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Expérimenter mieux chez soi grâce à l'échange entre pairs

Pour le groupe céréalier de la plaine de Niort, l’expérimentation ne vaut que si elle s’inscrit dans une logique d’amélioration de l’efficacité économique des fermes. Tant pis si les essais manquent parfois de formalisme, l’important est avant tout d’échanger et de multiplier les points de vue.

« Le maître mot de notre groupe, c’est l’échange, résume François Pétorin, agriculteur sur 210 hectares en Charente-Maritime. Nous programmons neuf tours de plaine par an et l’idée est à chaque fois de montrer la parcelle sur laquelle on est enquiquiné. » Le décor est planté. François Pétorin appartient au groupe céréalier de la plaine de Niort, association rattachée à la fédération des Geda. Ce matin pluvieux, ils sont huit sur les 21 membres à s’être réunis pour évoquer leurs pratiques en termes d’expérimentation, chez Frédéric Naudon, leur actuel président. Lancé dans les années 80 par plusieurs de leurs pères, le groupe couvre 3800 hectares. Situées dans des zones diverses allant des argilo-calcaires superficiels aux limons profonds avec des rendements moyens s'échelonnant entre 65 et 80 quintaux/hectare en blé tendre, les fermes sont hétérogènes. Certains irriguent, d’autres non, certains labourent, d’autres font des TCS ou alternent. « Il n’y a pas de dogmatisme dans les pratiques », explicite Frédéric Naudon. En tout cas, tous les membres se retrouvent sur la nécessité d’optimiser les marges. « Tous les ans, nous mettons sur la table nos rendements et nos charges réelles », explique Benoît Chauvin. Les marges brutes sont calculées avec l’aide de la chambre d’agriculture et discutées en réunions. La recherche d’efficacité technico-économique est la clé de voûte des tests que les agriculteurs mènent ensemble.

À la recherche d’outils pour remonter le taux de protéines des blés

Et c’est bien dans cette optique qu’ils se penchent depuis quatre ans sur leurs stratégies de fertilisation. « Nos blés manquaient de protéines et nous avions des réfactions sur les prix », explique Pascal Ecarlat. Le groupe s’est donc mis en quête d’un outil de pilotage efficace, qui corresponde à sa façon de travailler. « Nous voulions absolument rester autonomes », précise Benoît Chauvin. Pas question pour ces agriculteurs, très soucieux de maîtriser leurs dépenses de conseil, de dépendre d’un tiers. Un outil comme Farmstar, fourni par les OS, est donc éliminé d’office. « Dans nos petites terres aux potentiels faibles, nous mettons 120 unités/hectare au maximum, explique Guillaume Aubineau. C’est une logique que nous voulions garder. Nous voulons rester maîtres chez nous. » François Pétorin frappe donc aux portes de Boréalis, qui vient de développer une interface pour tablette/smartphone du N Pilot. À partir d’une mesure de la réflectance du couvert, l'outil fournit un conseil pour le dernier apport d’azote sur blé tendre. Cinq exploitants mènent les tests pour le groupe sur les campagnes 2014-2015 puis 2015-2016. L’objectif : obtenir des informations probantes avec un protocole simple. Les tests sont donc réalisés à l’échelle d’une parcelle représentative de chaque ferme, les résultats étant comparés à la moyenne des parcelles de même nature. Une bande surdosée équivalente à la largeur d’un épandeur ou d’un demi-épandeur est mise en place, afin d’évaluer la biomasse maximum du couvert. À l’aide de cette référence, l’outil calcule les besoins du blé en place. Une fois les mesures faites, le reste de la parcelle est fertilisé selon les indications de l’appareil… avec une certaine souplesse. « Certains d’entre nous ont fait 10 unités en plus ou en moins pour voir si cela faisait des différences », note François Pétorin. À la récolte, chacun prélève un échantillon de blé de la parcelle test pour mesurer les caractéristiques technologiques des grains. Les rendements sont évalués grâce aux cartes fournies par les capteurs de rendement dont tous sont équipés. Au bout de deux ans d’essais, les agriculteurs achètent cinq appareils, un investissement de 400 à 500 euros par ferme. «Nous avons fait des sous-groupes, dans lesquels nous sommes éloignés de 7 à 8 kilomètres, les échanges sont faciles à faire », observe François Pétorin.

Un protocole trop complexe difficile à tenir

En parallèle de cette expérience, les exploitants ont également commencé à tester une nouvelle méthode basée sur l’indice de nutrition azotée (INN) de la plante, développée par l’Inra. « Le N pilot, c’est utile, mais il ne permet pas de gérer la totalité de la fertilisation », rappelle François Pétorin. Or la nouvelle méthode de l’Inra porte sur tout le cycle de la plante. Sauf que, si elle est basée elle aussi sur des mesures de réflectance, celles-ci sont à la fois beaucoup plus nombreuses et plus fréquentes (une trentaine de mesures à répéter trois fois sur des bandes tests et en parcelles, cela toutes les semaines). Le groupe a plus de mal à tenir sur la longueur le protocole d’expérimentation proposé par l’Inra. «Nous ne sommes pas assez disciplinés ! », analyse Benoît Chauvin, qui souhaiterait davantage d’accompagnement. Néanmoins, les cinq agriculteurs ayant commencé à tester la méthode INN ont vu son potentiel. La prochaine étape va consister à expérimenter la méthode avec le N Pilot de Boréalis, outil plus simple d’emploi que la pince N-Tester actuellement proposée par l'Inra car il limiterait les mesures sur le terrain… Mais il faudra travailler sur les calages. Parce qu’il sait que pour se motiver et tenir dans le temps, il aura besoin d’appui, le groupe a répondu à un appel à manifestation d’intérêt lancé par la Région. « Il faudrait quelqu’un qui chapeaute ce travail, qui le coordonne, avec un protocole de mise en place… Et qui nous rappelle ce que nous avons à faire », explique Benoît Chauvin.

De la sincérité dans le partage des expériences

Cependant, même avec leurs imperfections, ces essais permettent au groupe de faire progresser ses pratiques. « Nous sommes désormais au-dessus des 11,5 % de protéines en blé tendre, signale Pascal Ecarlat. Les essais nous ont permis d’apporter l’azote plus tardivement. » Le manque de formalisme est compensé par d’intenses échanges qui ont lieu lors des tours de plaine ou en réunion. « C’est vraiment une clé de notre fonctionnement, estime Régis Dupuis. Les nouveaux membres doivent être parrainés notamment pour s’assurer qu’ils joueront bien le jeu de la transparence. S’ils veulent prendre sans donner, ce n’est pas la peine. » Pour l’agriculteur, la diversité des exploitations et des hommes fait tout l’intérêt du groupe. « Nous avons finalement une plateforme d’essais de 30 km2, estime-t-il. Des problèmes se posent, des solutions sont trouvées et l’on échange sur tout ça. »

Pas mal d’essais pour des tiers...

C’est une autre façon d’enrichir ses pratiques. Au sein du groupe céréalier de la plaine de Niort, plusieurs exploitants font des essais pour des tiers. Frédéric Naudon, par exemple, mène des essais pour Terres Inovia sur les résistances à l’orobanche des variétés de colza ou sur le désherbage des géraniums. Ce qui permet au groupe d’avoir des échanges privilégiés sur ces thématiques avec les conseillers de l’institut. Cédric Boudeau a de son côté testé le fongicide Elatus de Syngenta en respectant un protocole très précis, avec des notations sur l'état de santé des plantes une fois par semaine en saison. Il a également testé sur quatre ans certains oligo-éléments de Timac Agro. « Je faisais le découpage de la plateforme, avec et sans apport, et au bout, les pesées », précise-t-il. Là aussi, les résultats ont participé à enrichir la réflexion du groupe.

… et beaucoup de tests "au fil de l'eau"

« Sur blé tendre, je coupe souvent mon application fongicide sur une bande d’une demie-largeur, observe Cédric Bourdeau. Ça m’aide à mieux positionner le traitement l’année d’après. » Les résultats de ces tests très informels sont discutés et partagés en groupe. De même, Benoît Chauvin a testé sur deux fois 1 hectare un mélange de plantes compagnes en colza… Sans succès sur ses petites terres. «En conditions sèches au semis, les plantes compagnes empiètent finalement sur les ressources disponibles pour la culture », analyse-t-il. Une conclusion qui vaut pour lui… Mais que Cédric Bourdeau, qui a lui aussi tenté l’expérience dans ses terres profondes, relativise : « de mon côté, j’ai vu moins d’insectes dans la culture ». Benoît Chauvin a également essayé des traitements au sucre type Coca-Cola sur quatre bandes au champ, avec un témoin non traité, un traitement standard et deux doses de Coca, suivis d’une pesée à la récolte. Et il a fait partager les résultats, non concluants, à ses collègues.

En chiffres

21 exploitations qui partagent

3 800 ha, c’est la surface couvertes par les fermes du groupe céréalier de la plaine de Niort.

210 ha pour François Pétorin, en terres surtout argilo-calcaires ; 65 q/ha en blé, 27 q/ha en colza.

200 ha pour Guillaume Aubineau, en petites terres (groies et argilo-calcaires), irriguées en partie ; 70 q/ha en blé tendre, 30 q/ha en colza.

240 ha pour Benoît Chauvin en terres argilo-calcaires, irriguées en partie ; 65 à 70 q/ha en blé tendre, 30 q/ha en colza.

165 ha pour Pascal Ecarlat en sec ; 65 à 70 q/ha en blé tendre, 30 q/ha en colza.

257 ha pour Frédéric Naudon, en terres de groies et limons ; 75 q/ha en blé tendre, 30 à 35 q/ha en colza.

150 ha pour Cédric Bourdeau, en limons argileux drainés non irrigués ; 75 à 80 q/ha en blé tendre, 35 q/ha en colza.

240 ha pour Régis Dupuis, en limons argileux ; 80 q/ha de moyenne en blé tendre, 40 à 45 q/ha en colza.

200 ha pour Éric Sauquet, en terres à bon potentiel ; élevage de porcs.

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