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Alain Le Boulanger, économiste chez CER France
« La contractualisation ne remplacera pas la régulation »

Pour Alain Le Boulanger, économiste chez CER France, les contrats ne feront pas office d’assurance revenu et ne mettront pas fin au rapport de force entre producteurs et acheteurs.

Qu’apporte la Loi de modernisation agricole sur la contractualisation ?
Rappelons d’abord que la question de la contractualisation arrive dans un contexte de crise. Jusque dans les années 90, avec la PAC, le message de l’Union européenne aux producteurs était : ne vous souciez ni des prix, ni des volumes. La puissance publique garantissait les premiers et gérait les seconds. Puis les réformes successives de la PAC ont conduit les filières agricoles à se rapprocher des conditions du marché mondial. Les agriculteurs qui étaient habitués à une grande stabilité sont aujourd’hui confrontés à une volatilité croissante. C’est en réponse aux conséquences de cette ouverture des marchés que l’on essaie, via la Loi de modernisation agricole, de mettre en place la contractualisation. La LMA permet de la rendre obligatoire, soit par accord de l’interpro- fession, soit par décret. On assiste au glissement d’une gestion publique vers une gestion privée.


La contractualisation peut-elle pallier la dérégulation ?
Non, même si elle a parfois été vendue comme cela. La régulation doit être horizontale, par exemple au niveau de la production. C’est ce que faisait la PAC en gérant les volumes, en limitant les importations en favorisant les exportations avec les restitutions... L’UE garantissait également les prix à la production. On jouait sur les volumes, on jouait sur les prix, sur l’ensemble du marché : on était bien dans la régulation. Un contrat, c’est un accord entre deux acteurs d’une filière. Il est vertical, de l’amont vers l’aval, et n’empêche pas la concurrence entre producteurs ou entre bassins de production. Ce dernier point est important, car cela se traduira aussi au niveau des transfor- mateurs et des collecteurs qui se demanderont avant d’investir dans telle ou telle région : « Qui sera le plus compétitif demain pour produire des céréales de bonne qualité, ou du lait à une saison où j’en ai besoin ? » Cela va aussi renforcer l’attention des producteurs aux signaux du marché. Dans cette logique de chef d’entreprise, on risque de renforcer les écarts entre ceux qui sont aptes à remplir le cahier des charges et à en tirer une valeur ajoutée, et ceux qui ont plus de difficultés et qui voyaient leur revenu garanti par la politique agricole commune. À ce titre, la PAC était un formidable outil d’aménagement du territoire.

Le contrat n’est donc pas une assurance revenu ?
Absolument pas, et le malentendu vient du plus haut niveau. Bruno Le Maire déclarait au mois d’octobre : « disposer de contrats signés constitue la meilleure garantie de revenu si le marché se retourne, sinon, sans contrat, ils n’auront plus que leurs yeux pour pleurer car les industriels paieront le prix qu’ils voudront ». Mais on ne peut pas espérer, dans un marché européen, une régulation du prix avec un contrat défini par une loi française. Les opérateurs français qui collectent des céréales paieront aux mêmes conditions de prix que leurs concurrents européens, sinon comment pourraient-ils s’en sortir ?

Quels peuvent-être les bénéfices ?
Le contrat a le mérite de mettre cartes sur table les obligations des deux parties. Pour l’acheteur, c’est la sécurisation d’un approvisionnement avec un produit bien défini. Pour l’agriculteur, c’est un débouché assuré sur une certaine période avec une référence d’un prix. Ce ne sera pas un prix fixe, personne ne peut s’y engager, mais une modalité de calcul. En revanche, le contrat n’empêchera pas le rapport de force. La question est : la contractualisa- tion va-t-elle pousser la production à s’organiser dans la mise en marché ?

Propos recueillis par Gabriel Omnès

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