Colza : des variétés en mélange contre les risques culturaux
Pour des raisons économiques et pour mieux résister aux aléas climatiques, la pratique du mélange de variétés en colza trouve de nombreux adeptes chez les agriculteurs. Terres Inovia mène des expérimentations.
Pour des raisons économiques et pour mieux résister aux aléas climatiques, la pratique du mélange de variétés en colza trouve de nombreux adeptes chez les agriculteurs. Terres Inovia mène des expérimentations.
« Avec un coût de semences de 15 à 20 €/ha en colza, les agriculteurs font des économies substantielles sur ce poste en mélangeant un tiers de semences certifiées en variétés hybrides et deux tiers de lignées en semences de ferme. Les semences d’hybrides coûtent 45 à 50 €/ha semées en pur à 40 grains au mètre carré », expose Sébastien Louyot, de la chambre d’agriculture de Moselle. Une synthèse des essais de la chambre d’agriculture de 2014 à 2022 montre que les mélanges hybride-lignée se situent au même niveau de rendement que des hybrides seuls, voire légèrement au-dessus en moyenne sur la période : 33 q/ha contre 32,4 q/ha.
« Les différences en faveur des mélanges se voient surtout lors des années difficiles et sur les terres à potentiel limité, remarque Sébastien Louyot. C’est moins vrai lors de bonnes années comme en 2022 et sur les parcelles à haut potentiel. » Pour le semis, il conseille de doser à 15 grains/m2 d’hybride avec 30 grains/m2 de la lignée issue de semences de ferme pour limiter le coût de la semence à 20 €/ha. Autre préconisation : associer des variétés de précocité voisine, par exemple la lignée Campus ou Collector avec l’hybride LG Acropole pour un mélange plutôt à maturité précoce, ou la lignée ES Mambo avec l’hybride Harome en tardif.
Des mélanges 100 % hybrides en test pour faire face aux ravageurs
Avec les conditions de sécheresse qui peuvent survenir au moment des semis en août et compromettre la levée des colzas, les agriculteurs évitent d’engager trop de frais dans les semis. Les manques à la levée ont concerné notamment le Nord-Est certaines années. Dans cette région, la pratique du mélange est courante. « Sur ce bassin, 30 % des agriculteurs disent avoir réalisé un mélange variétal en 2022, selon une enquête de notre institut sur les pratiques », informe Aurore Baillet, de Terres Inovia Grand-Est. Pour le mélange hybride-lignée, la proportion s’élevait même à 46 % en Moselle selon des données de la chambre d’agriculture.
Les lignées commencent à faire leur âge. En l’absence de renouvellement variétal des lignées en colza depuis plusieurs années, les rendements de ces variétés peuvent paraître insuffisants en comparaison avec les variétés hybrides qui bénéficient, pour leur part, d’un progrès génétique continu. Dans ces conditions, peut-il être pertinent de réaliser un mélange constitué seulement d’hybrides ?
Terres Inovia teste depuis cette année un mélange de trois hybrides (LG Aviron, Feliciano KWS et Helypse). Objectif : obtenir des plants de colza plus résilients face aux ravageurs, altises et charançons principalement, dans un contexte où les moyens de lutte sont de plus en plus limités. « Les deux premiers mélanges montrent déjà de bons comportements vis-à-vis des ravageurs. C’est moins le cas avec Helypse mais cette variété a comme atout d’être régulière en rendement, présente Arnaud Van Boxsom, responsable de l’évaluation variétale chez Terres Inovia. Nous souhaitons voir le comportement du mélange face aux ravageurs. Par ailleurs, le fait de mettre ensemble des variétés aux précocités un peu différentes peut apporter un meilleur comportement face aux aléas climatiques. » L’expérimentation est réalisée dans le cadre du plan d’action Adaptacol visant à identifier les alternatives au retrait du phosmet (insecticide) pour réduire les attaques des ravageurs d’automne. Elle sera renouvelée les années suivantes.
Un mélange prêt à l’emploi d’hybrides commercialisé dans les règles
Le groupe Soufflet commercialise depuis 2022 un mélange prêt à l’emploi de variétés de colzas hybrides. Nommé Colza Max, il se compose à parts égales de 33 % des variétés Addition, Héclair et Attica et d’1 % de trèfle d’Alexandrie, pour des raisons réglementaires. En effet, pour pouvoir commercialiser un mélange de variétés de colza, il faut lui adjoindre au moins 1 % d’une légumineuse fourragère. Le mélange est alors classé officiellement comme « colza fourrager à usage alimentaire ».
« Ce mélange a été éprouvé par des essais sur le terrain, avec un rendement un peu supérieur à la moyenne des trois variétés utilisées en solo », met en avant Jean-François Barot, coordinateur au service agronomie, conseil et innovation chez Soufflet. Le but est aussi de diminuer le risque de destruction par le gel ou par d’autres aléas climatiques, en associant des variétés de précocités différentes et des sensibilités variables à ces aléas, de même que de mieux résister aux attaques d’insectes, voire de maladies.
« Addition et Attica amènent de la vigueur de départ, ce qui est important contre les altises. Héclair et Attica apportent un haut potentiel de rendement par rapport à Addition. Attica montre une meilleure résistance à l’élongation que les deux autres variétés, ce qui est intéressant en cas de semis précoce », précise le responsable de Soufflet. Selon lui, le mélange a connu un certain succès : « les prévisions de commercialisation ont été dépassées. On a dû refaire de l’ensachage pour répondre à la demande. »
Associer variétés résistantes et sensibles contre la hernie
La stratégie du mélange variétal prend tout son sens sur les parcelles touchées par la hernie du chou. Terres Inovia conseille d’associer une des dix variétés tolérantes à la hernie à 20-30 % d’un hybride classique sensible. « Ces variétés tolérantes montrent un potentiel de rendement limité en situation saine et l’expression de la hernie est variable selon les années et les conditions climatiques, précise Aurore Baillet, Terres Inovia. Si la maladie ne s’exprime pas ou peu, la variété sensible à haut potentiel compensera le manque de rendement du colza tolérant. » La stratégie du mélange permet de limiter le risque de contournement de gènes de résistance par le parasite causant la hernie. Précision : aucune des variétés tolérantes ne permet de lutter contre un des pathotypes, dit P1, présent dans certaines parcelles en France. Agriculteur à Luppy (Moselle), Florian Belloy mélange par exemple les semences de la variété Crossfit, tolérante à la hernie, à un hybride classique sur les quelques hectares de ses parcelles touchées par le parasite.