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Ecophyto 2018 avant l'heure
Gagner en sérénité avec la production intégrée

Baisse des phytos, performance économique préservée, gains de temps… Huit agriculteurs picards suivis par l’association Agro-Transfert ont appliqué sur leurs exploitations les principes de l’agriculture intégrée.

Quel intérêt à changer ses pratiques quand on est déjà bien installé dans une démarche d’agriculture raisonnée? « Ce type d’agriculture ne suffira pas à remplir l’objectif du Grenelle de réduire de 50 % l’usage des pesticides d’ici 2018. Compenser la baisse d’usage des pesticides nécessite de revoir les systèmes de cultures et de mettre en oeuvre des moyens agronomiques dans le but de diminuer la pression parasitaire. » Responsable du pôle « systèmes de cultures innovants » à l’association Agro-Transfert, Pierre Mischler a initié en Picardie(1) le projet « systèmes de cultures intégrés » en 2003 en tirant parti des résultats de recherches de l’Inra en la matière.

SUPPRESSION DU RÉGULATEUR

Agro-Transfert a réuni huit agriculteurs volontaires qui ont mis en oeuvre les principes de la production intégrée sur le blé dans un premier temps : utilisation de variétés résistantes aux maladies et à la verse, décalage des dates de semis et baisse de densité, retard du premier apport azoté et diminution de la dose… La suppression du régulateur de croissance et la réduction de l’utilisation des fongicides et insecticides sont la résultante la plus visible de ces choix. L’économie de charges opérationnelles s’établit à quelques dizaines d’euros par hectare si l’on se réfère à une comparaison avec des exploitations de groupes techniques (enquêtes CA-CER60) (- 7 !/ha en 2002 de différence avant le démarrage du projet, de - 26 à - 60 !/ha après 2004). Mieux :la marge brute n’a pas été affectée. « Par rapport aux exploitations enquêtées CA-CER60, la marge brute en indice des huit fermes et leur évolution est équivalente, voire légèrement à leur avantage », relève Pierre Mischler. Les rendements ont également suivi les tendances régionales au profit des huit fermes, sauf en 2007. « La principale explication est la présence de blé sur blé, que deux fermes avaient maintenue pour des raisons personnelles d’organisation », analyse Pierre Mischler.

TROIS ANS POUR SE FAIRE LA MAIN

Thierry Ghewy est un des agriculteurs du réseau Agro-Transfert. Exploitant à Craonne dans l’Aisne, il n’a pas hésité à se lancer dans la production intégrée. « Je recherchais les moyens de réduire l’usage des produits phytosanitaires et de les appliquer à bon escient, et je visais alors la protection des organismes du sol puisque j’étais passé en TCS dans ce but. Il m’a fallu trois ans pour me faire la main sur les techniques de production intégrée, reconnaît l’agriculteur.Mais les informations apportées et les formations suivies m’ont été précieuses. »

Thierry Ghewy a réduit fortement ses utilisations de fongicides, insecticides et régulateurs. « La gestion préventive des risques par des traitements chimiques est remplacée par une gestion préventive agronomique en choisissant des variétés rustiques, une baisse des densités de semis et de doses d’azote… Avec moins de traitements à réaliser, je gagne du temps que je transfère sur l’observation de mes parcelles, afin de bien suivre l’état sanitaire des cultures. » L’agriculteur n’oublie pas l’intérêt environnemental à cette économie d’intrants et une moindre exposition aux produits. Thierry Ghewy a augmenté la diversité de ses cultures. « En 2002, je cultivais quatre espèces : blé, orge de printemps, betterave, luzerne. J’en ai ajouté quatre : escourgeon, tournesol, maïs et oeillette sans compter un peu plus d’un hectare de vesce pour produire des semences pour l’interculture. J’ai abandonné le blé sur blé. » La diversité de l’assolement et l’allongement des rotations contribuent à améliorer la maîtrise des adventices notamment en réduisant la part des cultures d’hiver dans la rotation.

PERFORMANCE ÉCONOMIQUE PRÉSERVÉE

Une condition sine qua non au passage en production intégrée était de conserver un revenu équivalent aux autres techniques. Sans vouloir dévoiler ses marges, Thierry Ghewy estime avoir atteint ce but. « En 2008-2009, j’ai obtenu un rendement moyen de 93 quintaux/hectare sur mes blés tendres, supérieur à la moyenne locale de Champagne Céréales (85 q/ha) et avec des charges inférieures de 100 euros/hectare environ par rapport aux préconisations de la coopérative. » Le tournesol (41 q/ha), le maïs en sec (102,5 q/ha) et l’orge de printemps (80 q/ha) ne sont pas en reste.

ACCOMPAGNEMENT INDISPENSABLE

Dans le cadre de l’étude d’Agro-Transfert, les agriculteurs ont suivi des formations, ont été accompagnés par des conseillers et des experts agronomiques. Ils n’étaient pas seuls. Les actions de groupes génèrent des échanges constructifs. Même si la démarche peut être donnée à tout le monde, elle nécessite un appui fort du conseil agricole. Les systèmes de culture intégrés semblent répondre aux espérances des agriculteurs au-delà du respect de leurs revenus ou de la réduction des produits phytos. « Ce n’est pas quantifiable, mais les agriculteurs apparaissent plus sereins face à l’utilisation des phytos. Ce sont eux qui le disent, rapporte Pierre Mischler. Ils affirment se réapproprier leur métier grâce à l’agronomie. Ils se sentent plus autonomes, moins dépendants des intrants. » Et d’ajouter : « Les agriculteurs sont pour la plupart coopérateurs, sociétaires et recherchent les marchés permettant de commercialiser au mieux leurs produits. » Tout sauf des extra-terrestres. (1) En lien avec les chambres d’agriculture, des instituts, le Conseil régional et les Agences de l’eau.

ITINÉRAIRE

Un blé tendre à un traitement et demi

Thierry Ghewy, 180 hectares dans l’Aisne. « La gestion préventive des risques de parasitisme par des traitements phytos est remplacée par une gestion préventive agronomique. »

Rotation: sur sol de craie chez Thierry Ghewy : 3 ans luzerne/blé tendre/orge de printemps/betterave/blé tendre/orge de printemps ou escourgeon.

Déchaumage en interculture (par exemple un passage bèche roulante Duro Compil après betterave).

Non labour : travail très superficiel des sols (2 à 5 cm).

Variété rustique avec tolérances à la verse, aux maladies…

Traitement de semence de base T2 (fongicide/corvifuge).

Semis vers le 10 octobre à une densité de 190 à 220 grains/m2. « La coopérative conseille 300 grains/m2… »

Herbicide : pas d’herbicide à l’automne ni de traitement antipucerons.

Fongicides : Un traitement à spectre complet en sortie d’hiver (RSH) et à demi-dose à la sortie dernière feuille (souvent demi-doses Opus + prochloraze) ; (2 traitements si rouilles).


Analyse de reliquats de sortie d’hiver (RSH) sur presque toutes les parcelles.


Apport d’azote : 40 U vers le 10 mars notamment pour activer la décomposition des résidus de cultures. Dose totale vers le 25 mars (RSH – 40 U apportés précédemment et – 20 U en intégré), ce qui se résume souvent à un apport entre 80 et 120 U/ha. Complément (autour de 40 U) vers le 25 avril avec mesure des besoins par l’outil GPN.


Zéro régulateur de croissance.


Pas de traitement antifusariose.

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