Aller au contenu principal

Foncier agricole : se poser les bonnes questions avant d’acheter

Pouvoir acheter du foncier est une chance. Mais c’est aussi un projet qui peut peser sur votre trésorerie au quotidien. Comment se décider ? Des experts répondent.

S’agrandir ou consolider une structure d’exploitation est un objectif prioritaire pour nombre d’agriculteurs © C. Baudart
S’agrandir ou consolider une structure d’exploitation est un objectif prioritaire pour nombre d’agriculteurs
© C. Baudart

Lorsque des terres sont à vendre dans leur secteur, les agriculteurs sont souvent nombreux à se positionner. Les offres de la Safer pour des terres de labour bien situées croulent sous les candidatures. Mais à quelles conditions se positionner et, surtout, à quel prix ? Passage en revue des questions à se poser et des calculs à effectuer avant de se lancer.

Pour un agriculteur en place, l’achat d’une parcelle revient à substituer le paiement d’un loyer par le règlement d’une annuité. « Quand on peut acheter du foncier, c’est toujours une bonne nouvelle, rappelle Cyril Dannoux, conseiller en gestion de patrimoine au Cerfrance Bourgogne Franche-Comté. Il faut étudier la possibilité d’acheter et voir ce que l’opération rapporte. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un bailleur qui frappe à sa porte pour vous proposer d’acheter son bien. » C’est en effet l’opportunité de maîtriser le socle de l’exploitation et sécuriser son activité : à la fin, on est propriétaire du bien, ce qui n’est pas le cas lorsque l’on est locataire.

La comparaison économique des deux situations s’impose toutefois. Le titulaire du bail paie un loyer annuel et une quote-part de taxe foncière sur le foncier non-bâti. En achetant, il faut évaluer le montant de l’annuité d’emprunt et le montant de la totalité de la taxe foncière. « L’annuité excède souvent le fermage et cela va nécessiter un effort de trésorerie supplémentaire, c’est évident », signale Yvon Verson, expert foncier agricole.

Ne pas dégrader les capacités de financement

Jouer sur les durées et les montants d’emprunt permet de trouver le niveau d’effort le plus adapté. Mais même sur une durée longue, l’annuité restera importante. « Si on compare la location d’un hectare à 180 euros net (fermage + 50 % TFNB) à l’achat du même hectare à 10 000 euros via un emprunt sur 12 ans au taux de 1,8 % assurances comprises, l’annuité est de 934 euros par an », détaille Yvon Verson. L’effort de trésorerie sera de 784 euros par hectare et par an. De quoi vite tirer la langue : c’est plus de deux fois l’EBE moyen d’une exploitation de grandes cultures.

Allonger la durée de remboursement va permettre de limiter l’impact financier de l’opération. Cet allongement aura un coût modéré vu les niveaux des taux d’intérêt. Sur 18 ans, l’effort de trésorerie diminue à 477 euros/ hectare. Sur 25 ans, l’annuité sera de 494 euros/hectare, soit un effort de trésorerie de 344 euros/hectare, qui couvre ici l’EBE. « L’acquisition n’est envisageable que si l’entreprise dégage du cash par ailleurs ou si de l’épargne est disponible pour diminuer le montant emprunté », résume Yvon Verson.

La part des parcelles dans la SAU joue aussi : acheter 20 % de sa surface est plus réaliste que d’en acheter la totalité. « Un investissement réalisé au détriment des capacités de financement de l’entreprise n’est pas souhaitable », met en garde Cyril Dannoux.

Dans tous les cas, un tel projet n’est pas à la portée d’un jeune installé. Pas tout seul en tout cas. Dans ce cas, la priorité doit être de se constituer un fonds de roulement. « Il est possible de réaliser des montages juridiques et financiers intéressants qui impliquent l’exploitant et des membres de sa famille, suggère Cyril Dannoux. Ces derniers trouvent un intérêt patrimonial dans la détention de terres agricoles. »

Pour un agriculteur en fin de carrière qui céderait à un tiers, c’est le seul moyen de ne pas dévaloriser son potentiel de cession. Pour un futur retraité, c’est aussi un actif qui va générer un revenu non négligeable, équivalent à un rendement de 1 à 2 % nets d’impôts.

Au-delà d’un rapide calcul, pour tout projet, la réalisation d’un prévisionnel est impératif et votre interlocuteur bancaire vous le réclamera ! Votre conseiller d’entreprise est là pour cela, surtout s’il a une fibre « patrimoine ».

Les plus lus

Semis de maïs au strip-till en période de sécheresse en juin 2023, agriculture de précision
Semis de printemps en non-labour : quelles techniques pour réchauffer ses sols ?

En non-labour, que ce soit en techniques culturales simplifiées ou en agriculture de conservation des sols, l’enjeu du…

Fertilisation : Le phosphore fait défaut dans les sols cultivés en France
Fertilisation : Le phosphore fait défaut dans les sols cultivés en France

La situation des sols continue de se dégrader en France sur leur teneur en phosphore. Conséquences : des pertes de…

Céréales versées dans une benne avec des silos en arrière plan
Prix des céréales : sécuriser sa trésorerie face à la volatilité

Depuis la récolte 2023, les cours des céréales sont orientés à la baisse. Pour prendre les meilleures décisions et faire face…

Julien Pionnier, agriculteur et fondateur de la société Evo'Mat.
Prix des céréales : « J’essaye de minimiser les pertes en étalant la vente de ma production »
Julien Pionnier, agriculteur dans le Loir-et-Cher et l’Eure-et-Loir, à Saint-Denis-Lanneray, cale la vente de sa récolte en…
Marc Moser, agriculteur à Kurtzenhouse (67)"En 2024, j’envisage d’appliquer un anti-dicotylédones à 5-6 feuilles du maïs et/ou une application dirigée de Banvel à ...
Désherbage maïs : « Nous faisons face à l’explosion de datura dans nos parcelles »

Le datura est signalé en Alsace depuis quelques années. Agriculteur à Kurtzenhouse (Bas-Rhin), Marc Moser doit dorénavant…

Agriculteur déambulant dans son champ de maïs
Cancers et phytos : six pathologies plus fréquentes dans la population agricole que dans la population générale

Depuis 2005, la cohorte Agrican étudie la santé de 180 000 personnes affiliées à la MSA. Les résultats montrent que…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Grandes Cultures
Consultez les revues Réussir Grandes Cultures au format numérique sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce à la newsletter Grandes Cultures