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LIBÉRALISATION DU COMMERCE
Faut-il craindre un accord de libre- échange entre l’Union européenne et le Mercosur ?

Les négociations pour un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur ont redémarré. La perspective d’ouvrir le marché européen à ces géants de l’agriculture inquiète.

L’AGRICULTURE EUROPÉENNE VA-T-ELLE ÊTRE SACRIFIÉE SUR L’AUTEL DU LIBÉRALISME, pour faciliter les exportations euro- péennes de produits pharmaceutiques et de centrales nucléaires vers le Brésil ? C’est ce qui ressort d’une étude du Copa-Cogeca montrant les conséquences dramatiques qu’aurait un accord entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argen- tine, Uruguay, Paraguay et Venezuela). L’organisation, regroupant des syndicats de producteurs et de coopératives agricoles dans l’Union européenne, s’est appuyée sur la dernière offre du Mercosur en 2004 intégrant une libéralisation sur des contingents tarifaires en viande bovine, volaille, sucre, éthanol et soja. « Si le commerce venait à être pleinement libé- ralisé, cela engendrerait une perte de quelque 25 milliards d’euros pour le secteur bovin européen », soulignent Padraig Walshe et Paolo Bruni, respectivement présidents du Copa et du Cogeca. La perte serait tout de même de 9 milliards d’euros pour un quota d’importation à droits réduits de 300 000 tonnes, comme le prévoyait l’offre de 2004.

Gaston Maria Funes, ministre conseiller agricole de l’ambassade d’Argentine auprès de l’UE, se veut rassurant.« NOUS AVONS PARFAITEMENT CONSCIENCE QUE LES AGRICULTEURS EUROPÉENS NOUS CRAIGNENT. Mais il faut relativiser. Les exportations du Mercosur vers l’Eu- rope ont atteint 38 milliards d’euros entre 2005 et 2009, soit 2,8 % des importations totales de l’UE. Ainsi, nous exportons 55 000 tonnes de viande bovine par an, soit seulement 100 grammes par habitant européen, et c’est ainsi pour la plupart des matières premières. De plus, dans nos pays, les prix ont augmenté — celui de la viande bovine a doublé — d’où une réduction des écarts de compétitivité des deux côtés de l’Atlan- tique. » Claudia Viera Santos, attachée économique à l’ambassade du Brésil a Paris(1), considère quant à elle que « le Mercosur a déjà fait un effort considérable en accep- tant le principe de quotas d’importation sur plusieurs denrées agricoles sensibles ».

APPUYÉ PAR LE PARLEMENT EUROPÉEN, LE COPA-COGECA S’OPPOSE À TOUTE NOUVELLE CONCESSION VIS-À-VIS DE PAYS TIERS. « Le Mercosur est déjà le principal fournisseur de l’UE en produits agricoles, insiste Arnaud Petit, directeur du Copa- Cogeca. Le fait de renforcer notre dépen- dance alimentaire vis-à-vis de ces pays fragilise l’UE. Celle-ci sera davantage soumise aux aléas climatiques de cette zone du monde et aux choix politiques du Brésil et de l’Argentine, d’où une augmen- tation de la volatilité des prix agricoles. » Le Copa-Cogeca a chiffré la perte pour le secteur maïs européen entre 3 et 5 milliards d’euros, avec une hausse du disponible exportable en provenance d’Ar- gentine et du Brésil de 23 à 26 millions de tonnes d’ici 2020. Du fait des substi- tutions entre maïs et céréales fourragères, l’ensemble du complexe céréalier maïs- blé-orge serait affecté, se traduisant par une baisse des prix intérieurs européens.

LA BATAILLE FAIT RAGE ÉGALEMENT AU SUJET DE LA SÉCURITÉ DE LA PRODUCTION. Padraig Walshe et Paolo Bruni inter- pellent la Commission européenne sur les problèmes liés à « la traçabilité et l’utilisa- tion d’hormones » de la viande bovine, alors que Claudia Viera Santos taxe les Européens d’être « excessifs sur les règles sanitaires pour leur agriculture. Les pays du Mercosur ont fait des efforts considérables sur la qualité et ils respectent les principales normes reconnues de développement durable ». Même hiatus vis-à-vis des OGM. « Nous ne compre-nons pas la position de l’UE,réagit Gaston Maria Funes.Toutes les organisations scientifiques mondiales ont donné un avis favorable à leur utilisation. L’UE est en train de se marginaliser. » Les deux diplomates sud- américains préfèrent souligner la formidable croissance économique de leurs pays. « Les exportations européennes vers le Mercosur ont progressé de 163 % sur les sept dernières années, rappelle Claudia Viera Santos. Les pistes de développement économique réci- proque sont énormes dans l’industrie et les services, mais aussi... dans l’agriculture. » Réciproque ?

Christophe Dequidt et Nicole Ouvrard

(1) Ils se sont exprimés lors de l’assemblée générale du Cercle d’échanges de l’Eure en février dernier.

ACCORD UE-MERCOSUR

Une négociation à rebonds

Dès la création du Mercosur en 1991, l’Union européenne a souhaité que ces deux Unions trouvent des synergies commer- ciales, afin de peser face aux États-Unis puis à l’Aléna. Les premières négociations débutées en 1995 ont été rompues en 2004, la pierre d’achoppement étant l’agriculture. C’est à l’initiative de la présidence espagnole en mai 2010 que les discussions ont repris. Cette fois-ci, pas question d’échec pour Manuel Barroso et la Commission. Le calendrier est mené au pas de charge : les réunions en mars à Bruxelles puis en mai et juin au Paraguay devraient permettre de fixer les contours de l’accord pour une signature attendue fin 2011. Mais le Parle- ment européen s’est exprimé pour davantage prendre en compte les conséquences pour le secteur agricole.

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