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Comprendre les enjeux du big data agricole en sept questions

Les données agricoles suscitent projets et convoitises. Les projets qui s’appuient sur ces données devraient modifier le secteur des grandes cultures en profondeur.

Les données sont émises par de nombreux outils sur les exploitations, tels que les capteurs au champ qui collectent des données sur l'indice foliaire des céréales, ou les stations météo connectées. © C. Baudart
Les données sont émises par de nombreux outils sur les exploitations, tels que les capteurs au champ qui collectent des données sur l'indice foliaire des céréales, ou les stations météo connectées.
© C. Baudart

GPS de tracteurs, cartes de rendements, multi-analyses de sols, stations météo ou logiciels de suivi de plaine : les données de votre exploitation sont émises par de nombreux outils et font l’objet de toutes les convoitises. Relais de croissance et source de nouveaux profits, ce data agricole est aussi un formidable levier pour faire évoluer les modèles de production, voire de commercialisation. Mais que recouvrent au juste ces données ? Qui les collecte et comment les maîtriser ? Revue de détail.

1 Le big data c’est quoi ?

Data est le mot anglais qui désigne les données. Ce terme est parfois utilisé en français pour distinguer les données qui circulent via un réseau informatique. On qualifie de big data, ou « données massives », les données dont le volume et la diversité imposent des moyens techniques spécifiques pour les exploiter. C’est notamment le cas pour les informations qui circulent en masse sur internet. On parle de smart data pour les données analysées à la source en temps réel, par exemple pour prévenir une panne ou construire un engin autonome.

En France, les données agricoles sont générées par 280 000 exploitations et 85 000 entreprises d’amont ou d’aval. L’augmentation de la puissance des ordinateurs et des algorithmes permet d’améliorer le nombre et la qualité des données collectées. C’est ce phénomène qui permet la naissance de nombreuses applications innovantes, dont seules les plus utiles perdurent. « C’est le nombre et la qualité des données qui font leur valeur, rappelle ainsi Benoit de Solan, ingénieur de recherche chez Arvalis. Réunis au sein du projet Global Wheat, différents partenaires internationaux dont Inrae ont partagé leurs données pour identifier des épis dans des images. Ce projet a rassemblé des données issues de conditions très variées et a permis de développer un modèle complexe de prédiction permettant de modéliser la maturité des grains avec un gain de temps considérable. »

2 Comment sont collectées les data ?

Schématiquement, les données agricoles sont collectées de trois manières. La première consiste en la saisie par l’agriculteur lui-même, au bureau ou au champ, via un système embarqué. La saisie comptable et celle des suivis de plaine sont d’importants gisements de données. À ce titre, Isagri, le réseau Cerfrance ou les coopératives et négoces sont de gros pourvoyeurs de données.

Les données sont aussi générées par les outils agricoles connectés. Par exemple, les systèmes embarqués dans les moissonneuses-batteuses mesurant la qualité de la récolte en émettent. Les objets connectés sont la troisième source de transmission de données agricoles : systèmes d’irrigation intelligents, stations météo, drones, capteurs de croissance des plantes : ces petits matériels permettent de capter d’innombrables data à l’échelle d’une parcelle.

3 À quoi servent ces données ?

Cette collecte de données permet notamment d’alimenter des modèles et de créer des applications agronomiques, les fameux outils d’aide à la décision (OAD). La collecte de cette masse d’observations va par exemple permettre de prédire l’évolution d’une maladie et de délivrer un conseil adapté à l’échelle d’une parcelle.

4 Quels sont les atouts de la collecte de data ?

Ces données qui sont désormais collectées, associées aux nouvelles technologies, ont des applications nombreuses pour les agriculteurs. Elles visent toutes à accroître la performance économique des exploitations. « Les agriculteurs génèrent de nombreuses données sur leur ferme, sans forcément en tirer profit. Or, cela peut leur faciliter la vie », explique Bruno Perpin, délégué général d’Agro Edi Europe. Elles permettent d’améliorer les techniques agricoles, de gagner du temps, de rationaliser les coûts, de développer l’agriculture de précision… Leur utilisation peut aussi aboutir à garantir la traçabilité d’un produit, prédire un niveau de récolte, mieux préserver l’environnement ou apporter un service supplémentaire pour mieux vendre. Assurer le suivi d’un lot de blé, du champ à la boulangerie, à l’aide d’outils informatiques, peut par exemple augmenter la valeur d’une baguette de pain et majorer le prix payé au producteur. « Le même outil permet d’apporter de la valeur au produit et de régler un éventuel problème sanitaire », illustre Bruno Perpin, dont les équipes ont développé ce projet.

Cette multitude de données sert également à comparer les données d’une exploitation par rapport à un groupe. « Les technologies actuelles ne font que remettre au goût du jour des techniques de comparaison existantes, comme les comparaisons à une analyse de groupe », rappelle Sébastien Lafarge, directeur marketing, communication et innovation chez Isagri. Mais il ne faut pas s’en priver : les principaux leviers pour améliorer la productivité des exploitations sont davantage des choix d’investissements et de mode de commercialisation que des modulations de doses. Sébastien Lafarge rappelle que « les exploitations de grandes cultures ont des écarts de rentabilité de un à trois ».

5 Quels sont les enjeux de ces données ?

Les données agricoles sont convoitées par de nombreuses entreprises, mais pour en faire quoi ? La protection des données des agriculteurs apparaît comme une priorité pour les organisations agricoles. « Le nouvel enjeu n’est plus la donnée elle-même mais plutôt la capacité à y accéder, à l’interconnecter, à la traiter et surtout à la valoriser », résume Sébastien Picardat, directeur général d’Agdatahub.

Dans cet esprit, la FNSEA a par ailleurs créé Data-Agri, une association qui labellise des prestataires indiquant aux agriculteurs quels types de données sont utilisés, par qui, et l’usage qui en est fait. « Nous contribuons à créer de la confiance autour des outils numériques pour que les agriculteurs se les approprient, indique Guillaume Joyau, chargé de mission à Data-Agri. L’agriculteur pourra également récupérer les données de son exploitation à l’avenir, s’il veut changer d’opérateur. » À condition que les différents outils soient interopérables.

6 Que veut dire « interopérable » ?

L’interopérabilité est un autre enjeu du big data. C’est la capacité des différents outils à parler le même langage et à partager leurs données. C’est aussi le principal blocage technique au développement de nouveaux outils. L’interopérabilité permettrait par exemple de construire un réseau de stations météo associant du matériel commercialisé par différents opérateurs. L’échange de données passe par la standardisation de celles-ci. Une tâche à laquelle s’attachent des structures comme Agro Edi Europe ou Agdatahub. « L’ouverture des données, c’est bien quand cela apporte de la valeur, sinon, ça ne sert à rien, souligne toutefois Sébastien Lafarge, d’Isagri. Par exemple, les stations connectées Météus communiquent avec les outils d’Arvalis car cela présente un intérêt. » L'outil vise à optimiser les traitement et à modéliser les maladies.

7 Quelles sont les perspectives ?

Chacun peut observer le développement rapide des applications sur smartphone et l’accélération de ce mouvement. En agriculture, 42,7 % des exploitants connectés surfent sur internet avec leur téléphone. Ils étaient 22 % en 2013 (source Api-agro 2019). « Le numérique, via les OAD et les robots, va entraîner des changements très importants en agriculture », confirme Guillaume Joyau, de Data-Agri. Reste à voir si les agriculteurs, confrontés à la baisse de leur revenu, auront les moyens d’investir rapidement dans ces nouveaux outils.

Agdatahub, une plateforme pour sécuriser les données des agriculteurs

2,5 millions d’euros. C’est la somme de fonds propres que vient de constituer la société Agdatahub. Porté par les chambres d’agriculture, les instituts techniques agricoles et des structures privées, appuyé par la Banque des territoires, filiale de la Caisse des Dépôts, Agdatahub propose des plateformes de consentements et d’échanges de données pour l’agriculture. L’enjeu : permettre aux acteurs agricoles d’échanger et de valoriser leurs données en toute sécurité. « Cette levée de fonds va permettre d’accélérer le développement de la plateforme technologique jusqu’à présent porté par sa maison mère API-Agro », détaille Sébastien Picardat, son dirigeant. Agdatahub s’appuie sur des partenaires de références comme Orange Business Services ou GS1 pour proposer rapidement un dispositif innovant de consentement des apporteurs de données. Concrètement, dès le premier semestre 2021, un site web centralisera l’ensemble des consentements des agriculteurs.

La délicate question de la propriété des données

« Les données agricoles relèvent à la fois des données personnelles et des données professionnelles », explique Sébastien Picardat, directeur général d’Agdatahub. Les données personnelles sont encadrées par le Règlement général européen sur la protection des données, dit RGPD, qui engage les opérateurs à respecter le droit des personnes et à sécuriser leurs données. Pour les données professionnelles des personnes morales, le droit des contrats s’applique.

« Aux États-Unis, un farmer qui achète une moissonneuse-batteuse ne maîtrise pas la commercialisation de ses données », relève Sébastien Picardat. En France, les agriculteurs conservent la « maîtrise d’usage » des données de leurs exploitations, que celles-ci soient saisies par eux-mêmes ou par un tiers, en particulier s’ils travaillent avec une entreprise signataire de la charte Data-Agri. En donnant leur consentement explicite à leur collecte, ils en contrôlent l’accès et l’usage.

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