Féminisation de l’agriculture : comment les bottées font bouger les lignes à la Cavac
Un groupe d’agricultrices s’est monté au sein de la Cavac en 2022 pour aider à féminiser les instances de la coopérative agricole vendéenne. Bilan trois ans après avec ses initiatrices.
Un groupe d’agricultrices s’est monté au sein de la Cavac en 2022 pour aider à féminiser les instances de la coopérative agricole vendéenne. Bilan trois ans après avec ses initiatrices.
« Oser s’engager et faire bouger les lignes ensemble, voilà ce qui nous botte ! » Ainsi se définissent Les Bottées sur leur page internet. Il s’agit « d’un groupe de Positives Agricultrices de la coopérative agricole Cavac, animées par la volonté de promouvoir la féminisation en agriculture » peut-on encore lire. Un groupe d’une vingtaine d’agricultrices qui casse les clichés et se fait depuis trois ans une place au sein de la coopérative vendéenne et plus largement dans le paysage professionnel agricole local.
Objectif : féminiser le conseil d’administration du groupe coopératif
« Les Bottées ont été créées en 2022. À l’époque le président (de la coopérative La Cavac, ndlr) Jérôme Calleau voulait féminiser le conseil d’administration », rappelle Lucie Mainard, emblématique éleveuse de poules pondeuses, associée avec son mari sur une exploitation agricole en Vendée. Administratrice depuis 2021 de la coopérative, elle s’engage dans la création du groupe.
Créer un groupe en local avec des rencontres régulières sur des fermes différentes permettrait aux femmes de se former sur les territoires
« L’idée était de créer un vivier d’agricultrices à faire monter en compétences pour intégrer les instances de gouvernance de la coopérative », explique-t-elle. Mais pas seulement. « Les agricultrices s’installent souvent après une reconversion professionnelle, et en dehors de la ferme familiale où c’est souvent le fils qui est pressenti pour la reprise. Du coup, elles perdent la connaissance du territoire. Je me suis dit que créer un groupe en local avec des rencontres régulières sur des fermes différentes permettrait aux femmes de se former sur les territoires », confie-t-elle, parlant aussi de l’intérêt de la sororité.
Quel bilan au bout de trois ans du groupe Les Bottées ?
Trois ans après la création du groupe, où en est la féminisation du groupe coopératif ? « Nous sommes toujours que deux femmes au conseil d’administration mais il faut des places vacantes, ça ne se fait pas comme ça », répond Lucie Mainard. « En revanche des agricultrices ont rejoint des instances de décision, au niveau des groupements ou des sections comme en Vendée, voire ont acquis d’autres responsabilités locales, au Crédit agricole par exemple ».
Le groupe m’a permis de m’engager dans les instances : je suis administratrice du groupement Bovinéo aujourd’hui
« J’ai tout de suite voulu m’investir dans le projet que je trouvais hyperstimulant et engageant. Le groupe m’a permis de m’engager dans les instances : je suis administratrice du groupement Bovinéo aujourd’hui », témoigne Delphine Charmard, cheffe d’exploitation associée en polyculture-élevage (avec atelier naissage de vaches limousines et poules pondeuses) avec son mari en Charente-Maritime. Elle a aussi intégré le comité poules pondeuses au printemps 2025 et est depuis peu administratrice du fonds de dotation Olé la Terre. « J’avais envie de le faire avant. Le groupe m’a permis de me conforter. Le soutien des filles m’a rassurée », explique-t-elle. Comme Lucie, elle a aussi pu se former au programme de coaching collectif Farm’Her chez Hectar. Un programme qui « permet de prendre conscience de son potentiel, de s’enlever l’autocensure ».
Des freins levés et une meilleure visibilité
Valène Ecorce, cunicultrice, déjà administratrice du groupement lapins de la Cavac (CPLB dont elle était précédemment salariée), a intégré le groupe un an après sa création. « Lors d’un débat l’an dernier sur la place des femmes dans l’agriculture, le président de la caisse locale du Crédit agricole de Fontenay Le Comte m’a contactée », explique-t-elle. « Il faut oser s’engager, le partage en groupe permet de lever les freins », souligne-t-elle.
Parfois les femmes restent cachées dans les Gaec et font les papiers, c’est dommage !
Lors de la création du groupe Les Bottées, des portraits des agricultrices, avec de beaux clichés de photographes, ont été diffusés sur les réseaux sociaux. « Les gens ont retenu ça, on a parlé de nous, on a osé ouvrir les portes. Parfois les femmes restent cachées dans les Gaec et font les papiers, c’est dommage ! », rapporte Valène.
Une visibilité loin d’être anecdotique. « Dans la communication, dans les rapports écrits, dans les documents destinés à nos partenaires, les agricultrices sont désormais présentes. Et elles sont fières d’être mises à l’honneur » témoigne Lucie Mainard. Un quart des chefs d’exploitation sont des femmes, rappelle l’éleveuse, « elles veulent être visibles ! ».
Quels progrès à accomplir pour une meilleure représentativité ?
Mais à quand une présence renforcée réelle des femmes au conseil d’administration de la Cavac ? « Aujourd’hui il y a deux administratrices sur 31 à la Cavac. On est en dessous de la représentation attendue. On devrait être à 10. On travaille sur ce sujet avec un plan à 5 ans », reconnaît Fabien Picard, directeur de développement et de la vie coopérative à la Cavac. « Mais nous sommes plutôt bons élèves dans les 8 groupements d’éleveurs. En productions végétales, cela reste plus masculin », convient-il.
Aujourd’hui, il y a deux administratrices sur 31 à la Cavac. On est en dessous de la représentation attendue. On devrait être à 10
Pour « promouvoir la place des femmes dans les instances », la Cavac tente au-delà des Bottées de recenser les agricultrices à potentiel ou encore recruter davantage de femmes dans la formation Cybele des jeunes associés coopérateurs (3 femmes participeront à la promotion 2026) pour devenir déléguées de sections ou membres du conseil d’administration des groupements. « Il y a quelques jours, nous avons pris la décision de laisser les chaises vides lors des départs (pour arrêt ou retraite) dans les 11 sections jusqu’à ce que l’on trouve des agricultrices », explique Fabien Picard.
Au-delà des instances, un métier qui reste à féminiser sur certains aspects
« Les femmes sont autant capables que les hommes, elles sont aussi techniques, contrairement aux clichés, avec un autre regard, et une sensibilité différente. Le conseil d’administration c’est l’étape d’après » commente Delphine Charmard qui ne veut pas entendre parler de quotas dans les instances agricoles.
Si la féminisation des instances reste l’objectif premier des Bottées, le groupe permet aussi à ses membres de dépasser certaines problématiques communes aux agricultrices et relevées dans la consultation publique lancée par Annie Genevard. La question du matériel agricole pas toujours adapté aux femmes y ressort. « Il faut une sacrée force physique les tâches sont parfois difficiles, le matériel est toujours plus performant, plus gros, et pas toujours ergonomique », reconnaît Lucie Mainard. « Atteler reste difficile. Le matériel évolue mais l’attelage en trois points est encore lourd. Et en élevage, nous n’avons pas tous accès à la robotique de distribution des granulés, je porte 8 seaux de 12 kilos tous les jours », complète Delphine Charmard.
Astuces et formations pour améliorer les conditions de travail
« Nous travaillons avec du matériel de qualité, mais l’agriculture reste un métier physique avec des gestes répétitifs, qui engendrent des tendinites », commente pour sa part Valène Ecorce.
Les agricultrices n’hésitent pas à échanger entre elles lors des rencontres sur leurs astuces pour contourner les difficultés physiques du métier. Les Bottées ont également un projet de prévention et sécurité au travail en lien avec la MSA, dont le budget reste à finaliser pour qu’il se concrétise. Et un projet se monte avec la Protection civile et le SDIS85 autour des formations premiers secours et incendie.
Les Bottées, ces agricultrices bien dans leur coop et dans leur tête, pourraient-elles en inspirer d’autres ? Un groupe similaire, baptisé les Sentin’elles existe chez Terrena, ainsi qu’un autre, nommé Par’celles chez Eureden. L’initiative pourrait faire des émules à l’heure du renouvellement des générations.