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Obtentions végétales
Garder la dynamique de la création variétale

Certificat d´obtention végétale à l´européenne ou brevet à l´américaine : le débat sur la protection des variétés a pour enjeu le libre accès au matériel génétique et la vitalité de la création variétale.


Le débat sur la protection des obtentions végétales ressemble à un match Europe-États-Unis. Les Européens appliquent le Certificat d´obtention végétale (COV). Le COV a été imaginé lors de la convention de l´Union pour la protection des obtentions végétales (Upov) signée en 1961 et modifiée à plusieurs reprises depuis. Cette convention ne s´arrête pas aux frontières du « vieux continent » : Plus de soixante pays d´horizons divers y ont adhéré. Avec quelques autres pays, les États-Unis ont opté pour un autre système, le brevet, pour protéger leurs créations variétales.
Qu´est-ce qui différencie le COV du brevet ? Le COV donne le droit à l´obtenteur d´une variété d´exploiter celle-ci exclusivement sur une période de 20 ou 25 ans. Une variété ne peut être utilisée à des fins commerciales par un autre organisme que l´obtenteur lui-même, sauf s´il y a accord. « Il y a deux exceptions à ce droit d´exclusivité, souligne Grégoire Berthe, directeur général de Limagrain Genetics.

La première est « l´exception des sélectionneurs » qui permet à ceux-ci d´utiliser librement les variétés protégées dans des programmes de sélection. Le COV donne, d´entrée de jeu, l´accès à la variabilité génétique des variétés créées. » Autrement dit, ces ressources génétiques ne sont pas confisquées durant les vingt années de protection. Aux yeux des sélectionneurs français et européens, ce système a permis de garder une dynamique importante dans la création variétale.
Deuxième exception : « le privilège des agriculteurs » autorise ces derniers à utiliser les semences produites par la variété cultivée pour leurs propres semis (semences de ferme), moyennant une rémunération des semenciers dans le cas du blé tendre (CVO).
Ces deux exceptions du sélectionneur et de l´agriculteur n´existent pas dans le cas des brevets.
Le COV définit toute nouvelle variété comme devant répondre aux critères de DHS : distinction par rapport à la gamme déjà existante, homogénéité et stabilité sur les générations successives. Mais la différence entre variétés peut apparaître sur un seul caractère.

Lutter contre les variétés dérivées et les contrefaçons
La dernière version de la convention Upov de 1991 répond à ce cas de figure avec la notion de « variété essentiellement dérivée ». « Si la différence entre une variété classique et une variété dérivée n´est pas suffisante, l´obtenteur de la variété classique a dorénavant le droit d´empêcher la commercialisation de la variété dérivée. Le droit de l´obtention initiale est reconnu dans le cas par exemple de la création d´une variété dont le génome ne change que sur un seul gène », explique Grégoire Berthe. Sont concernées, entre autres, les plantes transgéniques dans lesquelles sont introduits un ou des gènes. C´est aussi une protection de l´obtenteur de toute contrefaçon.
Ce droit est valable en application de la convention Upov 1991. Celle-ci n´a pas été ratifiée par la France. « Mais cette convention est en place au niveau européen et c´est ce à quoi se réfèrent les obtenteurs dont les inscriptions de variétés se font pour la plupart à l´échelle européenne », précise Grégoire Berthe.

Le brevet sur le vivant ne reste pas hors des frontières de l´Europe. « Selon la directive européenne (98/44) les inventions biotechnologiques (transformation du germplasm par exemple) et les gènes eux-mêmes peuvent être couverts par un brevet, explique Roland Petit-Pigeard, directeur général de la Sicasov(1). Les techniques et produits qui sont issus des biotechnologies sont brevetables. Une variété transgénique peut être brevetée sur le gène introduit, la technique d´introduction mais pas sur la variété d´origine protégée par un COV. Une variété OGM ne peut être exploitée commercialement qu´avec l´accord des titulaires et des brevets et du COV. Une variété classique protégée par COV n´est pas brevetable, affirme le directeur de la Sicasov. Dans la convention sur le brevet européen (CBE), le besoin de libre accès aux variétés est pris en compte puisque l´article 53 ter exclut la protection par brevet pour les variétés végétales », ajoute Peter Lange, de KWS et président du comité de propriété intellectuelle de l´European Seed Association (association européenne des semenciers).
©C. Gloria


COV sur les variétés, brevets sur les gènes
« Contrairement au COV, le brevet peut aller plus loin que la semence, explique Roland Petit-Pigeard. Le produit de transformation de la récolte de la variété brevetée peut également faire l´objet d´un brevet. D´ailleurs, ce qui intéresse les obtenteurs ayant recours au système de brevet, ce n´est pas tant d´avoir un retour sur investissement sur la commercialisation des semences qui restera limité mais sur le produit de transformation ou transformé, comme une farine avec des caractères spécifiques par exemple, sur lequel l´assiette de perception sera infiniment supérieure. »
Faut-il le rappeler ? L´utilisation d´une variété brevetée n´est pas libre. Il faut l´accord du détenteur du brevet pour utiliser la variété dans un schéma de création variétale, à titre expérimental ou pour l´utilisation des semences, même à des fins non commerciales. Avoir cet accord signifie s´acquitter de droits pour utiliser une variété. Pour Roland Petit-Pigeard : « Si on ne peut exploiter et utiliser librement pour la recherche et la sélection un produit breveté comme les variétés transgéniques, il y a risque de tarissement des ressources génétiques et de leur diversité. »

Limagrain a des activités aussi bien en Europe qu´aux États-Unis. Grégoire Berthe nous livre la position du groupe semencier dans le débat sur la protection des obtentions végétales : « Nous défendons l´usage du COV tant au niveau européen qu´international car ce système a l´avantage de permettre la protection des créations du sélectionneur et l´accès de ces créations aux autres obtenteurs. Avec le brevet, le non-accès à une variété pendant vingt ans risque d´influer négativement sur la dynamique de la création variétale. Mais nous sommes favorables aux brevets sur les gènes. Clairement, nous sommes pour une séparation des systèmes de protection avec d´une part, le COV sur les variétés et d´autre part, le brevet sur les gènes. »


(1) Société coopérative d´intérêt collectif agricole anonyme des obtenteurs de variétés végétales.

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