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Des aides qui déroutent les producteurs

La revalorisation des soutiens au bio avec la nouvelle PAC de 2015 a suscité un fort intérêt des agriculteurs. Mais aujourd’hui, les budgets régionaux ne suivent pas.

C’était pourtant bien parti : 300 euros/hectare au lieu de 200 euros pendant cinq ans pour se convertir au bio et 160 euros/hectare au lieu de 100 euros pour maintenir ce système de production. La PAC de 2015 avait de quoi séduire les aspirants au bio. « Auparavant, les soutiens étaient moins élevés, certes, mais ils provenaient du premier pilier, rappelle Clara Gasser, spécialiste du dossier à la Fnab (Fédération nationale de l’agriculture biologique). Il s’agissait donc d’aides reconductibles chaque année, mais non plafonnées. » Or la nouvelle programmation a intégré les aides au bio dans le second pilier, financé par le Feader (Fonds européen pour le développement rural) dont la gestion est désormais déléguée aux régions. Cela a deux conséquences : la contractualisation sur cinq ans, qui donne de la visibilité… mais également la régionalisation des soutiens. Les régions sont obligées d’ouvrir les mesures bio et de respecter les montants calculés conformément à la réglementation européenne. Mais elles ont la liberté de fixer des profils prioritaires ou des plafonds, l’objectif étant de coller le mieux possible aux enjeux locaux… ou bien aux budgets.

Réorganisation des fonds en région Aquitaine

« Le gros souci, c’est que dans de nombreux cas, les Régions n’ont pas assez d’argent », constate Clara Gasser. Dépassées par l’engouement suscité par les aides bio auprès des producteurs, elles ont la plupart du temps changé les règles du jeu en cours de route. C’est le cas en Lorraine, par exemple : « Des plafonnements s’appliquent désormais sur les aides à la conversion bio : de 30 000 euros par exploitation avec transparence Gaec en 2016, ils tomberont entre 5000 et 10 000 euros en 2017, mentionne Arnaud Bourot, de la chambre d’agriculture de Meurthe-et-Moselle. Plusieurs exploitations qui prévoyaient de se convertir au bio vont attendre, notamment celles les plus importantes en surface qui dépassent les plafonds. » En Aquitaine, les 85 millions d’euros prévus dans le Feader pour le bio sur 2014-2020 étaient épuisés début 2017. La Région est parvenue à réaffecter 28 millions d’euros sur le sujet pour 2017-2020, mais elle a également fixé ses limites (voir encadré). En Occitanie, compte tenu de l’ampleur des demandes, les soutiens à la conversion ont été plafonnés rétrospectivement à 30 000 euros pour 2015. Pour 2016, la limite était de 15 000 euros. La perte de confiance dans le système est énorme. « C’est un contrat mais les conditions budgétaires et financières peuvent changer », signale Clara Gasser. Les conditions d’attribution et les montants des aides présentés aux agriculteurs pour engagement ne sont qu’indicatifs : pour qu’ils deviennent définitifs, les programmes de développement ruraux régionaux dans lesquels ils s’inscrivent doivent recevoir l’approbation de Bruxelles.

Des soutiens complémentaires des Agences de l’eau

En plus des plafonds, huit régions (Centre, Aquitaine, Auvergne, Basse-Normandie, Paca, Lorraine, Midi-Pyrénées) ont décidé de cibler certains types de producteurs, par exemple en conditionnant les soutiens à des filières, à un pourcentage de SAU bio ou à des engagements collectifs. À l’inverse, six régions continuent d’ouvrir le guichet des aides sans conditions : l'Alsace, la Haute-Normandie, l'Île-de-France, le Nord-Pas-de-Calais, la Picardie et Rhône-Alpes. Les inégalités territoriales sont importantes. Pour Gilles Renart qui, chez Axéréal Bio, travaille avec des producteurs de plusieurs zones, « avoir relocalisé les aides bio dans les régions est particulièrement illisible et très inconfortable ». Dans certains cas, les Agences de l’eau comblent les défaillances et consacrent une partie de leur budget au bio, vu comme un outil de prévention des pollutions diffuses. Ces soutiens complémentaires peuvent concerner tout un bassin ou bien uniquement les zones à enjeu eau. Ils peuvent prendre la forme d’une suppression ou d’un relèvement des plafonds, par exemple. Problème : pour verser leur part, les Agences doivent savoir ce qu’ont donné les régions… ce qui n’a rien d’évident. Aux caisses vides, s’ajoutent des retards de paiements dus à des difficultés techniques au niveau de l’ASP (Agence de services et de paiements). Début mai, les agriculteurs bio n’avaient pas encore reçu l’intégralité des soutiens 2015 et 2016. Des ATR (Apports de trésorerie remboursables) ont été mis en place. Pour les aides de 2015, les premiers versements sont intervenus au printemps 2016. Pour celles de 2016, l’arrêté formalisant les montants est paru en mars 2017. Reste à verser les soldes de ces aides. Pour 2015, ils devraient arriver chez les agriculteurs au second semestre 2017... si tout se passe bien.

Toutes ces difficultés amènent à se reposer des questions sur ces soutiens. Si personne ne conteste l’importance d’accompagner les deux premières années de la conversion, peut-être même de façon plus importante qu’aujourd’hui, certains, tel le président de la commission de l’agriculture de l'association des Régions de France, Jean-Pierre Raynaud, s’interrogent sur l’intérêt de l’aide au maintien. Un sujet qui se négociera dans le cadre de la révision de la PAC.

Des soutiens sous conditions dans quatorze régions

Les modalités des aides prévues pour 2017 étaient encore mal connues à la mi-mai. Seules quelques régions étaient au clair, telles que la Nouvelle Aquitaine. Celle-ci a prévu de plafonner les aides à la conversion à 18 000 euros/an, avec une majoration possible de 3 000 euros pour les agriculteurs qui s'installent en bio. Concernant les aides au maintien, elles seront au maximum de 10 000 euros/an pour les 100 % bio et de 1500 euros pour les autres.

Un fonds pour faciliter les remboursements de crédits

La machine s'emballe parfois. Pour compenser les retards pris sur le versement des aides au bio, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, a annoncé fin février que les intérêts des prêts contractés par les producteurs bio pour faire face aux différés de paiements seraient pris en charge par un fonds d’allégement des charges. Un coût supplémentaire pour les pouvoirs publics donc...

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