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Diversification de l'assolement : des créneaux qui s’ouvrent pour de nouvelles cultures

Parce que les industriels de l’agroalimentaire sont prêts à payer plus cher pour un produit sourcé en France répondant à un cahier des charges bien précis, des productions jusqu’alors confidentielles voire nouvelles se développent. Exemples avec les légumes secs, le cornichon et le houblon.

Tous légumes secs confondus, les récoltes françaises couvrent 40 à 45 % des besoins de l'Hexagone.
© DR

« Dans les légumes secs, l’origine France est devenue un argument commercial. » Au sein de la Cavac, Loïc Guitton a la charge de ces productions qui vont du pois chiche à la mogette de Vendée sous label rouge en passant par la lentille et différentes variétés de haricots secs. C’est en 2003 que la coop vendéenne a créé sa propre marque de commercialisation, Grain de vitalité. Sa caractéristique principale ? une production 100 % française, tracée. Depuis quelques années, l’origine France est particulièrement mise en avant sur les paquets vendus en grande distribution, un débouché qui absorbe 10 à 12 % des volumes. Si 15 à 20 % sont vendus à la restauration collective, l’entreprise commercialise au final plus de 60 % de ses volumes aux industriels de l’agroalimentaire comme Fleury Michon, Tipiac, William Saurin, Daucy… « Ils achètent notre capacité à produire des légumes secs non standards, répondant à des cahiers des charges spécifiques, observe Loïc Guitton. Et depuis trois à quatre ans, ils achètent également une origine 100 % française. » Il faut dire que jusqu’à peu, l’importation était la norme. « Encore en 2014-2015, 90 % des légumes secs étaient importés », précise le responsable. Aujourd’hui, les récoltes françaises couvrent 40 à 45 % des besoins, mais de façon très inégale selon les espèces. En haricots, par exemple, la récolte hexagonale représente à peine plus de 10 % des besoins annuels (35 000 tonnes environ). À l’inverse, selon les chiffres de l’Anils (association nationale interprofessionnelle des légumes secs), les surfaces de lentilles ont grimpé de 62 % entre 2017 et 2018, tandis que celles de pois chiches grossissaient de 105 %. Pour ces cultures, les besoins de la France sont désormais plus que couverts et les prix, très volatils car déterminés par la production de quelques pays dont l’Inde, sont bas. Pas facile de construire une filière solide dans ces conditions.

Doublement des producteurs et de la récolte en cinq ans

Pourtant, les attentes sont bien là. « J’ai toujours fait des légumes secs, même si à certains moments, on avait envie de lâcher la cognée, explique Dominique Briffaud, agriculteur et référent légumes secs de l’organisation de producteurs de la Cavac. Là, nous sommes dans une phase de renouveau de la demande. » Comme en témoigne une étude prospective sur les comportements alimentaires des Français en 2025 commandée par le ministère de l’agriculture et publiée en 2017 (1), « un transfert vers d’autres sources de protéines [que les protéines animales] est opéré », principalement vers les protéines végétales, légumineuses, céréales et soja. Selon le baromètre des consommateurs du GEPV (groupe d’études et de promotion des protéines végétales), 88 % des sondés estiment les protéines végétales bonnes pour la santé. Sur ce plan, leur image est globalement meilleure que celle des protéines animales. Bien réel, l’intérêt du consommateur reste quand même « à consolider », nuance toutefois le GEPV. Des progrès restent à faire sur le goût, notamment.

En cinq ans, la Cavac a en tout cas doublé son nombre de producteurs. Entre la Vendée et les Deux-Sèvres, ils sont désormais 350 à la fournir. De 2800 tonnes vendues en 2013-2014, la récolte est passée à 7000 tonnes récoltées en 2018 (3000 tonnes de lentilles, autant de pois chiches et 1000 tonnes de haricots). « Nous venons d’investir 4,2 millions d’euros dans du stockage pour 4500 tonnes de légumes secs, note Loïc Guitton. Notre outil va nous permettre de produire 10 000 tonnes pour le marché français d’ici trois ans. »

Une contractualisation à l’amont comme à l’aval

Pour se sécuriser, la Cavac mise sur la contractualisation. « C’est vendu avant d’être semé », résume Dominique Briffaud. Quelques semaines avant le semis, la coop donne à ses adhérents ses prix. Linéaires, ils ne varient en moyenne que de 5 % par an. « Notre travail d’organisation de producteurs est de sortir des prix mondiaux », explique Loïc Guitton. La coop cherche en parallèle à faire montée en gamme les producteurs. « Depuis trois à quatre ans, nous avons également une grille de prix pour la qualité en haricots, alors qu’avant, tout le monde touchait la même chose », souligne Dominique Briffaux. Côté aval, 80 % des volumes sont contractualisés avec des cahiers des charges spécifiques. « Dans les critères qui se durcissent, il y a le « sans caillou », mais aussi le « sans gluten »», précise Loïc Guitton. La Cavac s’est dotée d’un outil dédié qui lui permet de séparer les légumes secs des autres cultures : « nos productions passent directement du champ à notre outil alimentaire », décrit le professionnel. Maître du produit fini, la coop a ainsi développé, entre autres, une gamme bio sans insecticide de stockage.

Le cas de la Cavac n’est pas unique. En 2017, Soufflet faisait la publicité de ses lentilles vertes commercialisées sous la marque Vivien Paille et produites par ses « agriculteurs partenaires » avec « un contrat définissant des critères de qualité et un prix fixe dès le semis ». Son objectif : passer de 60 % de lentilles « made in France » vendues en GMS à 100 %. Le marché a de l’avenir.

(1) Réalisée par Blezat consulting, le Credoc, Deloite développement durable.

De la place pour du cornichon français

Aujourd’hui, 80 % des cornichons consommés en France proviennent d’Inde. Mais la production renaît dans la Sarthe et le Loir-et-Cher. Onze agriculteurs ont cultivé, en 2018, 17 hectares de cornichons pour la société Reitzer, qui commercialise sa production sous la marque « Jardin d’Orante ». Ces cucurbitacées « made in France » sont conditionnées dans les deux usines de la PME, situées dans les départements de production. Reitzer a récolté 204 tonnes en 2018, contre 54 tonnes en 2016, année de la relance. Très technique, la culture du cornichon exige un savoir-faire que les producteurs s’approprient grâce à l’accompagnement de l’industriel et des chambres d’agriculture. La production est contractualisée et en 2018, les agriculteurs doivent bénéficier d’une prime liée à leur productivité et à la qualité de leur récolte.

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