un effet année assez fort sur les infestations de pucerons. Malgré tout, cette tolérance est un des sujets les plus travaillés chez les semenciers. » Les multiples projets FSOV (3) sur la JNO sur blés et orges témoignent des activités de recherche intense contre cette affection. Amélie Genty confirme. Responsable de la sélection des orges d’hiver chez Secobra, elle présente la situation. « La tolérance repose sur un seul gène, provenant de variétés éthiopiennes. Nous recherchons d’autres gènes de tolérance pour pouvoir constituer un pyramidage de ces gènes de façon à rendre la tolérance plus efficace et plus durable face aux virus – il y en a huit souches – des pucerons vecteurs. Nous sommes en train d’introgresser dans notre matériel génétique un de ces gènes que nous avons découvert dans l’espèce Hordeum bulbosum, apparentée à nos orges cultivées. Mais la localisation des gènes connus dans les chromosomes rend difficile leur introgression. Les marqueurs moléculaires nous aident à être plus performants. » Aucun signe ne montre de contournement de cette tolérance dans les champs jusqu’à maintenant. Qu’en sera-t-il quand la majorité des orges d’hiver sera constituée de ces variétés tolérantes avec une pression de sélection qui s’exercera sur les ravageurs ? Mieux vaut prévenir que guérir.

(1) Valeur agronomique, technologique et environnementale, Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences.(2) Institut français des boissons, de la brasserie et de la malterie.(3) Fonds de soutien à l’obtention végétale (partenariat de recherche public privé).

Le virus des pieds chétifs inquiète

L’utilisation de variétés tolérantes à la JNO amène les agriculteurs à ne plus protéger leurs orges des pucerons à l’automne avec des insecticides. C’est sans compter sur un autre ravageur qui peut sévir localement certaines années, la cicadelle vectrice de la maladie des pieds chétifs. Il n’y a pas de tolérance variétale avérée contre le virus transmis par ce ravageur mais les semenciers travaillent à l’obtenir. L’affection touche davantage les blés que les orges. « Des QTL de variétés américaines d’orges ont été identifiés avec une tolérance à cette maladie, informe Amélie Genty. Mais il existe un fond génétique intéressant avec des variétés qui tolèrent bien les attaques de cicadelles. » « Nos essais en Champagne ont montré ces différences notoires entre variétés, rapporte Emmanuel Bonnin, Soufflet Agriculture. Certaines se comportent très bien face aux cicadelles, comme l’orge Visuel, alors que d’autres comme Isocel ou Pixel se montrent sévèrement atteintes. »

Les plus lus

<em class="placeholder">Alexandre Smessaert, agriculteur à Roy-Boissy dans l’Oise</em>
Semis de colza à la volée : « La technique m’a fait économiser en temps de travaux et carburant sur mon exploitation dans l'Oise, mais elle reste à améliorer »

Intéressé par les techniques innovantes, Alexandre Smessaert, agriculteur à Roy-Boissy dans l’Oise, a testé le semis de colza…

<em class="placeholder">Georges Laigle, producteur de pommes de terre à Bihucourt (Pas-de-Calais),   
&quot;</em>
Mildiou de la pomme de terre : « Je profite de l’arsenal de produits à disposition pour alterner les solutions sur mes parcelles dans le Pas-de-Calais »

Producteur à Bihucourt (Pas-de-Calais), Georges Laigle utilise une dizaine de produits différents contre le mildiou sur…

<em class="placeholder">Matthieu Kohler, agriculteur à Sélestat (67) :« Ma priorité numéro 1 avec l&#039;épandage de produits résiduaires organiques est l&#039;enrichissement de mes sols en matière ...</em>
« J’économise plus de 100 €/ha sur les parcelles qui reçoivent des produits résiduaires organiques »

À Sélestat, en Alsace, chez Matthieu Kohler, une trentaine d’hectares reçoit chaque année des épandages de différents produits…

<em class="placeholder">Agriculteur déchargeant un sac d&#039;engrais dans son épandeur à engrais.</em>
L’Europe valide la taxation des engrais russes jusqu'à 430 €/t en 2028

Ce 22 mai 2025, le Parlement européen a approuvé l’augmentation progressive, à partir du 1er juillet 2025, des taxes…

<em class="placeholder">Parcelle de blé tendre dans le nord de la France.</em>
Sécheresse dans la moitié Nord : les cultures d'hiver ont besoin de pluies pour atteindre des rendements « dans la moyenne »

Peu de maladies, des cultures d’hiver globalement belles, les récoltes s’annoncent dans la moyenne. Peut-être le temps…

<em class="placeholder">Jérôme Noirez, agriculteur et gérant au sein de la SEP Poinsirez à Arraincourt, en Moselle, pratique l’agriculture de conservation des sols</em>
« Nous gérons le couvert d’interculture courte entre deux céréales comme une culture à part entière »

Jérôme Noirez, gérant au sein de la SEP Poinsirez à Arraincourt, en Moselle, pratique l’agriculture de conservation des sols.…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 96€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures