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RAVAGEUR
La cécidomyie orange se dévoile

Les travaux menés au centre de recherche wallon de Gembloux lèvent le voile sur les mystères de la cécidomyie orange du blé. Objectif : affiner la stratégie de lutte.

Avec ses allures de voilier minia- ture, la cécidomyie orange du blé embarque avec elle une bonne dose de mystère. Comment expliquer ces appa- ritions souvent très localisées, parfois spectaculaires, suivies d’une grande discré- tion pendant plusieurs années ? Combien de quintaux ces « raids » éclairs coûtent- ils au blé et comment s’en protéger ? Des questions auxquelles les chercheurs

du Centre wallon de recherches agrono- miques de Gembloux (CRA-W) ont voulu apporter des réponses. « Dans la biblio- graphie, nous avons constaté que la céci- domyie orange monte en puissance partout dans le monde depuis quinze ans, explique Michel De Proft, directeur de recherche au CRA-W. Au Canada, elle est même le premier ravageur du blé, devant le puceron. Or la cécidomyie n’est pas un ravageur fantasque, on peut la comprendre. » Le programme de recherche lancé en 2006 et piloté par Guillaume Jacquemin a ainsi éclairé d’un jour nouveau le cycle de Sito- diplosis mosellana.

UNE DOUCHE CHAUDE

On savait que les cocons passent l’hiver éparpillés dans le sol jusqu’au printemps. Ce qu’a découvert le chercheur, c’est la double condition nécessaire à la pour- suite du développement : d’abord des températures fraîches, puis une pluie d’au moins 13 °C. Les premières font sortir les larves de leur cocon pour migrer juste sous la surface du sol. La « douche chaude » — beaucoup plus aléatoire — est quant à elle indispensable pour déclen- cher le début de la pupaison. Cette phase s’achève par l’émergence des adultes qui s’accouplent aussitôt. Les femelles partent ensuite en quête d’une parcelle de blé pour y pondre leurs œufs, tandis que les mâles s’installent dans le premier couvert venu.

« On imagine que l’avantage adaptatif apporté par cette double condition est de synchroniser l’émergence des adultes, avance Michel De Proft. C’est un peu comme si les températures fraîches permet- taient aux larves d’aller se placer sur la

ligne de départ de la pupaison, puis que la douche chaude donnait le coup d’envoi. La durée de la pupaison étant déterminée par une somme de températures précise, cela empêche un étalement des sorties qui ne serait pas profitable à la reproduction. »

DÉTERMINER LE DÉBUT DES VOLS

Cette découverte est fondamentale pour identifier les années à risque. Une fois connue la date de la « douche chaude », on peut déterminer la date d’émergence des adultes grâce au suivi des tempéra- tures. Or, « pour que la larve de la céci- domyie se développe au détriment du grain et cause des dommages, il faut que la ponte coïncide avec la phase sensible du blé, entre l’éclatement de la gaine et la floraison, rappelle Michel De Proft. Si la douche chaude est tardive, on sait que le blé aura dépassé la floraison et sera tiré d’affaires au moment des vols. Certaines années, on peut donc exclure le risque dès la mi-avril. » Selon le chercheur, « les résultats de ces travaux conduisent moins à réaliser un monitoring à la parcelle qu’à identifier un risque global, sur la base duquel il sera ou non nécessaire de surveiller les parcelles les plus exposées ».

Pour les années où la « douche chaude » survient assez tôt pour menacer les blés, le modèle élaboré à Gembloux permet d’estimer au jour près le début des vols grâce au calcul de la somme des températures. La vigilance peut payer: des sources évoquent une perte de rendement d’un quintal pour une larve par épi, avec des dégâts pouvant atteindre plusieurs tonnes par hectare.

Les vols, manifestation la plus visible de l’insecte, se forment sur les parcelles où des femelles ont pu pondre sur un blé au cours des années précédentes. En cas de conditions climatiques favorables, ces champs deviennent alors des « usines a

cécidomyies ». Si la parcelle n’est pas cultivée en blé l’année de l’émergence, les femelles partent coloniser des champs contigus ou très proches.Tels des voiliers malhabiles, elles ne résistent ni au vent, ni à la pluie, et ne peuvent entreprendre de longue migration, contrairement aux pucerons.

Cette phase de vol est souvent considérée comme le seul moment de vulnérabilite de la cécidomyie aux traitements insecticides, dont l’utilité reste très débattue.

POSITIONNEMENT DES INTERVENTIONS

« Des différences d’efficacité évidentes ont été observées selon les matières actives, mais des essais dédiés à cette question devraient livrer des résultats précis cet été », annonce Michel De Proft.

Autre champ d’investigation : le position- nement des interventions. « Des observations semblent contredire l’affirmation selon laquelle les produits ne sont effi- caces que s’ils sont appliqués pendant le vol, explique le chercheur. Un travail est en cours pour mesurer la persistance d’action des traitements lorsqu’ils sont posi- tionnés au tout début de la période des vols. »

Enfin, le CRA-W veut cerner le rôle joué par certains parasitoïdes de la cécidomyie présents en abondance en Wallonie, et qui pourrait expliquer certaines phases d’absence du ravageur. En savoir plus permettrait d’adapter les pratiques agri- coles pour favoriser l’action bénéfique de ces auxiliaires.

Une voie variétale prometteuse

LES ANGLAIS, TRÈS EXPOSÉS AU RISQUE CÉCIDOMYIE, ONT SUIVI LES PREMIERS LA VOIE DE LA RÉSISTANCE VARIÉTALE. Les chercheurs de Gembloux ont creusé cette piste en identifiant d’autres variétés modernes présentant ce caractère, telles que Koreli, Altigo ou Lear.

Plus prometteur encore, ils ont passé au crible une collection de 350 cultivars, très anciens pour la plupart, issus d’une collection conservée au centre. Grâce à un protocole permettant de concentrer les attaques des cécidomyies, dont les vols étaient déclenchés sous des filets et de façon à couvrir la période de sensibi- lité de chaque variété, les essais ont révélé une trentaine de variétés clairement résistantes. « Cela signifie que cette spécificité n’est pas une rareté, souligne Michel De Proft. Elle est donc exploitable et les obtenteurs l’ont bien compris. Plusieurs envi- sagent de l’intégrer parmi les critères de base de la sélection. » Certaines variétés résistantes se distinguent par une produc- tion plus précoce et plus massive de composés phénoliques qui empêchent le développement larvaire, supprimant la phase vulnérable du blé.

D’autres variétés, sans être résistantes, se trouvent partiellement protégées grâce à des caractères physiologiques compli- quant la ponte des femelles.

 

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