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On enlève du pouvoir aux électeurs des petites communes

Selon Aurélia Troupel, politologue électorale, le changement de mode de scrutin pour les élections municipales des 23 et 30 mars prochains dans les petites communes n’aura que des conséquences négatives.

Dans les petites communes françaises, il régnait jusqu’alors, selon vous, une certaine « anarchie électorale organisée ». Pourquoi ?


Dans les communes de moins de 3500 habitants, le mode de scrutin pour les élections municipales se caractérisait par une extrême souplesse. Une personne pouvait déposer une candidature dans plusieurs communes.
Rien n’interdisait à quelqu’un de se présenter au second tour sans être candidat au premier. Du côté de l’électeur, il pouvait rayer des noms sur la liste électorale, panacher des noms issus de plusieurs listes et même ajouter des personnes qui ne s’étaient pas présentées. De plus, les listes n’avaient pas besoin d’être complètes. Ainsi, lors du dépouillement, le décomptage des voix se faisait, non pas par liste, mais par candidat.


Qu’est-ce qui va changer lors des élections municipales en mars prochain ?


Les communes de 1000 à 3499 habitants n’auront plus accès à ce mode de scrutin original. Pourtant, celui-ci avait totalement sa justification en raison de la grande proximité qui existe entre les électeurs et les élus municipaux. Mes travaux ont montré que les habitants d’une petite commune retiennent les noms des personnes qu’ils apprécient à titre personnel mais aussi celles qu’ils jugent compétentes, c’est-à-dire qui savent parler en public, ont des connaissances juridiques ou bien seront capables de monter un dossier de financement. Les considérations sociales prennent le pas sur la proximité vis-à-vis de tel ou tel parti politique.


Quelles sont désormais les nouvelles règles dans ces petites communes ?


Les mêmes que dans les grandes agglomérations. Les candidats devront déposer une liste de candidatures. Les listes devront comporter autant de noms qu’il y a de sièges à pourvoir et présenter obligatoirement une alternance homme-femme. Quant à l’électeur, il n’aura plus le droit de rayer ou de panacher les listes. Pour les communes de moins de 1 000 habitants en revanche, le mode de scrutin est inchangé hormis le fait que les candidats doivent désormais se déclarer au préalable.


Quelles seront les conséquences d’un tel changement ?


Je ne vois que des conséquences négatives. Les élections municipales sont celles qui passionnent le plus les citoyens français, et c’est encore plus vrai dans les petites communes parce que les électeurs ont la possibilité de composer leur liste électorale « idéale ». C’est un mode d’autogestion. On va leur enlever du pouvoir dans la mesure où leur vote ne va désormais compter que pour une seule voix – la liste qu’il a retenue - alors qu’il comptait jusqu’alors pour autant de voix qu’il y avait de sièges à pourvoir.


Vous craignez donc une certaine frustration des électeurs.


Tout à fait, d’autant qu’un grand nombre d’entre eux vont découvrir ces contraintes le jour du premier tour. Jusqu’alors, les élections municipales dans les petites communes avaient une dimension ludique, avec un côté transgressif. C’est fini. De plus, cette modification a, entre autres, pour but d’imposer la parité. Or on voit que la composition des conseils municipaux dans les petites communes fait déjà la place aux femmes, mais aussi aux ressortissants européens.


N’est-ce pas tout de même un avantage pour le maire de faire équipe avec un conseil municipal qu’il a choisi ?


C’est vrai, mais encore faut-il qu’il y ait plusieurs candidats pour être le maire et que chacun réussisse à constituer dans les temps sa propre liste électorale avec les contraintes de parité imposées, ce qui est loin d’être évident dans les petites communes. Sinon, on sera dans un simulacre de démocratie, où les électeurs n’auront d’autres choix que de voter pour l’unique liste ou de s’abstenir.

Identité

 

Aurélia Troupel est politologue spécialisée sur les réformes électorales et les réformes des modes de scrutin. Maître de conférences en Sciences politiques à l’université Montpellier 1, elle s’intéresse particulièrement aux élections en milieu rural. Elle a co-écrit en 2010, l’ouvrage Battre la campagne – Élections et pouvoir municipal en milieu rural.

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