« La guerre agricole nous menace » : que propose Annie Genevard pour réarmer l’agriculture française ?
En parallèle du travail des filières dans le cadre des conférences de la souveraineté alimentaire, la ministre de l’Agriculture avance des propositions pour augmenter la production agricole française. Décryptage.
En parallèle du travail des filières dans le cadre des conférences de la souveraineté alimentaire, la ministre de l’Agriculture avance des propositions pour augmenter la production agricole française. Décryptage.
Créer un fonds souverain agricole, interdire en France l’importation de produits contenant des substances interdites, faire de l’éducation à l’alimentation la grande cause nationale 2026, ou encore simplifier Egalim voire en supprimer la LME. Telles sont les mesures proposées ce matin par Annie Genevard lors de l’évènement baptisé « le Grand réveil alimentaire » pour relancer la production agricole en France et sa transformation.
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Un nouveau discours de Rungis, loin de la montée en gamme
« La guerre agricole se prépare ». C’est par cette phrase choc que la ministre Annie Genevard a choisi ce 8 décembre, depuis le marché de Rungis, de lancer les conférences de la souveraineté alimentaire. Un discours d’une toute autre tonalité que celui prononcé dans le même décor par Emmanuel Macron sur la montée en gamme en 2017.
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« Depuis 2014, le financement de la politique agricole et alimentaire chinoise par habitant a bondi de 40% ; celle des Etats-Unis de 86% : celle de la Russie de 15%. Et celle de l’Union européenne a reculé de 19% », a-t-elle poursuivi, évoquant « une erreur historique à laquelle il faut faire barrage ».
Autre « alerte historique » que « les Français doivent entendre » : « pour la première fois depuis 1977, la France pourrait voir la courbe des importations agroalimentaires croiser celle des exportations », rappelle la ministre de l’Agriculture, exhortant l’auditoire à l’action.
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Les filières appelées à construire un plan de production et transformation sur 10 ans
Face à cette situation, les conférences de la souveraineté qui s’ouvrent dans chaque grande filière alimentaire ont pour mission de « redessiner une carte de production agricole et de transformation à horizon 10 ans », avec les grandes lignes annoncées au prochain salon de l’Agriculture. Ludovic Spiers, ex-directeur général d’Agrial est nommé coordinateur général de ces conférences, voulues par la loi d’orientation agricole.
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Quelles lignes directrices compte suivre Annie Genevard pour restaurer la souveraineté alimentaire ?
« Ce travail que vous mènerez, je le dis tout net, n’implique en rien un retrait de l’Etat » a assuré Annie Genevard dans son discours, avant de présenter « les lignes directrices sur lesquelles » elle comptait s’engager dans les mois à venir.
Mesures miroirs et brigade française de contrôle des denrées importées
Sur la question épineuse des accords internationaux, la ministre a rappelé ses demandes entourant l’accord UE-Mercosur, notamment sur les mesures miroirs. « Nos efforts diplomatiques doivent payer en vue de l’obtention de l’abaissement des limites maximales de résidus à zéro quand une substance est interdite sur le sol européen », a-t-elle déclaré. Et d’affirmer que si la Commission européenne ne le faisait pas dans les semaines à venir, elle « interdirait (elle-même, ndlr) les importations sur notre sol de produits contenant des substances interdites en Europe ».
Sur le même sujet, la ministre de l’Agriculture a plaidé pour la création « d’une brigade française de contrôle des denrées importées, intégrée à une force européenne de contrôle ».
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Création d’un fonds souverain agricole
Pour financer les investissements visant à renforcer la compétitivité des fermes françaises, Annie Genevard propose par ailleurs que la France se dote d’« un fonds souverain agricole ». Ce fonds pourrait « permettre aux épargnants qui aiment les agriculteurs de choisir d’investir dans leur alimentation », d'« inciter les acteurs de l’aval et de la distribution, l’État lui-même, à contribuer aux financements des investissements de leurs fournisseurs pour sécuriser leurs approvisionnements ».
Selon nos confrères d’Agra Fil, cette proposition ferait écho à celle portée par Laurent Duplomb en 2024, de créer un « livret Agri », et à celle de Jean-Baptiste Moreau en 2018 de créer un fonds public-privé de 600 M€ pour la « transition agroécologique », toutes deux restées sans suite.
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Revoir Egalim pour améliorer le revenu des agriculteurs
Pour améliorer le revenu des agriculteurs, la ministre propose par ailleurs de revoir « les lois Egalim » qui « ont posé des jalons utiles » mais « demeurent trop complexes dans leur application ». Et de proposer d’aller jusqu’à faire « sauter le totem de la loi LME ».
L’éducation à l’alimentation comme Grande cause nationale 2026
Pour reconquérir la souveraineté alimentaire de la France, la ministre appelle aussi les Français à faire « preuve de patriotisme alimentaire ». Elle a ainsi proposé au Premier ministre de faire de l’éducation à l’alimentation la Grande cause nationale 2026. Un label qui permettrait de financer auprès des plus jeunes « de grandes campagnes de sensibilisation ».
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Plus de produits français dans les administrations centrales
« Les marchés publics doivent jouer leur rôle dans cette reconquête », estime aussi Annie Genevard qui annonce le relèvement des objectifs Egalim dans les cantines des administrations centrales dès le mois de janvier prochain.
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Des mesures suffisantes pour inverser la tendance ?
« Toutes les grandes puissances inscrivent déjà leur agriculture dans des stratégies globales et volontaristes », a rappelé Annie Genevard dans son discours. « Les Etats-Unis » qui « multiplient les aides à la production et consolident leur leadership, sur le maïs par exemple », « la Chine » qui « sécurise terres, ports, engrais et semences sur plusieurs continents » ou encore « la Russie » qui « a fait du blé une des armes les plus efficaces de son influence extérieure » et « a divisé par deux ses importations alimentaires en dix ans ».
« Pendant ce temps, sur notre continent, nous devons lutter contre les tentations de la décroissance […]Et depuis peu contre les tentations de décommunautariser et de désarmer la PAC [ …]», a par ailleurs alerté Annie Genevard reconnaissant que « la PAC est la matrice de notre souveraineté : cela n’est pas au moment où nous sommes les plus menacés qu’il faut l’affaiblir ».